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Ryōtan Tokuda-Igarashi (1938-)

aka 徳田良探 Tokuda Ryōtan, 五十嵐良探 Igarashi Ryōtan

Né à Hokkaido, au nord du Japon en 1938, Ryotan TOKUDA Senseï possède une expérience de plus de 35 ans en tant que praticien et enseignant de shiatsu et médecine traditionnelle chinoise. Il est également diplômé de philosophie bouddhiste de l'université de Komasawa et Maître Zen (école Sôtô). Il est le fondateur de plusieurs monastères zen et centres de soin au Brésil et en Europe.

Ryôtan Tokuda-Igarashi (1938) est un moine de l'école Sôtô (Sôtô-shû) du bouddhisme Zen, école introduite au Japon par Maître Dôgen (1200-1253) à son retour de Chine. Après avoir envisagé d'embrasser la carrière militaire, Ryôtan Tokuda entreprend des études de philosophie bouddhiste à l'Université de Komazawa (Tokyo). Il y suit notamment l'enseignement du célèbre maître Kodo Sawaki (1880-1965), qui insistait sur la nécessité d'un retour à la pratique authentique de zazen, peu à peu délaissée au Japon.
En 1968, il est envoyé au Brésil comme missionnaire et réside dans un premier temps au temple de Busshin-ji, jusqu'alors exclusivement fréquenté par la communauté japonaise de Sao Paulo. Ryôtan Tokuda va ouvrir les portes du temple à l'ensemble de la population.
En 1976 il fonde avec des disciples brésiliens le monastère de Morro da Vargem à Ibiraçu, premier monastère zen d'Amérique latine, et, en 1985, celui de Pico dos Raios à Ouro Preto. Le monastère Pico dos Raios entretient également des contacts avec l'extérieur : Tokuda y enseigne la technique chinoise de l'acupuncture aux résidents, qui proposent ensuite leurs services à la population locale.
En 1984, Ryôtan Tokuda fonde la Sociedad Sôtô Zen do Brasil et, en 1985, le Centre d'Etudes Bouddhistes (CEB) de Porto Allegre qui regroupe des pratiquants de diverses traditions. Il fondera par la suite d'autres centres zen, notamment à Porto Allegre, Belo Horizonte, Brasilia, Recife, Rio de Janeiro et, en 1998, le monastère de Serra do Trovao à Ouro Preto, centre de formation pour les moines où sont organisées chaque mois deux sesshins (retraites) d'une semaine.

Arrivé en France à la fin des années quatre-vingt, Ryôtan Tokuda y fonde l'Association Maha Muni (« Le grand silence »), le Centre Zen Maha Muni Paris et le centre d'Eitai-ji dans l'arrière-pays niçois.

http://www.zen-occidental.net/nishijima/gudo2.html
http://www.zen-occidental.net/enseignements.html
http://www.zen-occidental.net/enseignements/tokuda1.html
http://www.zen-occidental.net/enseignements/tokuda2.html

Éric "慈雲 Jiun" Rommeluère (1960-)
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Rommelu%C3%A8re

En 1981, il reçoit l'ordination monastique et le nom de Jiun (慈雲, Maitramegha en sanskrit, Nuage de Bienveillance en français; Compassion, miséricorde est Karuṇā en sanscrit, 悲 bēi en chinois), de Taisen Deshimaru, quelques mois avant la mort de celui-ci, en avril 1982.

Après la disparition de Deshimaru, il poursuit durant dix ans la pratique et l'étude du zen aux côtés de l'enseignant Ryôtan Tokuda, moine de l'école Sōtō et lui aussi ancien élève également de Kodo Sawaki entre autres. Ryôtan Tokuda fut un temps missionnaire de l’école Zen Sôtô pour l’Amérique du Sud, puis de l’Europe. Toutefois, soucieux d'échapper à toute domination de maître à disciple, il refuse de transmettre à Éric Rommeluère le dharma qui l'autoriserait à devenir enseignant à son tour.

Gábor Terebess
Deux haïkus
1.
Mon peuple tout entier
je vais épargner
de mon enseignement.
2.
Sois toujours débutant -
s'engager comme maître :
servitude éternelle.

En octobre 2001, il reçoit à Tokyo la transmission du dharma — le shiho — de Gudō Wafu Nishijima (1919-2014), qui lui-même l'avait reçue de Niwa Rempo Zenji (1905-1993), supérieur du temple d'Eihei-ji et représentant la plus haute autorité du zen Sōtō au Japon. Gudō Nishijima était un commentateur reconnu des œuvres de Dōgen tant au Japon que dans le monde anglophone par le biais de sa traduction en anglais de l'œuvre maîtresse de celui-ci, le Shōbōgenzō. Éric Rommeluère a relaté de manière détaillée le rituel de sept jours et sept nuits.

Shikantaza : Juste s'asseoir
Un enseignement de Ryôtan Tokuda

https://fr.scribd.com/document/873102252/Enseignement-de-Maitre-Tokuda-3

S'asseoir tout simplement. L'art de la meditation
par Eric Rommelu
ère

Ryôtan, obscurcir ses traces

Nous étions au milieu des années 1980. J’appris qu’un maître
japonais du nom de Tokuda Ryôtan proposait, une fois par semaine,
une méditation à Paris. Le moine vivait au Brésil mais, depuis peu, il
séjournait régulièrement en France pour enseigner la médecine
chinoise. Il logeait à l’époque chez des amis. La première fois,
j’arrivais fort en avance. Dans le salon, entre deux commodes, un
moine au crâne rasé était déjà assis face au mur, immobile. D’autres
personnes arrivèrent et chacun s’installa comme il le put. Peu à peu,
le silence se fit. À un moment, l’un des participants qui devait trouver
l’exercice trop pénible décroisa les jambes, puis s’étendit de tout son
long. Finalement, il s’endormit et la pièce s’emplit de ses
ronflements. Au bout d’une quarantaine de minutes, le moine sonna
une cloche pour marquer la fin de la session. Le tintement réveilla la
personne endormie, elle reprit ses esprits et se rassit comme si de
rien n’était. D’une voix douce, le moine nous demanda ensuite de
nous retourner (dans l’école sôtô, la méditation se pratique face au
mur) puis, en anglais, il entama une petite causerie informelle sur le
dharma.
Tout était inattendu. Rien ne correspondait à ce que je savais du
zen jusque-là. Taisen enseignait avec la force d’un tigre. Une
certaine tension était toujours palpable dans le dojo, comme si un
fauve marchait de long en large autour de nous. Pendant la seconde
partie de la méditation, il commentait ordinairement des textes
indiens, chinois ou japonais, mais il pouvait tout aussi bien
réprimander tel ou tel de ses disciples. Il faisait rectifier les postures
ou donnait lui-même du bâton pour réveiller les endormis, bang,
bang. Mais là, dans cette pièce, je n’entendais rien, je ne voyais rien
de tout cela. Un moine s’était assis bien avant l’arrivée des
participants, sans plus. Non seulement il n’empêcha pas la personne
de s’allonger, mais il ne lui fit pas la moindre remarque. J’étais
habitué à un style où la conformité était de rigueur. Il fallait pratiquer,
s’habiller, chanter selon les règles. Le moindre écart était
immédiatement rectifié. Un débutant n’aurait jamais osé s’allonger
dans le dojo de Taisen, même la toute première fois. À peine arrivé,
il sentait déjà le souffle chaud et puissant du tigre sur son visage.
Sans ce contraste saisissant entre tout ce que j’avais vécu,
imaginé de la posture d’un maître zen, je n’aurais sans doute jamais
prêté attention à ce moine japonais à la beauté fade. Les années
suivantes, Ryôtan est revenu de plus en plus souvent. La France lui
plaisait, il s’est installé à Paris. Une communauté est née qui prit le
nom de Mahâmuni (« le Grand silencieux », en sanskrit, une autre
appellation du Bouddha) et je l’ai suivi. Même s’il donnait des
enseignements, Ryôtan ne se souciait pas d’un magistère. Il
souhaitait simplement être votre ami sur la voie, se contentant pour
le reste « d’obscurcir ses traces ». Il faisait de l’anonymat une
philosophie, rêvant de disparaître dans les montagnes et de vivre au
milieu des nuages.
Jeune homme, Ryôtan eut une expérience mystique qui décida
de son engagement à l’inconcevable. Il se promenait dans la
campagne japonaise lorsqu’il entendit dans le lointain résonner la
cloche d’un temple. Le son était si pur qu’il bifurqua dans cette
direction. Il emprunta une lande de terre courant entre deux rizières,
mais quand il arriva sur l’esplanade du temple, la cloche s’était tue et
le lieu semblait désert. Quelques jours plus tard, il revint à l’heure où
l’on avait sonné la cloche. Un moine fort âgé arriva, quatre-vingts
ans ou plus. Il était accompagné d’une petite fille qui le guidait par la
main, car il était aveugle. L’enfant et le vieil homme gravirent les
marches jusqu’au campanile où était suspendue la cloche de
bronze. Et lorsque le moine frappa le premier coup, Kyûji (son
prénom) eut la sensation que son corps disparaissait sous l’effet de
l’onde sonore, qu’il n’existait plus. Cette expérience inaugurale
résonna comme un appel. Il quitta alors l’armée où il s’était engagé
et se tourna vers le zen, qu’il approfondissait déjà par des lectures. Il
pratiqua d’abord dans l’école rinzai avant de se tourner vers l’école
sôtô et de devenir moine sous le nom religieux de Ryôtan. À la fin
des années 1960, il fut envoyé par ses supérieurs comme
missionnaire au Brésil, pays de forte immigration japonaise. Il y
vécut près d’une vingtaine d’années avant de séjourner
régulièrement puis de s’installer en France.

Le délaissement

Toute sa vie durant, Ryôtan a cherché des échos de sa prime
expérience chez les mystiques chrétiens, maître Eckhart le premier.
La pauvreté intérieure du maître allemand résonnait en lui avec les
enseignements du zen. Dans la plupart de ses leçons, Ryôtan
commentait indifféremment Dôgen par une lecture d’Eckhart ou
Eckhart par une lecture de Dôgen. « Je découvre certains textes de
maître Eckhart, disait-il, et j’ai l’impression de lire du zen pur.
Lorsqu’on croise l’oeuvre de maître Eckhart comme une chaîne
verticale et celle de maître Dôgen comme une trame horizontale,
une très belle étoffe apparaît. » Ryôtan relisait souvent le sermon
sur la pauvreté où le maître allemand commentait la phrase de
l’Évangile : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des
cieux est à eux. » Eckhart avait une triple formule pour célébrer la
pauvreté de l’âme du mystique. Il écrivait : « Celui-là est un homme
pauvre qui ne veut rien, ne sait rien et n’a rien 9. » Ryôtan était
émerveillé, la sentence, plus que toute autre, révélait le coeur nu, pur
et simple de l’assise.
L’âme se dépouille. Elle ne veut plus rien, elle ne sait plus rien,
elle ne possède plus rien. J’ai médité des années durant avec
Ryôtan jusqu’à ce que le silence se fasse grand. Pendant tout ce
temps, il ne se levait quasiment jamais pour regarder ou ajuster les
postures de ceux qui se joignaient à lui, deux ou trois fois dans
l’année, tout au plus. Et puis, un jour, je me souviens, il se leva. Mais
à peine fut-il debout qu’il se rassit immédiatement sans avoir marché
derrière la rangée des méditants assis face au mur. Après la
méditation, je lui en demandais la raison. Il me répondit
benoîtement : « Je voulais regarder les postures et puis, en me
relevant, je me suis aperçu que le parquet grinçait. Je n’ai pas voulu
vous déranger. » Il s’agissait là d’une simple réponse, innocente
presque, et pourtant l’inattendu me renversa encore. Rien n’était
plus précieux à ses yeux que le Grand silence, le silence où l’âme
s’évide jusqu’à ne plus rien vouloir, ne plus rien savoir, ne plus rien
avoir. Sa tendresse irradiante me brûlait.
Ryôtan n’était pas simplement d’un tempérament discret, ses
enseignements étaient également différents de ceux que j’avais
reçus. Pour Taisen, la pratique de la méditation requérait de modifier
le rythme respiratoire. Il nous invitait à expirer le plus lentement
possible, de telle façon que le nombre des cycles respiratoires
puisse s’abaisser à quatre, cinq ou six par minute. « Concentrezvous
», répétait-il sans cesse. Notre concentration devait se porter
sur la respiration et sur la rectitude de la posture. Nous devions
pousser sur le bas-ventre pendant toute l’expiration jusqu’au point
que l’on appelle en japonais kikai tanden, « le champ de cinabre de
l’océan du souffle ». Selon la physiologie taoïste, il existe trois
« champs de cinabre », des espaces de transmutation du souffle
vital situés aux niveaux de la tête, du coeur et du bas-ventre.
« L’océan du souffle » est le plus bas, trois doigts en dessous du
nombril. À la fois sérieux et rieur, Taisen interrogeait volontiers ses
disciples : « Comment allez-vous sous le nombril ? »
Les instructions ne sont pas aussi monolithiques que l’on pourrait
le croire, et même dans une tradition comme le zen japonais, les
approches et les méthodes peuvent diverger selon les enseignants
et les lignées, parfois de façon évidente, parfois de façon plus
subtile. Taisen décrivait l’assise comme une puissante concentration
sur la respiration ainsi que sur tous les aspects de la posture
physique. Une grande tension mentale et physique était requise.
« Rentrez le menton, poussez la terre avec les genoux, poussez le
ciel avec la tête », répétait-il. Ryôtan l’enseignait, lui, comme une
pratique simplement tonique. Un jour, je l’interrogeais : Sortait-il ou
rentrait-il le ventre à l’expiration ? Certains maîtres recommandaient
en effet de le sortir, Taisen était de ceux-là ; d’autres, comme
Maezumi Taizan (1931-1995), un maître japonais influent aux États-
Unis, de le rentrer. Un tel questionnement peut paraître insignifiant,
mais pour un méditant qui examine chaque aspect de sa pratique, il
a toute son importance. La question remplit Ryôtan de perplexité.
Après quelques instants de silence, il me répondit qu’il ne s’était
jamais posé ce genre de question et qu’il n’en savait rien.
Plus que toute autre différence, cet antagonisme, technique
respiratoire appuyée pour l’un, absence de technique pour l’autre, fut
déterminant. En suivant les conseils de Ryôtan, je laissais le souffle
aller à son rythme sans plus me soucier qu’il soit long ou court et
j’eus pour la première fois l’impression de méditer, ou tout au moins
qu’un relâchement pouvait s’opérer. Jusque-là, je ne faisais qu’un
exercice corporel, pousser, souffler, m’appliquer. Pour chacun,
évidemment, les ressentis sont variés, les obstacles toujours
singuliers. La méthode avait sans doute ses vertus, mais après
coup, je ressentais qu’elle n’avait créé pour moi que des
empêchements. Abandonner la technique fut une puissante
libération.
Le chemin de la rencontre est parfois semé d’embûches, la
douceur parfois désespérante. J’aurais bien voulu être son meilleur
disciple, mais Ryôtan n’en avait cure. Son goût le portait à
embrasser la simplicité et à chevaucher les nuages, non à
encourager une si belle intention. Nos chemins se sont séparés à la
fin des années 1990. Ryôtan est reparti au Brésil, au Japon, et j’ai
rencontré Nishijima Gudô, mon dernier maître. Plus les années
passent cependant, plus je ressens la vérité de la posture de Ryôtan
à nulle autre égale. Car il ne voulait rien, il ne savait rien, il ne
possédait rien.

 

Mestre Tokuda

徳田良探 Tokuda Ryōtan

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