ZEN IRODALOM ZEN LITERATURE
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佚斎樗山 Issai Chozan (1659-1741)
aka 丹羽十郎右衛門忠明 Niwa Jūrōzaemon Tadaaki

猫の妙術 Neko no myōjutsu

(English:) The Cat's Eerie Skill / The Cat's Uncanny Skill / The Mysterious Technique of the Cat
(Magyar:) A csodálatos macska / A macska fantasztikus tudománya


Illustrations from the 田舎荘子 Inaka sōji
written by the samurai Niwa Jūrōzaemon Tadaaki (pen name Issai Chozanshi, 1659-1741) in 1727



Tartalom

Contents

A csodálatos macska
Németből fordította: Hetényi Ernő

PDF: A macska fantasztikus tudománya
Japánból fordította: 山地征典 Yamaji Masanori
Keletkutatás, 1994 ősz. 71-83. oldal

The Marvelous Cat
Tr. by Takeharu Teramoto & Fumio Hashimoto

PDF: The Subtle Art of a Cat

PDF: The Swordsman and the Cat
Tr. by D.T. Suzuki

The Mysterious Technique of the Cat
Tr. by William Scott Wilson

Mysterious Technique of the Cat
Tr. by da2elni4na [Daniel Nishina]

Secret of Kendo and “The Cat's Eerie Skill”
by Hiroshi Ozawa

Tattooed Cat Designs
by Horitomo (Kazuaki Kitamura)

Die wunderbare Kunst einer Katze
Übers. Karlfried Graf Dürckheim

Les techniques du vieux chat
par Nuage~Pluie

L'Art du Chat merveilleux
par Francis Sigrist

Histoire de l'art merveilleux d'un chat
par José Valéry

La meravigliosa arte del gatto
Traduzione di Marcella Morganti

PDF: L'arte del gatto meraviglioso
Traduzione di Giovanni Frova

「猫之妙術」



Un tatouage de 彫巴 (北村一晃) Horitomo (Kazuaki Kitamura)

Les techniques du vieux chat
PAR NUAGE~PLUIE
http://nuage-pluie.org/les-techniques-du-vieux-chat/

Neko no Myojutsu apparaît pour la première fois dans 田舎荘子 Inaka sōji, qui est un recueil d'essais écrits en 1727 par Issai Chozan (佚斎樗山 1659-1741). Il fût et continue d'être un texte très populaire parmi les artistes martiaux.

猫の妙術
Neko no myō-jutsu

Il était une fois un fin épéiste nommé Shoken. Sa maison était en proie à un énorme rat qui, même pendant la journée, y errait librement. Le chat de Shoken n'était pas de taille pour affronter ce rat et s'enfuit terrifié après avoir été sévèrement mordu. Shoken acquis plusieurs chats pour combattre ce rat. Ils furent libérés dans la maison, et s'en furent chez le rat, qui accroupit dans le coin d'une salle les laissa venir. Le rat, l'un après l'autre, fustigua férocement les chats et les chassa tous hors de la maison. Irrité par ce lamentable échec, le maître décida de poursuivre le rat avec son épée. Malgré ses talents de bretteur, il ne pu toucher l'animal qui bondissait dans l'air sur de grandes distances , se déplaçant comme un éclair, et qui, hardiment, sauta droit sur la tête de l'épéiste.

Shoken, exaspéré, décida de demander l'aide de l'incroyable vieux chat d'un village voisin. Lorsque son propriétaire amena le vieux chat à la maison de Shoken, celui-ci fut surpris de voir combien il apparaissait ordinaire et vieilli. Toutefois, il dit: “Tentons un essai”, et libéra le chat dans la pièce où le rat était bien installé. Dès qu'il vit le chat s'approché le rat se figea. Le chat nonchalamment, se saisit du rat par le cou, le porta hors de la salle, et s'en revint auprès de Shoken.

Cette nuit-là, les chats se réunirent, et donnèrent au vieux chat, la place d'honneur. Ils lui dirent: “Nous sommes tous bien connus pour notre habileté à attraper les rats, et même les belettes et les loutres, et nos ongles sont comme des rasoirs. Cependant, nous ne pouvions rien faire face à ce rat. Comment étiez-vous en mesure de vaincre ce rat géant? Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous communiquer les secrets de votre art.”

Le vieux chat se mit à rire et dit: “Eh bien, vous êtes tous encore jeunes et même si vous avez une expérience dans la lutte contre les rats vous avez encore beaucoup à apprendre. Cependant, avant de commencer, parlez-moi de votre formation.”

Un chat noir s'avança et dit, “J'ai grandi dans une famille qui s'est spécialisée dans l'entraînement des chats. J'ai appris à sauter sur un paravent de sept pieds, comment se faufiler dans de petits trous, et toutes sortes d'acrobaties. J'étais un expert pour feindre le sommeil et s'en extraire à l'approche d'un rat. Les rats ne pouvaient pas m'échapper. Je pouvais les attraper même enfuis dans les poutres de plafond. Je n'ai jamais été battu jusqu'à ce que je rencontre ce vieux rat.” “Votre formation a été centré exclusivement sur la technique. Tout ce que vous pensez, c'est d'attraper le rat. Les vieux maîtres vous ont enseignés les procédés et les mouvements pour vous permettre de développer une bonne technique. Et même la technique la plus simple contient des principes profonds. Vous vous concentrez trop sur la technique externe. Cela vous amène à douter de la tradition des maîtres et à concevoir de nouvelles choses. Toutefois, si vous comptez trop sur la technique, tôt ou tard, vous arriverez à une impasse parce la technique physique a une limite. Méditez bien ceci”, dit le vieux chat.

En suite, le chat tigre s'avança et dit: «Je crois que la formation du ki est le plus important. J'ai affiné mon ki pendant de nombreuses années, et mon esprit est très fort, remplissant le ciel et la terre. Je pourrais défier mes adversaires avec un ki écrasant et les vaincre dès le début. Je pourrais répondre immédiatement à un stimulus, à tout mouvement. Je ne ai pas besoin de penser, la technique vient naturellement. Je pourrais figer un rat qui cours sur une poutre et le faire tomber au sol. Ce vieux rat, cependant, est venu sans expression et sans laisser de traces. J'en ai été entravé.”

Le vieux chat répliqua: “La puissance du ki que vous utilisez dépend toujours de votre esprit, et est donc trop égocentrique. Elle est entièrement basé sur la confiance que vous avez en vous. Le fait de restez conscient du pouvoir de votre ki et de l'utiliser mentalement pour combattre un adversaire, crée une résistance. Et vous pouvez être certain de rencontrer un adversaire dont le ki est encore plus puissant que le vôtre. Vous pouvez croîre que votre ki remplit l'univers de la même manière que le Kozen no ki (l'énergie universelle) employé par le sage chinois Mencius, mais cela ne se vérifie pas. En ce qui concerne Mencius, son ki est lumineux et vigoureux. Son utilisation du ki est comme un grand fleuve; votre utilisation est comme une crue soudaine. Nous connaissons tous le proverbe: “Un chat qui mord se fait mordre par le rat”. Quand un rat est acculé, il oublie la vie, il oublie les désirs, il oublie de gagner ou de perdre, il oublie le corps et l'esprit. Cette force est aussi solide que l'acier, et ne peut être vaincu seulement par la puissance de ki.”

Ensuite, un chat plus gris s'avança tranquillement et dit: «Comme vous l'avez énoncé, ce type de puissance peut être très forte, mais conserve toujours une forme, même légère, qui peut être utilisé contre vous. Quant à moi, depuis de nombreuses années maintenant, je ai polis mon cœur. Je ne m'appuie pas sur le pouvoir du ki, je ne ai jamais nourris de pensées de combat avec un adversaire, et j'essaie toujours de m'harmoniser avec n'importe quelle attaque. Quand un adversaire est fort, je m'accorde et suit ses mouvements. Ma technique est comme celle d'un rideau qui capture et fait chuter au sol une pierre lancée contre lui. Jusqu'à présent, même le rat le plus fort ne pouvait trouver un endroit pour m'attaquer. Ce rat, cependant, avait un ki d'une incroyable puissance et le pouvoir d'harmonisation n'a eu aucun effet sur lui.”

Le vieux chat répondit: «Votre pouvoir d'harmonisation n'est pas la puissance d'harmonisation de la nature. C'est une projection de votre propre esprit et elle est donc limitée. Toute trace de pensée consciente détruit votre équilibre, et un adversaire fort se saisira de cette ouverture en un instant. La pensée en entrave la nature et en affecte la fonction. Ne pensez pas, n'agissez pas; suivez les mouvements de la nature, et l'ego disparaîtra. Sans l'ego, il n'y aura personne pour s'opposer au Ciel~Terre. Ce ne est pas mon intention de rejeter, comme sans valeur, la totalité de votre dur entraînement. «La voie a de nombreux vaisseaux.” Les techniques contiennent des principes universels. La puissance du Ki anime le corps et vivifie le cosmos. Le pouvoir d'harmonisation permet à quelqu'un de s'unir naturellement avec n'importe quelle attaque sans être brisé. Dès qu'il y a la moindre pensée consciente, l'artifice et l'obstination apparaissent, et cela vous écarte de la voie naturelle. Vous vous voyez vous-même et les autres comme des entités distinctes, comme des opposants.

Si vous me demandiez ce que j'utilise comme technique, la réponse est l'innocence. Mushin (無心), c'est agir en conformité avec la nature, rien d'autre. La voie n'a pas de limites, il ne faut pas penser à mon discours comme à l'ultime secret.

Il ya longtemps, il y avait un chat dans mon quartier qui semblait ne rien faire, sauf faire la sieste toute la journée. Ce chat regardait sans âme, presque comme un chat fait de bois. Personne ne l'a jamais vu attraper un rat, mais partout où il était et où il était allé, pas un rat n'osait apparaître. Je lui ai rendu visite une fois et lui ai demandé de m'en expliquer la raison. Je le lui ai demandé plusieurs fois, mais il restait silencieux. Ce n'était pas que le chat ne voulait pas répondre mais plutôt qu'il ne savait pas comment répondre. Comme le dit le vieil adage, «Ceux qui savent, ne parlent pas; ceux qui parlent, ne savent pas.» Ce chat oublié de lui-même, avait oublié les choses, et habitait un état d'inutilité. Ce chat actualise la vertu martiale divine de «non-mort». Je ne suis toujours pas de taille pour ce chat.

Shoken, qui avait été à l'écoute de cette conversation onirique, tout à coup ne put se contenir et fît irruption dans la chambre. “Je me suis entraîné au maniement de l'épée pendant de nombreuses années mais je ne ai pas encore pénétrer son essence. Ce soir, j'ai appris sur de nombreux types de formation et beaucoup appris sur ma propre voie de l'épée. S'il vous plaît apprenez moi vos secrets les plus intimes.”

Le vieux chat répondi: “Je ne peux pas le faire. Je suis juste un animal qui attrape les rats pour se nourrir. Que sais-je des affaires humaines? Je ai ceci cependant à dire. L'escrime ce n'est pas seulement obtenir la victoire sur un adversaire. Àu moment critique, c'est l'art d'éclairer la vie et la mort. Le samouraï (武士: bushi) se doit d'encourager cette attitude d'esprit et se discipliner dans cet esprit. Pénétrer le principe de la vie et la mort, en premier lieu, puis maintenir cet esprit. Alors il y aura pas de doutes, pas de pensées distrayantes, aucun calcul, aucune délibération. Votre esprit restera calme et paisible, dégagé et répondra librement à toute éventualité.

Inversement, s'il y a le moindre objet dans votre esprit, il y aura vous, il y aura un ennemi, il y aura la dualité, il y aura une perte de liberté. Vous allez entrer dans les ténèbres de la mort et perdre la lumière spirituelle. Comment pouvez-vous affronter un adversaire dans un tel état? Même si vous gagnez, c'est une victoire sans profondeur, et ce n'est pas la vrai voie d'un épéiste. L'irrésolution n'est pas un état de vacuité. Il est sans forme et sans objet. Si quelque chose est hébergé là, le ki se rassemble autour d'elle. La puissance du Ki est donc étouffée et le mouvement devient stagnant, déséquilibré et incontrôlé. Ce que je appelle «sans but» ne recèle rien, se appuie sur rien, n'a aucun ennemi, n'a pas de soi; il répond à tout naturellement et ne laisse pas de trace. Les épéistes qui comprennent les principes du Classique des changements (易經, yì jīng): sans pensée, sans faire, naturellement apaisé, sont à proximité de la voie.”

Shoken demanda, “Qu'est-ce qu'on entend par «Il n'y a pas d'ennemi, il n'y a pas de soi?» Le vieux chat répondit, “C'est parce qu'il y a un égo qu'il y a un ennemi. Si il n'y a pas de soi, il n'y a pas d'ennemi. L'«ennemi» est ce qui s'oppose à nous. Le type de l'opposition qui apparaît externe dans le yin et le yang, le feu et l'eau. Le type d'opposition qui semble externe dans le yin et le yang, le feu et l'eau. Chaque objet avec une forme a son contraire. Lorsque l'esprit n'a pas de forme, il n'y a rien pour s'y opposer. Quand il n'y a pas d'opposition, il n'y a rien pour lutter contre. Cela s'appelle «pas d'ennemi, pas de moi». Lorsque soi et les objets sont tous deux oubliés, il y a un état naturel de non-activité, d'absence de conflit, d'unité. La forme de l'ennemi est parti, et vous ne savez rien. Ce n'est pas le même chose qu'être ignorant; cela signifie qu'il n'y a aucune pensée, aucun calcul, et que la réponse est naturelle et immédiate.

Cet état d'esprit est sans obstacle et libre, il permet au monde de devenir votre domaine. Les abstractions telles que «ceci», «que», «comme», et «dégoût» disparaissent. «Le plaisir et la douleur, le gain et la perte» sont des créations similaires de votre esprit. Le ciel et la terre ne sont pas à rechercher à l'extérieur de son propre esprit. La parole d'un ancien dit: «Un grain unique de poussière dans l'œil peut faire que les trois mondes semblent très étroits; libérer votre esprit et la vie sera sans entrave!» Quand un grain de poussière pénètre dans l'œil, il peut à peine être maintenue ouvert, et il est difficile de voir quoi que ce soit. Quand quelque chose qui est lumineux par nature est contaminée par un objet étranger, il perd de sa clarté. La même chose vaut pour l'esprit.

Un autre ancien dit: «Entouré par des ennemis innombrables, votre corps peut être mis en pièces, mais votre esprit est vôtre et ne peut jamais être vaincu.» Confucius dit: «Même l'être humain le plus vil ne peut être privé de sa volonté.» Lorsque vous vous êtes trompés, votre propre esprit devient votre ennemi. J'aimerais arrêter de parler ici. C'est à vous maintenant. Un maître peut transmettre des techniques pour éclairer les principes sous-jacents, mais pas plus. La vérité doit être réalisé individuellement. C'est l'auto-réalisation. Ceci est appelé «la transmission d'esprit à esprit», et «une transmission séparée en dehors des textes.» Bien que l'enseignement ne dépende pas de la tradition, il utilise la tradition, mais dans tous les cas un maître ne peut pas tout conférer. Ce n'est pas limitée à l'étude du Zen. Des méthodes de formation spirituelles des anciens sages aux chefs-d'œuvre créés par des artistes, tous ont reposés sur l'auto-réalisation et la transmission instantanée d'esprit à esprit – l'enseignement en dehors des textes. Les textes révèlent ce que vous avez déjà en vous et seulement.

Un maître ne pas vraiment vous donner quoi que ce soit. C'est facile de parler, et facile d'écouter, mais c'est difficile de percevoir ces choses et de les faire vraiment sienne. Cela s'appelle kensho (voir en sa nature) et satori (illumination). Satori, c'est s'éveiller du rêve de l'illusion. C'est la même chose que conscience aiguë.

 

 

 


Illustration par 葛飾北斎 Katsushika Hokusai (1760–1849)

L'Art du Chat merveilleux
par Francis Sigrist
http://www.francis-sigrist.fr/lart-du-chat-merveilleux/

Extrait d'un ancien livre d'inspiration taoïste et zen consacré à l'escrime écrit probablement par l'un des premiers maîtres de l'école japonaise Ittoryu fondée au XVll e siècle. La présente version fut rapportée du japon par K. von Durkheim.

Il était une fois un maître d'escrime du nom de Shoken. Dans sa maison, un gros rat causait du désordre. Même en plein jour il courait partout. Un jour, le maître de maison l'enferma dans sa chambre et dit à son chat de l'attraper. Mais le rat sauta à la gorge du chat et le mordit si cruellement qu'il se sauva en miaulant. Ensuite Shoken amena plusieurs chats du voisinage réputés leur grande vaillance et les fit entrer dans la chambre. Le rat était assis, ramassé sur lui-même dans un coin.

Dès que l'un des chats l'approchait, il lui sautait dessus et le faisait fuir. Le rat avait un air si féroce qu'aucun des chats n'osait l'approcher à nouveau. Alors le maître se mit en colère et courut lui-même après le rat pour le tuer. Mais celui-ci évitait tous les coups du savant maître d'escrime qui cassa portes, shojis, karamis et autres objets tandis que le rat fendait l'air, rapide comme l'éclair, esquivant chacun de ses mouvements. Enfin, lui sautant au visage, il mordit.

Finalement, ruisselant de sueur, Shoken appela son serviteur. Il paraît « dit-il », « qu'à six ou sept cho vie de chat le plus vaillant du monde. Va, et amène-le.»

Le serviteur apporta le chat. C'était en fait une chatte qui ne semblait pas bien différente des autres chats. Elle n'avait l'air n'avait l'air ni particulièrement intelligente, ni particulièrement dangereuse.

Aussi le maître d'escrime ne lui fit pas d'emblée particulièrement confiance. Néanmoins, il lui ouvrit la porte et la fit entrer. Calme et silencieuse, comme si elle ne s'attendait à rien de singulier, la chatte s'avança dans la pièce. Le rat eut un sursaut et ne bougea plus. La chatte en toute simplicité s'approcha lentement de lui, le prit dans sa gueule, et le porta dehors.

  • Dans la soirée les chats battus se réunirent dans la maison de Shoken. Respectueusement, ils offrirent à la vieille chatte la place d'honneur s'agenouillèrent devant elle et dirent modestement :« Tous, nous avons la réputation d'être vaillants. Nous nous sommes entraînés dans cette voie et nous avons aiguisé nos griffes afin de vaincre n'importe quel rat, ou même des loutres et des belettes. Jamais, nous n'aurions cru qu'il put exister un rat aussi fort. Par quel art l'avez-vous vaincu aussi facilement ? N'en faites pas un secret, dites-le nous. »
  • Alors, la vieille chatte rit et dit : « Vous autres jeunes chats, tout en étant assez vaillants, vous ignorez la vraie Voie. C'est ainsi que vous manquez de réussite quand vous trouvez en face de quelque chose dont vous n'aviez aucune idée. Mais d'abord, dites-moi comment vous vous êtes entraînés ? »
  • Alors, un chat noir s'approcha et dit : « Je suis issu d'une lignée célèbre en capture de rats. Aussi, je décidai de poursuivre dans cette voie. Je sais sauter des paravents hauts de deux mètres. Je sais m'insérer dans un trou minuscule où seul un rat peut se glisser. Tout enfant, je me suis exercé dans tous les arts acrobatiques. Même si, sortant du sommeil, quand je ne suis pas encore tout à fait présent, au moment où je rassemble mes esprit, je vois un rat courir sur une poutre, d'un saut je m'en empare. Mais ce rat-ci était le plus fort que j'aie jamais rencontré et j'ai subi la plus épouvantable défaite de ma vie. J'en ai honte. »
  • Alors, la vieille chatte dit : « Ce en quoi tu t'es exercé, ce n'est proprement rien d'autre qu'une technique, (shosa, un art purement physique). Quand les anciens enseignèrent la technique c'était pour eux une des formes de la Voie (michisuji). Leur technique était simple mais enfermait dans son sein la plus haute sagesse. Le monde d'aujourd'hui s'occupe uniquement de technique. Certes, beaucoup de choses furent inventées ainsi d'après la recette : « à condition de faire ceci ou cela, on obtient ceci ou cela. » Mais qu'obtient-on ? Rien que de l'habileté. En abandonnant la voie traditionnelle, on instaura, par usage de l'intelligence jusqu'à l'abus, la compétition dans la technique et maintenant on n'avance plus. C'est toujours ainsi, si on ne pense à rien d'autre qu'à la technique et si on ne se sert que de son intelligence. Bien sûr, elle est une fonction de l'esprit, mais si elle ne prend pas racine dans Ia Voie et si elle vise l'habileté seulement, elle devient le germe du faux et le résultat est néfaste. Donc recueille-toi et exerce-toi dorénavant dans le sens juste. »
  • Alors, un gros chat au pelage tigré s'approcha et di: cc C'est, je pense, uniquement l'esprit qui compte dans l'art chevaleresque. Ainsi, depuis toujours, je me suis exercé e: ce pouvoir (ki wo neru). Maintenant, il me semble, mon esprit est dur comme l'acier et libre ; rempli de l'esprit qui comble terre et ciel. A peine l'ennemi perçu, déjà cet esprit tout puissant le fascine et d'avance, la victoire est à moi. Alors seulement j'approche, sans réfléchir, tout comme la situation l'exige. Je m'oriente d'après le « son » de mon adversaire. Je fascine le rat d'après mon bon vouloir, à droite, à gauche, j'appréhende chacun de ses mouvements. Quant à la technique comme telle, je n'en ai cure. Elle se fait d'elle-même. Un rat qui court sur une poutre : je le fixe et déjà il tombe, il est à moi. Mais ici, ce rat mystérieux arrive sans forme et s'en va sans trace. Qu'est-ce ? Je l'ignore. »
  • Alors, la vieille chatte dit : « Ce pourquoi tu t'es donné de la peine, n'est qu'une force psychique et ne ressort pas du bien qui mérite le nom de bien. Le fait seul d'être conscient du pouvoir dont tu veux te servir pour vaincre suffit pour agir contre ta victoire. Ton moi entre en jeu. Mais si le moi de l'autre est plus fort que le tien, qu'arrivera-t-il ? Si tu veux vaincre l'ennemi uniquement par ta force supérieure, il t'oppose la sienne. T'imagines-tu être le seul fort, et crois-tu tous les autres faibles ? Mais comment se comporter s'il existe quelque chose que l'on ne peut pas vaincre, avec la meilleure volonté, par sa propre force, fut-elle supérieure ? Voilà 1a question ? La force spirituelle que tu sens en toi « dure comme l'acier, libre et remplissant terre et ciel », ce n'est pas la grande Puissance (Ki-no-sho) elle-même, mais son reflet seulement. Et ainsi ton propre esprit est seulement l'ombre du grand Esprit. Il paraît être la vaste Puissance, mais en réalité il est tout autre chose. L'Esprit dont parle Mencius est fort parce qu'il est éclairé en permanence d'une grande clairvoyance. Mais ton esprit ne dispose de sa puissance que dans certaines conditions. Ta force et celle dont parle Mencius sont d'origine différente et ainsi leur effet aussi est différent. Elles sont tout aussi opposées que le courant éternel du Yang-Tsé-Kiang et un raz de marée nocturne, subit. Mais de quel esprit faut-il faire preuve, quand on se trouve en présence de ce qui ne peut être vaincu par aucune force spirituelle contingente (kisei). Un dicton dit : « Un rat piégé mord même le chat. » L'ennemi en face de la mort ne dépend de rien. Il oublie sa vie, il oublie tout besoin, il s'oublie lui-même, il est libre de vaincre et d'échouer. Il ne vise plus à préserver son existence. Et c'est ainsi que sa volonté est telle que l'acier. Comment le vaincre avec une force spirituelle que l'on s'attribue soi-même »
  • Alors un chat gris, plus âgé, s'inclina et dit :« Oui, en vérité, c'est ainsi que vous le dites. Aussi grande que puisse être la puissance psychique, elle a en soi une forme (katachi). Mais tout ce qui a une forme, quelque subtil qu'il soit, est saisissable. C'est pourquoi, depuis longtemps, j'ai entraîné mon âme (kokoro : la puissance du Coeur). Ce n'est pas moi qui exerce cette puissance qui terrasse l'autre spirituellement (le « soi », comme le deuxième chat). Je ne me bagarre pas non plus (comme le premier chat). Je me « concilie » celui qui est en face de moi, ne fais qu'un avec lui et ne m'oppose d'aucune façon. Quand l'autre est plus fort que moi je cède et m'abandonne, pour ainsi dire, à sa volonté. D'une certaine façon, mon art consiste à s'emparer d'un jet de gravier avec un filet souple. Le rat qui veut m'attaquer, aussi fort qu'il soit, ne trouve rien où s'appuyer, rien d'où s'élancer. Or, ce rat-ci n'a pas joué le jeu. Il est arrivé, il est parti, insaisissable comme une divinité. Jamais je n'ai rien vu de pareil. »
  • Alors la vieille chatte répondit : « Ce que tu appelles conciliation ne procède pas de l'Etre, de la grande Nature. C'est une conciliation voulue, artificielle, une astuce. Consciemment, tu veux échapper ainsi à l'agressivité de l'ennemi. Mais, si tu y penses, fût-ce furtivement, il s'aperçoit de ton intention. Or si dans une telle disposition tu te montres conciliant, ton esprit prêt à l'attaque se trouble ; ta perception et ton acte sont perturbés dans leur tréfonds. Tout ce que tu entreprends avec une intention consciente entrave la vibration originelle de la grande Nature, gêne le surgissement de sa source secrète et perturbe le cours de son mouvement spontané. D'où viendrait alors l'efficacité miraculeuse.

    C'est uniquement, en ne pensant à rien, en ne voulant rien et en ne faisant rien, mais en t'abandonnant dans ton mouvement à la vibration de l'Etre, que tu n'aurais pas de forme saisissable. Rien sur terre ne peut surgir comme antiforme. Et ainsi il n'y a plus d'ennemi qui puisse résister.

    Je ne suis nullement d'avis que tout ce que vous vous êtes efforcés d'acquérir soit sans valeur. Tout et n'importe quoi peut être une manière de suivre la Voie. Technique et Voie peuvent être identiques. Dans ce cas, le grand Esprit, « l'agissant », est intégré en elle et se manifeste dans l'action du corps. La force du grand Esprit (ki) sert la personne humaine (ishi). Celui dont le Ki est libre sait affronter tout, de la juste manière, dans sa ‘liberté infinie. Au combat, sans se servir d'une force particulière, son esprit, en état de conciliation, ne cédera ni à l'or ni à la pierre. Une seule chose importe : que pas le moindre soupçon de conscience de soi n'entre en jeu, sinon tout est perdu. Si on pense au but, même d'une façon fugitive, tout devient artificiel. Cela ne procède pas de l'Etre, de la vibration originelle de la voie-corps (do-tai). Dans ce cas, l'ennemi ne sera pas à votre merci, il vous résistera.

    Alors quel procédé, quel art, doit-on utiliser ? C'est seulement si tu es dans l'état où tu es libre de toute conscience du moi (mu-shin), seulement si tu agis « sans agir », sans intention et sans astuce – en harmonie avec la grande Nature – c'est alors seulement, que tu es sur la vraie Voie. Abandonne toute intention, entraîne-toi à la non-intentionnalité et laisse faire l'Etre. Cette Voie est sans fin et inépuisable. »

    Et puis, la vieille chatte ajouta encore quelque chose d'étonnant : cc Vous ne devez pas croire que ce que je viens de vous dire soit ce qu'il y a de plus élevé. Il n'y a pas longtemps, dans un village voisin du mien, vivait un matou. A longueur de journée il dormait. Rien en lui ne laissait soupçonner quoi que ce soit ressemblant à une force spirituelle. Il était là, étendu comme un morceau de bois. Jamais personne ne l'avait aperçu attrapant un rat. Or là où il dormait et vivait aussi bien qu'aux environs, il n'y avait pas de rats. Où qu'il apparut et s'étendit, on ne voyait plus aucun rat. Un jour je lui rendis visite et lui demandai comment il fallait interpréter ce fait. Je ne reçus point de réponse. Trois fois encore, je posai ma question. Il se tut. Non parce qu'il ne voulait répondre, mais parce que, de toute évidence, il ne savait quoi répondre. Ainsi je sus : « Celui qui sait quelque chose, ne le sait pas. » Ce matou s'était oublié lui-même et avait du même coup oublié toutes choses autour de lui : il était devenu « rien » et avait atteint le plus haut degré de non-intentionnalité. Et nous pouvons dire qu'il avait trouvé la divine Voie du chevalier : Vaincre sans tuer. Je suis loin derrière lui. »
  • Shoken entendit tout ceci comme dans un rêve. Il s'approcha, salua la vieille chatte et dit :« Depuis bien longtemps déjà je m'entraîne dans l'art de l'escrime, mais je n'en ai pas encore atteint la fin. J'ai écouté vos propos et crois avoir compris le vrai sens de ma voie ; mais instamment, je vous en prie : dites-moi encore quelque chose de plus sur votre secret.»
  • Alors la vieille chatte dit : « Comment ceci serait-il possible ? Je ne suis qu'un animal et le rat est ma nourriture ; que sais-je des affaires humaines ? Je sais uniquement ceci : le sens de l'art de l'escrime n'est pas de vaincre un adversaire. Bien mieux, grâce à cet art on arrive à un moment donné dans la grande clarté de la base lumineuse de la mort et de la vie (seishi wo akiraki ni suru). Un vrai chevalier, à travers ses exercices, doit s'adonner à l'entrainement spirituel dans le sens de cette clarté. Or pour ce faire, il lui faut avant toute chose explorer la doctrine de la base de l'être, de la vie, de la mort et de l'ordre de mort (shi no ri). Mais celui-là seul qui est libre de tout ce qui le distrait de la Voie, et surtout de la pensée qui limite et arrête, peut atteindre la grande clarté. Non troublé, laissé à lui-même, libéré du moi et de toute chose, l'Etre et son mouvement (shinkt) se manifestera en toute liberté quand et là où il le faudra. Mais si le cœur est attaché, fut-ce d'une manière tout à fait ténue, l'être est entravé et figé. Or, s'il est devenu un « figé-en-soi », il existera également un moi figé en lui-même et quelque chose qui s'oppose à lui. Ainsi deux forces s'opposent et luttent pour leur existence. Mais dans ce cas, les meilleures fonctions de l'Etre, qui sont à la hauteur de tout changement, sont inhibées. Et si la mort se montre alors, le sens de la clarté propre à l'Etre est perdu. Comment en cet état pourrait-on affronter l'ennemi de la bonne façon et envisager tranquillement victoire ou défaite ? Même si on obtenait la victoire, ce ne serait qu'une victoire aveugle qui n'a rien à voir avec le sens de l'art de l'escrime véritable.Etre libre de toute chose ne signifie point le vide. L'être en tant que tel n'a pas de nature propre. Il est au-delà de toutes les formes. Il n'accumule non plus rien en lui. De sorte que si jamais on cherche à retenir la chose la plus infime, la grande Force s'y accroche et l'équilibre originel des forces est perdu. Pour peu que l'Etre se trouve attaché à quelque chose, il n'est plus libre de se mouvoir et ne jaillit plus dans son abondance pleine et entière. Si l'équilibre provenant de l'Etre est dérangé, sa force déborde vite là où elle peut s'écouler malgré tout, mais là où elle ne peut s'écouler, rien ne suffit.Donc ce qui s'appelle liberté de toute chose ne signifie rien d'autre que ceci : si on n'accumule rien, si on ne s'appuie sur rien, si on ne fige rien, il n'y a ni fort ni contrefort, ni moi ni contre moi. Et s'il arrive quelque chose, on le rencontre comme inconsciemment et il ne laisse pas de trace. Dans Eki (« le livre des transmutations ») il est dit : « sans penser, sans agir, sans mouvement, tout silencieux : ainsi seulement peut-on témoigner de l'Etre et de la Loi des choses par l'intérieur, tout inconsciemment, et enfin devenir un avec Ciel et Terre. »

    Celui qui exerce l'art de l'escrime de cette façon et vit ainsi est proche de la vérité de la Voie. »

  • Shoken, entendant cela, demanda : « Que signifie qu'il n'y a ni moi ni contre moi, ni sujet ni objet »
  • La chatte répondit : « Parce qu'il y a un moi, il y a aussi un ennemi. Si nous ne nous manifestons pas en tant que moi, il n'y aura pas non plus d'adversaire. Ce que nous appelons ainsi n'est qu'un autre nom pour ce qui signifie opposition. Aussi longtemps que les choses gardent une forme, elles ont toujours une contre-forme. Chaque fois quelque chose se fige, il y a une forme particulière. Si mon être n'est pas conçu en tant que forme particulière, il n'en existe pas de contre-forme non plus. Là où il n'y pas d'opposition, il n'y a rien non plus qui puisse être contre. Or ceci signifie : il n'y a ni moi, ni contre moi ; si on s'abandonne soi-même complètement, si on devient ainsi libre de toute chose, on est en harmonie avec l'univers, un avec toute chose, dans la grande Solitude. Même si la forme de l'ennemi s'éteint, on n'en prend pas conscience. Non pas, que l'on ne s'en aperçoive pas, mais on ne s'y arrête pas ; l'esprit se meut, continuellement libre de toute fixation et répond simplement en agissant librement du fond de l'être.

    Si l'esprit est libre de toute occupation, le monde, tel qu'il est, est entièrement notre monde et ne forme qu'un avec nous. On l'appréhende alors au-delà du bien et du mal, de la sympathie et de l'antipathie. On n'est plus gêné en rien et nulle part on n'est attaché. Toutes les oppositions : gain et perte, bien et mal, souffrances et joies, proviennent de nous.

    C'est pour cela que dans toute l'étendue du Ciel et de la Terre, rien ne mérite autant d'être connu que notre être propre. Un poète ancien dit : « Un grain de poussière dans notre œil et les trois mondes sont encore trop étroits. Si nous ne tenons plus à rien, le lit le plus petit est encore vaste. »

    Ceci veut dire : si un grain de poussière pénètre dans l'œil, celui-ci ne peut plus s'ouvrir, car une vue claire n'est possible qu'à condition qu'il soit vide. Puisse ceci nous servir de parabole pour l'Etre, qui est lumière illuminante et libre en soi de tout ce qui est quelque chose.Un autre poète dit : « Entouré d'ennemis, cent mille en nombre, je serai écrasé en tant que forme. Mais l'Etre est et reste mien, aussi fort que soit l'ennemi. Aucun ennemi ne peut jamais le pénétrer. »Confucius dit : « Même l'Etre d'un homme simple ne peut être volé. » Mais si l'esprit devient désordonné, l'Etre se tourne contre nous-mêmes. C'est tout ce que je puis vous dire. Maintenant recueillez-vous et cherchez en vous-même. »

    Un maître ne peut qu'essayer d'informer son disciple et de lui exposer ses raisons. Mais moi-même seul suis capable de reconnaître la vérité et de l'intégrer. Ceci est appelé l'intégration de soi : (jitoku). La transmission se fait de Coeur à Coeur (ishin denshin). C'est une transmission au-delà de la doctrine et de l'érudition (kyogai betsuden). Ceci ne signifie pas : contredire le maître. Ceci veut dire simplement : « même un maître ne saurait transmettre la vérité ». Ceci n'est pas uniquement valable pour le Zen.

  • A partir des exercices spirituels des anciens, en passant par la culture de l'âme, jusqu'aux beaux-arts, c'est l'intégration de soi qui est toujours le noyau central, et ceci n'est transmissible que de Coeur à Coeur. Tout « enseignement » se borne à indiquer, à orienter vers ce qui se trouve déjà en soi-même sans qu'on le sache. Donc il n'y a pas de secret que le maître puisse « transmettre » à son disciple. Il est facile d'enseigner. Il est facile d'écouter. Il est difficile de prendre conscience de ce que l'on a en soi ; de le trouver et d'en prendre possession effectivement. Ceci est appelé : « Regarder dans son propre être. Vision d'Etre (ken-sei, ken- sho) ».Si cela nous arrive, nous avons le Satori : le grand Réveil du rêve, des illusions. Se réveiller, regarder dans son propre être, appréhender la Vérité de Soi : tout ceci, c'est la même chose.

 

 

 


歌川 國芳 Utagawa Kuniyoshi (1798-1861)

Ito Tenzen Chuya: « Histoire de l'art merveilleux d'un chat »
par José Valéry
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Il était une fois un maître d'escrime nommé Shoken. Dans sa maison un gros rat commettait mille méfaits. Il trottait même en plein jour. Pour lui permettre d'attraper ce rat, le maître de maison enferma son chat dans la pièce où il se trouvait. Mais le rat sauta à la tête du chat et le mordit si cruellement qu'il se sauva à grands cris. Le maître de maison alla chercher alors plusieurs chats du voisinage, réputés fort capables, et les fit rentrer dans la pièce. Le rat se tenait tapis dans un coinet, sitôt qu'un chat s'approchait, il bondissait sur lui, le mordait et le contraignait à la fuite. le rat paraissait si terrible que tous les chats hésitaient à s'y attaquer.

Fort en colère, le maître de maison se mit lui-même à la poursuite du rat pour le tuer. Mais si expérimenter qu'il fut, la bête évitait tous les coups et il ne put l'atteindre. Dans sa chasse, le maître fendit en deux portes, shokis et karakamis. mais le rat bondissait en l'air rapide comme l'éclair il esquivait tous les gestes du maître. Finalement il lui sauta au visage et le mordit. Baigné de sueur, le maître appela son serviteur et lui dit : « On raconte qu'à six ou sept lieux d'ici se trouve le chat le plus fort du monde. Va le chercher et amène le ! »

Le serviteur apporta le chat. Il ne semblait pas se distinguer des autres et ne paraissait ni particulièrement intelligent ni particulièrement vif. Le maître d'escrime ne s'en promettait pas grand chose. Pourtant il lui ouvrit la porte et le fit entrer dans la pièce où se tenait le rat. Lentement et tranquillement, le chat entra comme si rien d'extraordinaire ne l'attendait. Mais aussitôt le rat tressaillit d'effroi, puis se tint coi. Le chat s'approcha, tous simplement, à pas lent, pris le rat dans sa gueule et l'emporta.

Le soir, les chats vaincus par le rat se réunirent dans la maison de Shoken, ils offrirent respectueusement la place d'honneur au vieux chat, s'agenouillèrent devant lui et dirent humblement : « Nous sommes de bons chasseurs. Nous nous sommes entrainés, nous avons aiguisés nos griffes pour vaincre toutes espèces de rats, et même de belettes et de vipère. Nous n'aurions jamais jamais pensé qu'un rat si fort puisse exister. mais par quel art, maître l'avez vous si facilement vaincu ? Ne faites pas de mystère de votre méthode et révélez-nous votre secret. »

Le vieux chat se mis à rire et dit: « Vous, jeunes chats, vous êtes certainement très forts. Mais vous ne connaissez pas le voie juste. Voilà pourquoi la victoire vous échappe quand vous rencontrez quelque chose d'inattendu. Mais racontez-moi d'abord comment vous vous êtes exercés. »

Un chat noir s'avança alors et dit: « Je suis issu d'une famille réputée dans la chasse aux rats. Je me suis donc décidé à suivre cette voie. Je peux sauter sur des paravents de deux mètres de haut. je peux me faufiler dans un trou minuscule où seul un rat est capable de s'introduire. depuis mon enfance je me suis exercé à toutes les acrobaties. Même à moitié réveillé et en train de reprendre mes esprits, si je vois un rat trotter sur une poutre - hop! je l'ai attrapé. Mais aujourd'hui le rat était plus fort et j'ai subie la plus terrible défaite de ma vie. j'ai honte. »

Le vieux répliqua: « Ce à quoi tu t'es exercé n'était que de la technique (shosa: le talent physique seul). Ton esprit est occupé par la question « comment vaincre? » Ainsi tu es encore attaché à viser le but. Quand les anciens enseignaient la technique ils le faisaient pour montrer un aspect de la voie (michisuji). Leur technique était simple mais renfermait la plus haute vérité. Le monde d'aujourd'hui ne se préoccupe plus que de technique. On a découvert là beaucoup de choses conformes à la formule : « si on fait ceci et cela, il arrive ceci et cela. » Mais qu'est ce qui en résulte, seulement de l'habileté. Et en sacrifiant la voie traditionnelle, à grands renfort d'intelligence et d'esprit de compétition, on est arrivé à épuiser la technique. Maintenant on ne peut aller plus loin. C'est toujours ainsi quand on pense qu'à cela et qu'on se sert que de l'intellect. l'intelligence est bien une fonction de l'esprit, mais si elle ne repose pas sur la voie et ne vise que le savoir faire, elle devient le commencement de l'erreur et ce à quoi elle parvient est un mal. Rentre donc en toi-même et exerce-toi dans le sens juste. »

Là dessus, un gros chat tigré s'approcha et dit: « L'art de la chevalerie dépend uniquement, je pense, de l'esprit. Je me suis donc exercé à cette puissance (ki wo neru) depuis toujours. J'ai l'impression que mon esprit est « dur comme l'acier », libre et chargé de l'esprit « ki » qui remplit le ciel et la terre (Mencius). Si je vois l'ennemi, cet esprit tout puissant l'envoûte et, d'avance, la victoire est à moi. Je m'avance simplement, comme la situation le demande à ce moment là. Je me règle sur le 'ton' de mon adversaire, je l'hypnotise et le dirige où je veux, à gauche, à droite, je prévois tous ses détours. Je ne m'occupe en rien de la technique elle-même. Elle vient toute seule. Un rat court-il sur la poutre, : je le regarde fixement - et déjà il tombe entre mes griffes. Mais ce rat mystérieux vient sans forme et s'en va sans traces. Qu'est-ce que cela signifie ? Je ne sais pas. »

Le vieux chat répondit: « Ce à quoi tu t'es efforcé est bien l'effet produit par la grande force qui remplit le ciel et la terre. Mais tu n'y as gagné qu'une énergie psychique et non ce qui vient du bien, ce qui mérite le nom de bon. Le seul fait d'avoir, eu conscience de la force avec laquelle tu veux gagner, travaille contre ta victoire. Ton 'Moi' est en jeu ; si celui de ton adversaire est plus fort, que se passe-t-il ? Si tu veux vaincre ton adversaire par la supériorité de ta force il t'opposera la sienne. T'imagines-tu que seul tu es fort et tous les autres faibles ? Comment doit-on se conduire s'il existe quelque chose d'impossible à vaincre avec la plus grande volonté du monde, par la supériorité de ta propre force ? Voilà la question ! Ce que tu sens en toi comme « libre » et « dure comme l'acier » et « remplissant le ciel et la terre », ce n'est pas la grande force (ki-no-sho) mais seulement son reflet en toi. C'est ton propre esprit. Donc simplement l'ombre du grand esprit. sans doute cela se fait passer pour la grande, la vaste énergie; en réalité c'est autre chose. l'esprit dont parle Mencius est fort parce qu'il est constamment éclairé d'une grande lucidité. Ton esprit n'obtient sa force que dans certaines conditions. Ta force et celle dont parle Mencius ont des origines différentes ; leur effet est donc différent. Elles sont aussi distinctes que le cours éternel d'un fleuve, comme le Yang Tsé Kiang par exemple, et la crue subite qui monte en une nuit. Quel est donc l'esprit qu'il faut garder si l'on est en face d'une chose invincible par n'importe quelle force spirituelle contingente (ki sei) ? C'est la question ! Un proverbe dit: « un rat en péril de mort saute même sur le chat. » Si l'ennemi est en danger mortel il n'est plus dépendant de rien. Il oublie sa vie, son malheur, soi-même. Il est libre de la victoire ou de la défaite. Il n'a plus du tout l'intention d'assurer son existence. C'est pourquoi sa volonté est d'acier. Comment triompher de lui avec une force spirituelle que l'on s'est soi-même attribuée? »

Alors un vieux chat gris s'avança et dit: « Oui vraiment vous avez raison, la force psychique si forte soi-t-elle, a elle même une forme (katachi). Ce qui a une forme, même toute petite, peut se saisir. C'est pourquoi j'ai depuis longtemps exercé mon âme (kokoro: la force du coeur). Je ne pratique pas la force qui domine spirituellement l'adversaire (le sei : comme le second chat), je ne me bats pas non plus (comme le premier chat), je me réconcilie avec mon adversaire, je deviens un avec lui et je ne lui résiste en aucune façon. S'il est plus fort que moi, je cède simplement et je fais en somme, tout ce qu'il veut. Mon art consiste en quelque sorte à « attraper des cailloux au vol avec un rideau flottant. » Un rat qui veut m'attaquer si fort soi-t-il ne rien sur quoi se jeter, rien où porter ses griffes. Mais ce rat d'aujourd'hui n'entrait tout simplement pas dans mon jeu. Il allait et venait, insaisissable comme un Dieu. Je n'ai jamais rien vu de pareil. »

Le vieux chat dit alors: « Ce que tu appelles réconciliation ne vient pas de l'être, pas de la grande nature. C'est une réconciliation artificielle, un truc. Consciemment tu veux échapper ainsi à l'agressivité de l'ennemi. Parce que, même fugitivement, tu y penses, il remarque ton intention. Si dans cet état d'esprit, tu fais semblant d'être conciliant, tu ne fais que jeter le désordre dans ton esprit, qui est tourné vers l'attaque. La précision de ta perception et de ton action en souffrent. Tout ce que tu fais avec une intention consciente réduit la vibration primitive, secrètement agissante, de la grande Nature et entrave le cours de son mouvement spontané. D'où viendrait donc là une action miraculeuse ? Quand tu ne penses plus à rien, que tu ne veux ni ne fais rien, mais que tu t'abandonnes, toi et ton mouvement, à la vibration de l'être (shizen no ka) alors seulement tu n'as plus de forme saisissable. Rien ne peut aller contre toi comme « contre forme » et il n'y a plus aucun ennemi pour te résister. »

Je ne pense pas du tout que votre entrainement soit inutile. Tout et chaque chose peut-être un aspect de la voie. La technique et la voie peuvent-être une seule et même chose. Alors le grand esprit, le « tout puissant », y est déjà présent ; il se manifeste aussi dans l'action du corps. la force du grand esprit (ki) sert la personne de l'homme (ishi). Celui dont le ki est libre peut faire face à n'importe quoi juste avec une liberté infinie. Si ton esprit est unifié, même si tu n'engages aucune force dans le combat, il ne se brisera ni contre l'or ni contre la pierre. Il y a une seule condition: PAS LA MOINDRE TRACE DE CONSCIENCE DU MOI DOIT ENTRER EN JEU, sinon tout est gâché. Si l'on y pense, même un instant, tout devient artifice. Cela ne vient plus de l'être, de la vibration primordiale du corps de la voie (do-taï) Alors l'adversaire ne sera plus soumis à ta volonté. Il te résistera lui aussi. Quelle méthode ou quel art faut-il donc employer ? Quand tu es dans un certain état, dégagé de toute conscience (mushin) quand tu agis sans agir, sans intention ni artifice, en accord avec la grande Nature, alors seulement tu es sur la voie juste. Abandonne donc toute attention, exerce-toi à l'absence d'intention et laisse les choses se faire par l'être. Cette voie est sans fin, inépuisable.

Le vieux chat ajouta quelque chose d'étonnant: « Ne croyez pas que je vous ai dit là ce qu'il y a de plus haut. A quelque temps d'ici vivait dans le village voisin un vieux chat. Il dormait tout le jour. On ne remarquait rien chez lui qui ressemble à une force spirituelle. Il reste là couché là, comme une bûche. Personne ne lui avait jamais vu attraper un rat. Mais là où il était, à des lieues à la ronde, on en aurait pas trouvé un seul. A quelques endroits qu'il paraisse ou s'installe, aucun ne se montrait. Je lui rendit visite un jour et lui demandât comment cela s'expliquait. Il ne répondit pas. Je lui posai encore trois fois la question. Il garda le silence. Ce n'était pas qu'il refusait de répondre : apparemment in ne savait quoi dire. Alors je compris : celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas. Ce chat avait tout oublié, lui même et toutes les choses autour de lui. Il était devenu «rien» Il avait atteint l'état le plus haut d'absence d'intention. Et ici l'on peut dire : i l avait trouvé le chemin divin des chevaliers : vaincre sans tuer. Je suis encore loin derrière lui. »

Shoken entendit cela comme en rêve, s'approcha, salua le vieux chat et dit : « Voilà longtemps que je m'exerce à l'art de l'escrime mais je n'ai pas encore atteint le but. J'ai entendu vos avis et je crois avoir compris le vrai sens de la voie, cependant, je vous supplie instamment, dites moi encore quelque chose de votre secret. »

Alors le vieux chat parla: « Comment cela peut-il se faire ? Je ne suis qu'un animal et le rat est ma nourriture. Comment pourrais-je savoir quelque chose des affaires des hommes ? Je sais seulement ceci: le sens de l'art de l'escrime n'est pas simplement de vaincre un adversaire. C'est un art par lequel, à l'heure donnée, on atteint la grande clarté, la lumière du principe de la mort et de la vie (seishi wo akiraki ni suru). Au milieu de toute pratique technique, un vrai chevalier devrait constamment s'entretenir dans l'exercice spirituel de cette clarté. Or pour cela il doit avant tout approfondir l'enseignement du principe de l'être de la mort et de la vie, de l'ordre de la mort (shi no ri). Seul accédera à la grande lumière spirituelle l'homme libre de tout ce qui détourne de la voie (ken kyoku: loin du centre), surtout de toute pensée définissante. Si l'Etre (shin ki) est laissé sans entraves à lui-même, affranchi du moi et de toute chose, il peut, quand cela importe, se manifester en toute liberté. Mais si votre coeur s'attache, même fugitivement, à quoi que ce soit, l'Etre est prisonnier. On fait de lui quelque chose d'établi en soi. S'il est devenu quelque chose d'établi, il y a aussi un moi établi en soi et quelque chose qui lui résiste. Alors deux se tiennent l'un en face de l'autre et combattent l'un contre l'autre pour subsister. Si tel est le cas, les fonctions merveilleuses de l'être, capables de faire face à tout changement, sont freinées. Le piège de la mort se referme. On a perdu la lumière spécifique de l'être. Comment cela est-il possible, dans une telle disposition, de rencontrer l'ennemi avec une attitude juste et de regarder, « victoire et défaite » en face ? Même la victoire serait un hasard, sans rapport avec le véritable art de l'escrime.

Etre libre de toute chose ne signifie pas cependant un vide vide. L'être en soi, n'a pas de nature propre. Il est, au delà de toute forme; il n'accumule rien non plus en soi-même. Si l'on fixe ou que l'on retient quoi que ce soit, à peine et même pour un instant, la grande force y reste attachée et l'équilibre des énergies, qui affluent naturellement depuis les origines, est perdue Si l'être est retenu, si peu et par quoi que ce soit, il n'est plus libre ; son énergie ne se répand plus sans obstacle dans sa plénitude. Quand l'équilibre qui vient de l'Etre est rompu, dans une direction ou dans une autre, sa force déborde ou son flot est insuffisant. Si elle déborde, trop d'énergie jaillit et on ne peut plus l'arrêter. Si elle est insuffisante, l'action de l'esprit devient faible et défaillante. Au moment opportun, elle n'est plus en mesure de dominer la situation. ce que j'appelle être affranchi des choses n'est rien d'autre que ceci : n'accumulez rien, ne vous appuyez sur rien, ne fixez rien, alors il n'y aura plus de sujet ni objet. Pas de moi ni de contre-moi si quelque chose survient, on y fait face, comme inconsciemment, et cela ne laisse aucune trace. Dans Le livre des mutations il est dit « sans penser, sans agir, sans mouvement, tout à fait tranquille. C'est la seule manière de manifester l'Etre et la loi des choses, de l'intérieur, en toute inconscience, et enfin de devenir un avec le ciel et la terre. » Celui qui exerce et comprend ainsi l'art de l'escrime est prés de la vérité de la voie. »

Shoken, en entendant cela, demanda: « Que signifie qu'il n'y a plus de moi ni de contre-moi, plus de sujet, plus d'objet ? » Le chat répondit : "Quand et parce qu'il ya un moi, il y a un ennemi. Ne nous posons pas comme un moi et il n'y aura plus d'adversaire. Ce que nous appelons ainsi est synonyme du contraire. Dans la mesure où les choses gardent une forme, elles supposent toujours une contre forme. Tout ce qui se pose en quelque chose a sa propre forme. Si mon être n'est pas établi en une forme propre, il n'y pas non plus de contre-forme opposée. S'il n'y a pas d'opposé, il n'y a rien qui se présente contre moi. Cela veut dire : qu'il n'y a ni moi ni contre-moi. Si l'on se désapproprie totalement de soi-même, si l'on se libère foncièrement ainsi de toutes choses, on se retrouve en harmonie avec le monde, un avec toutes choses dans la grande unité du tout. Même quand la forme de l'adversaire se dissout, on en devient pas conscient. Non que l'on ne s'en rende pas compte du tout intérieurement, mais on ne s'y arrête pas et l'esprit continue à se mouvoir, libre de toute délimitation. Son action répond, simplement et librement par l'être.

Si l'esprit n'est plus préoccupé ni passionné par rien, le monde tel qu'il est, devient complètement nôtre et un avec nous. On l'accepte maintenant au delà du bien et du mal, de la sympathie ou de l'antipathie. Sans préjugés, sans tenir compte à rien. Tous les opposés qui nous font face: gain, perte, bon méchant, joie ou peine, tiennent leur origine de nous. Dans toute l'immensité du ciel et de la terre, rien ne vaut donc plus que notre propre essence, la peine d'être connu. Un poète ancien dit : « un grain de poussière dans l'oeil et les trois univers sont encore trop étroits. Si rien ne nous importe, le plus petit lit nous sera encore trop large. »

Cela signifie : si un grain de poussière entre dans notre oeil, celui-ci ne peut plus s'ouvrir, car il entre là quelque chose où on ne peut bien voir, que si rien ne s'y trouve. Cela peut nous servir de comparaison, avec l'être, qui est la lumière illuminante et libre en soi de tout ce qui est quelque chose. Mais si une chose se place devant, sa vertu est anéantie.

L'autre poète disait : « Si l'on est entouré d'ennemis, au nombre de cent mille, ce que l'on est soi-même comme forme est écrasé. Pourtant l'être est et reste mien, si fort que soi l'ennemi. Aucun ennemi n'y rentrera jamais. Confucius dit: « L"être, même d'un pauvre homme, ne peut être volé. » Mais si l'esprit est en désordre, alors notre être se retourne contre nous.

C'est tout ce que je peux vous dire. Descendez en vous-même, scrutez vous. Un maître ne peut jamais que transmettre quelque chose et essayer de l'expliquer à l'élève. « Moi-même » seul je peux reconnaître la vérité et la faire mienne. On appelle cela intégration à soi-même (jitoku). La vérité passe de coeur à coeur (inshin denshin). C'est une transmission par un chemin extraordinaire au delà de l'enseignement et du savoir (kyogai betsuden). Cela ne signifie pas contredire l'enseignement du maître ; c'est que lui non plus n'a pas le pouvoir de transmettre la vérité elle-même. Le Zen n'est pas seul dans ce cas.

Depuis les exercices spirituels des anciens jusqu'à l'art, « l'intégration de soi-même » est toujours le centre essentiel qui se transmet de coeur à coeur, par delà toute méthode traditionnelle. Le sens d'un enseignement est seulement de suggérer la recherche de ce que chacun porte en soi sans le savoir. Il n'y a pas de secret que le maître puisse « livrer » à l'élève. Enseigner est facile. Ecouter est facile. Mais c'est difficile de prendre conscience de ce qui en soi-même, de le découvrir et d'en prendre réellement possession. Cela s'appelle regarder en son propre Etre, le contempler (ken-sei, ken sho). Si cela nous advient, nous avons le SATORI. C'est le grand éveil, hors du rêve des illusions. S'éveiller, regarder en son propre Etre, se percevoir soi-même, tout cela est la même chose.

 

 

 

 


Ill.: Klaus Bertelsmann

Karlfriedied von Dürckheim
La meravigliosa arte del gatto
Traduzione di Marcella Morganti
da: "I Quaderni di Avallon", n. 23, 1990, 105-111.

In questo Articolo il noto orientalista tedesco K. von Dürckheim porge al pubblico occidentale un estratto da un antico libro sulla Via della Spada dell'antica Scuola Ittō-ryū (一刀流), fondata nel XVII secolo da Itō Ittōsai Kagehisa (伊東 一刀斎 景久 1560–1653?); benché lo scritto sia anonimo, denunzia un'evidente ispirazione taoista e Zen, e può essere ritenuto frutto dell'insegnamento di uno dei primi Maestri della Scuola.

C'era una volta un Maestro di kendô chiamato Shoken.

Un grosso topo si era installato in casa sua, mettendogli tutto sottosopra; lo si vedeva scorrazzare tranquillamente addirittura in pieno giorno.

Un giorno il padrone di casa lo rinchiuse nella sua stanza e incitò il suo gatto ad acchiapparlo, ma il topo gli saltò addosso e lo morse alla gola così forte che riuscì a salvarsi a malapena, miagolando disperatamente. Allora Shoken radunò diversi gatti del quartiere famosi per il loro coraggio e li fece entrare nella stanza. Il topo rimaneva seduto, raggomitolato in un angolo, e appena uno dei gatti gli si avvicinava gli saltava addosso e lo mordeva, facendolo fuggire. Aveva un atteggiamento così feroce che nessun gatto osava riprovarci nuovamente. Allora il padrone di casa, in preda alla rabbia, iniziò a corrergli dietro lui stesso per ucciderlo, ma il topo evitava tutti i colpi del celebre Maestro di Kendô, che finivano per distruggere porte, pareti, specchi ed altri oggetti, mentre il roditore, rapido come il lampo, riusciva a schivare ogni suo movimento. Infine, saltandogli al viso, fini per morderlo.

Alla fine, grondante di sudore, Shoken chiamò il suo servitore, dicendogli: "Sembra che a sei o sette cho da qui [Cho = unità di misura corrispondente circa a 109 m.-ndt.] viva il gatto più coraggioso del mondo. Va' e portamelo!"

Il servitore gli portò il gatto. Era invero una gatta, che non sembrava aver nulla di diverso dagli altri gatti, e dall'aspetto né particolarmente intelligente, né pericoloso. Anche il Maestro di spada non le concesse una particolare fiducia; le apri comunque la porta e la fece entrare.

Calma e silenziosa, come se non dovesse accadere nulla di particolare, la gatta avanzò nella stanza. Il topo sussultò e rimase immobile. Con la più grande naturalezza la gatta gli si avvicinò lentamente, lo prese in bocca e lo portò fuori.

Alla sera, tutti i gatti sconfitti si riunirono nella casa di Shoken. Rispettosamente, offrirono alla vecchia gatta il posto d'onore, le si inginocchiarono davanti e dissero umilmente: "Abbiamo tutti la reputazione di gatti coraggiosi. Ci siamo sempre allenati affilandoci le unghie e vincendo qualsiasi topo, lontra o donnola. Mai avremmo potuto credere all'esistenza di un topo così forte. Con quale arte avete potuto vincerlo così facilmente? Svelateci il vostro segreto!"

Allora la vecchia gatta rise e disse: "Voi, giovani gatti, siete senz'altro coraggiosi, ma ignorate la vera Via. È per questo che non conquistate il successo quando vi confrontate con qualcosa che non conoscete. Ma innanzitutto ditemi: come vi siete allenati?"

Un gatto nero s'avvicinò e disse: "Sono il discendente di una famiglia celebre per quanto riguarda la cattura dei topi, e anch'io decisi di proseguire nella stessa Via. Posso saltare sopra paraventi alti due metri, so introdurmi in aperture minuscole dove solo un topo può entrare; da piccolo mi sono allenato in tutte le arti acrobatiche. Anche quando sono sveglio da poco, quando non sono completamente presente, nel momento in cui riprendo le forze, se vedo un topo correre su una trave lo acchiappo con un balzo. Ma questo è il topo più forte che abbia mai incontrato. È la sconfitta più terribile che abbia mai subito, e me ne vergogno."

La vecchia gatta rispose: "Ciò in cui ti sei allenato non è null'altro che tecnica [Shosa = arte solamente fisica]. Quando gli antichi insegnavano una tecnica, questa era in realtà una delle forme della Via (Michisuji). La loro tecnica era semplice ma racchiudeva la più grande saggezza. Nel mondo d'oggi ci si occupa solo della tecnica; certamente, molte cose sono state inventate usando le ricetta 'A condizione di fare questo o quello si ottiene questo o quello...'. Ma cosa si ottiene? Nient'altro che dell'abilità. Abbandonando la Via tradizionale, usando l'intelligenza ed abusandone, si instaura la competizione nella tecnica, e non si avanza più. Succede sempre così: non si pensa a null'altro che alla tecnica, e ci si serve solo dell'intelligenza: questa senza dubbio è una funzione dello Spirito (Ki), ma se non è radicata nella Via, puntando solamente all'abilità diventa il germe della falsità, ed il risultato sarà nefasto. Riprenditi, dunque, ed allenati nel senso giusto!".

Si avvicinò allora un grosso gatto tigrato, dicendo: "Penso che sia unicamente lo spirito (Ki) che conta nell'arte cavalleresca; mi sono sempre esercitato in questo potere (Ki wo neru). Ora mi sembra che il mio spirito sia duro come l'acciaio e libero, pieno dello spirito che riempie il cielo e la terra. Appena avvistato il nemico, la potenza di questo spirito lo incanta immediatamente, dandomi una sicura vittoria. Solo allora mi avvicino, senza riflettere, e mi oriento secondo l'Io del mio avversario. È la mia volontà che incanta il topo: a destra, a sinistra, controllo ogni suo movimento. Quanto alla tecnica non me ne preoccupo: viene da sola. Un topo che corre su una trave: mi basta fissarlo che già cade, ed è mio. Ma questo è un topo giunto senzaforma, se ne è andato senza lasciar tracce. Che cos'è? Lo ignoro".

La vecchia gatta rispose: "Ciò per cui ti sei tanto sforzato non è altro che forza fisica. Non traspare quel bene che merita il nome di 'bene'. Il solo fatto di esser cosciente del potere di cui vuoi servirti per vincere è sufficente per vanificare la tua vittoria. Il tuo Io entra in gioco, ma se l'Io dell'avversario è più forte del tuo, cosa succederà? Se vuoi vincere il nemico grazie unicamente alla tua forza superiore, egli ti opporrà la sua. Credi di essere il solo ad esser forte, e tutti gli altri deboli? Ma come ti comporterai di fronte a qualcosa che non potrai vincere, neanche con la migliore volontà o con la tua forza, anche se superiore? Ecco il problema. La forza spirituale che serbi in te 'dura come l'acciaio, libera e che riempie il cielo e la terra' non è la grande Potenza (Ki-no-sho), ma solo un suo riflesso; il tuo spirito, solo un'ombra del grande Spirito. Sembra questa grande potenza, ma in realtà è tutt'altra cosa. Lo Spirito di cui parla Mencio è forte perché è illuminato da una permanente chiaroveggenza. Ma il tuo spirito può disporre della sua potenza solo a determinate condizioni. La tua forza e quella di cui parla Mencio hanno un'origine diversa e diverso è il loro effetto. Sono talmente opposte tra loro da poter paragonarle alla corrente eterna dello Yang-Tze-Kiang e ad una marea notturna improvvisa. Ma in presenza di ciò che non può essere vinto da alcuna forza spirituale contingente (Kisei) quale spirito manifestare? Dice il detto: 'Un topo intrappolato morde persino il gatto'. Il nemico, di fronte alla morte non è legato più a nulla: dimentica la sua vita, dimentica ogni bisogno, dimentica sé stesso, è libero di vincere o perdere; non mira più a preservare la propria esistenza. Ed è così che la sua volontà diventa acciaio. Come si può vincerlo, con una forza spirituale che ci si è attribuiti da soli?"

Giunse un gatto grigio più anziano, che s'inchinò e disse: "Sì, in verità è come dice lei. La potenza fisica, anche se enorme, ha in sé unaforma (Katachi), e tutto ciò che ha forma, anche se impalpabile, può essere percepito e compreso. Ecco perchè ho sempre esercitato il mio Cuore [Kokoro = la potenza del Cuore]. Non sono io che esercito questo potere capace di sconfiggere spiritualmente l'avversario (l' "Io" del secondo gatto); non combatto neanche (come il primo gatto). Mi "accordo" con colui che è di fronte a me, mi unisco a lui non opponendomi in alcun modo. Quando l'altro è più forte di me cedo, mi abbandono per così dire alla sua volontà; la mia arte consiste nell'afferrare una gettata di ghiaia con una rete flessibile; il topo che desidera attaccarmi, anche se forte, non troverà nulla su cui appoggiarsi, nulla da cui poter slanciarsi. Ma questo topo non è stato al gioco. È arrivato ed è partito, inafferrabile come una divinità. Non ho mai visto nulla di simile."

La vecchia gatta rispose: "Ciò che tu chiami conciliazione non procede dall'Essere, dalla grande Natura: è una conciliazione voluta, artificiale, un'astuzia. In maniera conscia, vuoi sfuggire all'aggressività del nemico. Ma se ci pensi, egli si rende conto furtivamente delle tue intenzioni, quindi, se manifesti un tale atteggiamento di conciliazione il tuo spirito che era pronto ad attaccare viene turbato, come la base della tua percezione ed i tuoi atti. Tutto ciò che intraprendi consciamente ostacola la Vibrazione originaria della grande Natura, disturba il suo sorgere dalla fonte segreta ed il corso del tuo movimento spontaneo.

"Da dove viene allora l'efficacia miracolosa? Unicamente non pensando a nulla, non volendo nulla, non facendo nulla, abbandonandosi nel movimento della vibrazione dell'Essere; solo così la tua forma diverrà inafferrabile. Niente in questo mondo nasce privo di forma. Solo così nessun nemico potrà resistere. Non penso assolutamente che tutto quello che state cercando di raggiungere non abbia valore: tutto e qualsiasi cosa può divenire un modo di seguire la Via; tecnica e Via possono identificarsi. In questo caso il grande Spirito, l' "agente", è integrato in essa e si manifesta nell'azione del corpo. La forza del grande Spirito (Ki) serve la persona umana (Ishi). Colui che ha liberato il suo Ki può affrontare ogni cosa nel giusto modo, nella sua libertà infinita. Al momento di combattere, senza servirsi di una forza particolare, il suo spirito in attitudine di Conciliazione non cederà né all'oro né alla pietra. Una sola cosa è importante: che anche la più minuscola traccia di coscienza di sé non entri in gioco, altrimenti tutto è perduto. Se si pensa allo scopo, anche solo per un istante, tutto diventa artificiale, non procede più dall'Essere, dalla vibrazione originaria della "Via-Corpo" (do-Tai): allora il nemico vi resisterà. Quindi, quale arte è bene utilizzare, ed in che modo? Solo nel momento in cui sarete liberi da ogni coscienza dell'Io (Mu-shin), solamente agendo "senza agire", senza intenzione o astuzia, in armonia con la grande Natura, solo allora sarete sulla vera Via. Abbandonate ogni intenzione, esercitatevi nella non-intenzionalità, e lasciate agire l'Essere. Questa Via è inesauribile, senzafine".

La vecchia gatta aggiunse poi qualcosa di stupefacente: "Non crediate che quanto vi ho appena detto sia quanto di più elevato esista. Poco tempo fa, in un villaggio vicino al mio viveva un gatto che passava le sue giornate a dormire. Non c'era niente che lasciasse supporre la benchè minima forza spirituale in lui. Era sempre là, sdraiato come un pezzo di legno. Nessuno l'aveva mai visto prendere un topo. Là dove dormiva e viveva, così come nei dintorni, non c'erano topi. Un giorno andai da lui e gli chiesi come si doveva interpretare questo fatto: non vi fu alcuna risposta. Per tre volte ancora gli posi la stessa domanda: egli continuò a tacere, non perché non voleva rispondere, ma perché, con tutta evidenza, non sapeva cosa dire. Fu così che compresi che "Colui che sa qualcosa, non la conosce". Quel gatto aveva dimenticato sé stesso, ed allo stesso modo tutte le cose attorno a lui: era diventato "nulla", avendo raggiunto il più alto grado di non-intenzionalità. Egli aveva trovato, senza alcun dubbio, la divina Via del Guerriero: Vincere senza uccidere. Io sono ancora lontana da lui".

Shoken ascoltò tutto questo come in un sogno. Si avvicinò, salutò la vecchia gatta e disse: "Da molto tempo ormai mi esercito nella Via della Spada (Kendô), e non ne ho ancora raggiunto la fine. Ho ascoltato il suo discorso, e credo di aver compreso il vero senso del mio cammino. Ma ora, la prego, dica ancora qualcosa di più sul Suo segreto."

La vecchia gatta rispose: "In che modo? Io sono solo un animale, e il topo è il mio cibo. Che cosa conosco delle cose umane? Solamente questo: il senso dell'arte del Kendô non è vincere l'avversario. O meglio, grazie a quest'arte ad un certo momento si giunge con la massima chiarezza alla base luminosa della morte e della vita (Seishi wo akiraki ni suru). Un vero guerriero attraverso l'esercizio dovrebbe impegnarsi nell'aspetto spirituale dell'arte, nella direzione determinata da questa chiarezza. Per far ciò bisogna esplorare innanzi tutto la dottrina sui fondamenti dell'essere, della vita, della morte e dell'ordine della morte (Shi no ri). Ma solo colui che diviene libero da tutto ciò che può distrarlo dalla Via, e soprattutto libero dal pensiero che limita e trattiene, può giungere a questa grande chiarezza. Non turbato, abbandonato se stesso, libero dall'Io e da ogni cosa, l'Essere ed il suo movimento (Shinki) si manifesterà in tutta la sua libertà, nel luogo e nel tempo ove ciò sarà neccesario. Ma se il Cuore non è libero, anche in modo estremamente tenue, anche l'Essere sarà ostacolato ed immobile; ora, se diviene immobile, chiuso in se stesso, anche l'Io diverrà immobile fisso in se stesso e in qualcosa che gli si oppone: così due forze si oppongono e lottano per la propria esistenza e in questo caso le migliori funzioni dell'Essere, capaci di ogni trasformazione, saranno inibite. Se la morte appare in quel momento il senso di chiarezza proprio dell'Essere si perderà. Come si può in una simile condizione affrontare il nemico nel giusto modo, considerare vittoria e sconfitta con un animo equanime? Anche se si vincerà sarà una vittoria cieca, che non ha nulla a che vedere col vero senso della Via della spada.

"Essere libero da ogni cosa non significa affatto il "Vuoto". In quanto tale, l'Essere non possiede una natura propria: resta al di là di ogni forma. Nulla si accumula più in esso, in maniera tale che se si trattiene anche la cosa più infima, la grande Forza viene ostacolata, e l'equilibrio originario delle forze è perduto. Per poco che l'Essere si trovi legato ad un oggetto, non è più libero di muoversi, non potrà più scaturire nella sua piena ed intera abbondanza. Se l'equilibrio che proviene dall'Essere viene turbato la sua forza, laddove le sarà possibile circolare, scaturirà malgrado tutto, ma ove non potrà scorrere, non ci sarà nulla da fare.

"Quindi, il concetto di libertà da tutte le cose non significa altro che questo: non accumulando nulla, non appoggiandosi a nulla e non fissandosi su nulla non vi è né il forte né il suo opposto, né l'Io né l'opposto dell'Io. Nel momento in cui accade qualcosa, si incontra questo evento come inconsciamente, ed esso non lascerà traccia. Si dice nel "Libro delle Trasmutazioni" (Eki): 'Senza pensare, senza agire, senza movimento, nel silenzio totale: solo così è possibile testimoniare l'esistenza dell'Essere e della Legge delle cose dall'interno, e divenire inconsciamente tutt'uno con il Cielo e la Terra'. Colui che pratica il Kendô e vive in questo modo, è prossimo alla verità della Via".

Shoken, udendo queste parole, chiese: "Cosa significa né Io né non-Io, né soggetto né oggetto? ".

La gatta rispose: "Perché esiste l'Io, esiste anche il suo nemico. Se non ci si manifesta in quanto Io non si manifesterà nemmeno il proprio avversario. Questo è solo un altro nome per ciò che significa: opposizione. Fino a quando le cose conserveranno una forma propria, esisterà sempre una "contro-forma". Ogni volta che qualcosa assume determinazione, prende una forma particolare. Se il mio essere non viene concepito come una forma particolare, la sua "contro-forma" non avrà più ragione d'esistere. Dove non esiste opposizione, non c'è nulla che possa esservi contro. Questo è il significato di "né Io, né non-lo".

"Se si abbandona completamente il proprio essere, se si diventa liberi dall'attaccamento ad ogni oggetto, si è in armonia con l'universo, Uno con tutte le cose, nella grande Solitudine. Se la forma del proprio nemico svanisce, non ci se ne accorge, ovvero non ci si arresta: lo spirito si muove, continuamente libero da ogni legame, e risponde semplicemente, agendo con pari semplicità dal profondo dell'essere. Se lo Spirito è libero da ogni occupazione, il mondo corrisponderà tale e quale al nostro mondo, formando con noi un'unità. Lo si potrà cogliere aldilà del bene e del male, della simpatia o dell'antipatia: non si sarà più turbati o legati a nulla. Ogni opposizione: guadagno e perdita, bene e male, gioia e sofferenza, sorgono da noi stessi, ed è per questo che nell'immensità del Cielo e della Terra nulla merita d'esser compreso più che il proprio essere. Un poeta antico disse:

Un granello di polvere nell'occhio
e i tre mondi saranno troppo piccoli.
Se non ci si sofferma più su nulla
il letto più piccolo sarà ancora grande.

Questo significa: se un granello di polvere penetra nell'occhio, questo non potrà più aprirsi, poichè una visione chiara è possibile a condizione che l'occhio sia vuoto. Possa quest'immagine servirci da parabola riguardo all'essere, che è luce illuminante e libera in sé da ogni cosa. Un'altro poeta disse:

Circondato da contomila nemici, in quanto forma sarei schiacciato.
Ma l'Essere è e resterà mio per quanto il nemico sia forte.
Nessun nemico potrà mai penetrarlo.

Confucio disse: "Anche l'essere di un uomo semplice non può essere rubato". Ma se lo spirito è turbato, l'Essere si rivolterà contro di noi. È tutto ciò che posso dirle. Ora si raccolga e cerchi in lei stesso".

Un maestro può solo dare delle nozioni al suo discepolo, esporgli la sua opinione. Ma io solo sono capace di riconoscere la Verità, di integrarla. Questo si chiama "Integrazione di sé" (Jitoku). La trasmissione avviena da cuore a cuore (I shin den shin), ed è aldilà della dottrina e dell'erudizione (kyogai betsuden). Non significa "non contraddire il Maestro". Vuol dire semplicemente: anche un Maestro non saprebbe trasmettere la Verità. Questo non è valido unicamente per lo Zen.

A partire dagli esercizi spirituali degli antichi, passando per la cultura dell'anima fino alle arti, l'integrazione di sé rimane sempre il nucleo centrale, ed essa è trasmissibile unicamente da cuore a cuore. Ogni insegnamento si limita ad indicare, orientare verso ciò che già esiste in se stessi, senza saperlo. Non vi è dunque un segreto che il Maestro possa "trasmettere" al discepolo: è facile insegnare, è facile ascoltare; il difficile è prendere coscienza di ciò che esiste già in sé, trovarlo e prenderne realmente possesso. Questo si chiama "Guardare nel proprio essere, visione dell'Essere" (ken-sei, ken-sho).

Se ciò avviene vi sarà il Satori: il grande Risveglio dal sogno, dalle illusioni.

Risvegliarsi, guardare all'interno del proprio essere, comprendere la Verità del Sé: tutto questo è la stessa cosa.

Karlfried von Dürckheim

Nota:

Come in ogni occasione in cui si deve tradurre da una lingua ideogrammatica, come il giapponese, in una lingua alfabetica come l'italiano, s'impone una precisazione di fondo. Tutte le parole cruciali, nel nostro caso, di quest'articolo (Kendô, Ki, Kokoro, Mu-shin, Satori, I shin den shin) posseggono una vastità di significati intrinseci alla struttura simbolica dell'ideogramma che le designa da rendere del tutto impossibile trovare un'unica parola o perifrasi in grado di renderle pienamente tutte. Per cui le scelte adottate (rispettivamente "Via della spada", "spirito", "cuore", "non coscienza dell'Io", "Illuminazione", "da cuore a cuore") pur formalmente corrette non rendono che la superficie del significato assai complesso loro proprio. Per tutti coloro che desiderassero impadronirsi maggiormente della articolata vastità di questi significati consigliamo due possibili approfondimenti: il saggio di Mario Polia, L'etica del Bushidô (Rimini, 1989) per quanto concerne i concetti fondamentali delle Arti Marziali tradizionali giapponesi, e il volume del Maestro Taisen Deshimaru Roshi, Zen e arti marziali (Rimini, 1990) come folgorante introduzione ai legami tra mondo del Budô ed esperienza religiosa Zen.

 

 

 


PDF:
L'arte del gatto meraviglioso
Traduzione di Giovanni Frova