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René
Maublanc
"Haï-kaïs"
Surgit de lherbe
verte,
Des coquelicots à la main,
Le major ventru.
Rangées
par ordre de grosseur,
Une collection de fesses
Cueillent les haricots.
Le ciel noir,
Les nez rouges,
Et la neige.
Pluie sur la
mer.
Sur un clapotis de vagues,
Un cliquetis de gouttes.
Entre ciel et
mer,
Ventre blanc à l'air,
Alger la putain.
L'escalier de
bois,
Nous le montions ensemble.
Son écho me fait mal.
Dans la plaine
noire
un petit pêcher rose
fait à lui tout seul tout le printemps
Tu
es trop petit, chaton, pour savoir.
Ne mords pas là-dedans
:
C'est ta queue.
20 Juillet
1917.
An
piano:
Quatre mains.
Un seul coeur.
Septembre
1922.
Deux
silhouettes sous la lune;
A chaque coup qui sonne,
Un baiser sur les lèvres.
Mai
1920.
La
petite figure rose
Rougit et noircit de colère,
Puis elle crève
comme un orage.
13 Juin
1917.
Un
gros tas de feuilles vertes
Passe sur la route
Avec des jambes d'homme.
14 Juin
1917.
La
vallée est un golfe,
Où
la ville se noie,
En sonnant les cloches.
Bar-le-Duc,
mars 1920.
Des
points blancs dans un buisson noir.
Est-ce encore de la neige,
Ou déjà
des fleurs?
23 Février
1919.
Vent
de printemps.
Bourgeons cassés.
Espoir déçus.
26 Février
1922.
Les
blés versés...
L'orage a détruit la moisson
Dans mon cour aussi...
24 Juillet
1923.
Le
dos rond et la tête
basse,
Quand il balaie deux feuilles mortes,
Quatre tombent autour de lui.
Octobre
1919.
Les
feuilles sont tombées...
Pauvres arbres tout nus
Pour passer l'hiver !
Novembre
1917.
La
neige est trop blanche:
Les chats gris sont noirs,
Et les blancs, jaunes.
Février
1919.
Des
nuages noirs immobiles.
Derrière
fuit éperdue
La pleine lune.
24 Septembre
1918.
Tout
petit sur son chameau blanc,
Derradji, fils du désert,
Siffle le quadrille des Lanciers.
24 Février
1922.
Calme
plat.
Le ciel s'inverse dans la mer,
Miroir laiteux.
22 Août
1917.
Le
phare tourne et dit:
A quoi bon te cacher?
Je te vois.
Phare
d'Ailly, 24 Septembre 1917.
Comme
un bras de désespoir,
Parfois dans les vagues rageuses
Une épave se lève.
23 Septembre
1918.
La
nature a jeté
Sur les ruines humaines
La pitié de la neige.
19 Février
1919.
Clair
de lune à
Reims.
Un spectre de cathédrale
Lève
ses bras blancs.
28 Mars
1922.
A
la moindre brise,
Sous les cendres de mon coeur,
Une braise flambe.
3 Août
1922.
Un
regard qu'ils ont échangé...
Quelle morsure dans mon coeur...
Je l'aime donc tant?
1er Septembre
1922.
Quand
elle est gentille avec moi,
Est-ce pour m'encourager,
Ou pour vexer l'Autre ?
Avril
1923.
Regarde
mûrir
le beau fruit,
Mais détourne tes lèvres
goulues:
Tu sais bien qu'il n'est pas pour toi.
19 Février
1922.
Je
veux bien la voir,
Son fiancé aussi,
Mais pas ensemble.
22 Juin
1919.
Je
pleurais dans le fauteuil d'osier;
Elle m'a dit: «Consolez-vous»
Et s'est mise à
pleurer.
13 Juin
1917.
Nuit
de deuil.
Le bruit des vagues
A la voix de mon père...
9 Décembre
1920.
Mes
amis sont morts.
Je m'en suis fait d'autres.
Pardon...
19-20
Juillet 1917.
Nuages
rouges du couchant.
Dans un trou vert
Un mince croissant de lune.
Nuit
d'alerte.
le projecteur à l'horizon
Ouvre et ferme son éventail.
Dans
la nuit noire
Une étoile et son reflet.
Il y a donc de l'eau?
La
nuit en Bretagne.
Un vieux chant passe et s'en va,
Dans un bruit de sabots.
Grincement
de roues.
Un tas de foin grossit
Jusqu'à cacher la lune.
Sur
la plage
Un bout de planche:
Un grand navire a fait naufrage.
Au
clair de la lune,
Dans la brume un pêcheur s'enfonce,
Vers le bruit de la mer.
Reste
à la fenêtre,
La face dorée par la lampe,
Et les cheveux baignés de lune.
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René Maublanc,
[onze haï-kaïs],
La Nouvelle Revue Française, a. VII. n.
84, 1° septembre 1920, pp. 343-344.
René Maublanc,
Le Haikai
français,
Le pampre, no. 10/11, 1923, pp. 1-62.
René Maublanc,
Un mouvement japonisant dans la littérature contemporaine: le haïkaï
français,
La grande revue, février 1923 (pages 604-625) et mars 1923 (pages
68-85).