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Le Haïkaï Français
Bibliographie et Anthologie par René Maublanc
Le pampre, no. 10/11, 1923, pp. 1-62.

Introduction

J'ai déjà écrit trois articles sur le haïkaï français: le premier a vingt lignes, le second cinq pages, le troisième quarante-deux pages. La progression est trop effrayante pour que je me laisse aller à la tentation d'en écrire un quatrième. Je préfère céder la parole à quelques auteurs compétents.

Voici d'abord ce que Michael Revon écrit du haïkaï japonais en son Anthologie de la Littérature japonaise.

«L'épigramme japonaise (haïkaï) est le dernier terme et le triomphe du système poétique national. Des «longs poémes» déjà si courts, les Japonais avaient passé aux «poésies brèves» en trente et une syllabes; mais non: ils en arrivent maintenant (à partir du XVI. siècle) à préférer un genre encore plus restreint et à ne plus vouloir composer que des poésies de dix-sept syllabes. Au lieu de cinq petits vers, ils n'en auront plus que trois pour exprimer toute leur pensée.»

Qu'ils y aient réussi, l'exemple de Bashô le prouve.

«Matsouo Bashô (1044-1694) est l'homme qui sut faire de l'épigramme une oeuvre de génie... Il fut un mystique épris d'humilité, de pauvreté, de bonté universelle; il eut constamment pour idéal d'amener les hommes à la haute morale qu'il avait atteinte; et comme il était né poète, il fit de la forme d'art la plus exquise, c'est-à-dire de l'épigramme, le moyen pratique d'exercer, mieux que par de lourds écrits, l'influence qu'il avait revée. On comprend des lors pourquoi ce genre mineur, qui, jusqu'à lui, n'avait eu qu'un caractère humoristique, reçut de lui une profondeur que ne connaîtront jamais les oeuvres des partisans de l'art pour l'art... Les meilleurs poètes du temps voulurent devenir ses disciples; dans toutes les classes de la société, on se mit a composer des épigrammes; sa gloire se répandit jusque dans les chaumières... Ses haïkaï laissent entrevoir diverses expressions de cette charmante physionomie, depuis la grave méditation jusqu'a la plaisanterie souriante; mais on remarquera surtout les épigrames ou Bashô nous révèle tantôt son mépris pour la guerre qui divise les hommes, tantôt sa tendresse pour les animaux, tantôt son adoration religieuse de la nature, tantôt cette sympathie d'artiste généreux qui lui faisait aimer toute chose noble et belle, comme elle lui faisait dire, en face d'une vilaine action: «Ce n'est pas de la poésie.»

Les Japonais d'aujourd'hui suivent l'exemple de leurs ancêtres, et ce sont les mêmes qualités poétiques qu'ils offrent à notre admiration et à notre imitation. Ecoutez Paul Fort, présentant au public français la traduction des Tankas de Nico-D. Horigoutchi. (Ce qu'il dit de la tanka, il le dirait à plus forte raison du haïkaï, comprimé de tanka.)

«Le lecteur y trouvera, éparpillées en notations rapides comme une fuite, les impressions les plus diverses, du naturel et de la subtilité, des sourires légers et des coups d'oeil profonds, de la grâce et de la majesté, de fines nuances et de vibrants éclairs, une fraîcheur tout aurorale et un soupçon de perversité, mais raffiné si délicieusement! - et puis encore de la tristesse, des langueurs, des nostalgies, beaucoup de petites choses sveltes et menues, et soudain, quand on s'y attend le moins, l'infini dans une goutte de rosée, le brusque orage des cieux réfléchi par le cristal d'un ongle, des grandeurs d'océan entrevues dans une jumelle minuscule, frêle bijou versicolore, précieux et ciselé.»

Voilà ce qu'est la poésie lyrique japonaise. Pourquoi voulons-nous l'introduire en France? Pour répondre à un certain besoin de la sensibilité contemporaine qui, depuis Verlaine et Mallarmé, se méfié de l'éloquence et cherche à fixer par la poésie la sensation et le sentiment élémentaires.

«L'intèrêt des haïkaïs, explique Paul-Louis Couchoud dans Sages et Poètes d'Asie, est de fournir l'exemple achevé de la poésie discontinue vers quoi tend tout poète japonais, peut-être tout poète asiatique. Stéphane Mallarmé dénonçait l'éloquence qui a envahi chez nous le lyrisme. Il aurait voulu que fussent mises en poésie seules les choses, qui d'aucune façon ne peuvent être expliquées en prose. La poésie était fourvoyée, disait-il avec un sourire, «depuis la grande déviation homèrique». Et si on lui demandait ce qu'il y avait donc avant Homère, il répondait : «L'orphisme». Les hymnes védiques, les courts poèmes chinois, les uta et les haïkaï japonais touchent à l'orphisme mallarméen. Près d'eux tous nos genres poétiques sont oratoires... Le poème prend à sa source la sensation lyrique jaillissante, instantanée, avant que le mouvement de la pensée ou de la passion l'ait orientée et utiliisée. A la prose est laissée la liaison logique des sensations; à l'éloquence l'enchaînement effectif, avec le rythme, la redondance, la cadence. La poésie s'engloutit dans la sensation pure. Elle se défend de lui donner une suite. Sa seule ressource est donc de la choisir. En cette élection splendide commence et finit le génie du poète».

Avec d'autres mots Claude-E. Maître exprime des idées analogues, lorsqu'il appelle l'art japonais un art de suggestion plutôt que d'expression: «Au Japon, où tout le monde est un peu poète et un peu peintre, le peintre et le poète ne cherchent pas à communiquer des émotions parfaitement définies encadrées dans un système clos d'images arrêtées et précises; ils voient dans le spectateur ou le lecteur une sorte de collaborateur, un peintre ou un poète en puissance, dans l'esprit duquel il suffit d'éveiller une émotion ou d'évoquer une image pour qu'elle mette aussitôt en branle, par le jeu des associations familières, tout un cortège d'autres images et d'autres émotions qui compléteront le paysage ou le poème ébauché... Jugée de ce point de vue, la brièveté des tanka et des haïkaï ne nous paraît plus aussi énigmatique; elle tient à la même cause que, dans la peinture, la simplification du dessin et le goût de l'esquisse; elle est appelée en quelque sorte par la conception particulière que les Japonais se sont faite de l'art, où ils ont vu moins un moyen d'expression qu'un moyen de suggestion.»

Faire passer quelque chose de ce lyrisme dans la littérature, exercer les écrivains - et aussi, et peut-être surtout, les amateurs - à sentir poétiquement et à s'exprimer brièvement, c'est le but auquel tendaient les «haïjin» qui publièrent leurs petits poèmes en septembre 1920, à la Nouvelle Revue française. Jean Paulhan les présentait ainsi:

«Dix faiseurs de haï-kaïs, qui se découvrent ici réunis autour de Couchoud, tâchent à mettre au point un instrument d'analyse. Ils ne savent pas quelles aventures, ils supposent la plupart que des aventures attendent le haï-kaï français - (qui pourrait trouver par exemple la sorte de succès qui vint en d'autres temps au madrigal, ou bien au sonnet; et par là former un goût commun: ce goût justement qui passe pour préparer la venue d'oeuvres plus décisives).»

Le présent numéro du Pampre est destiné à dresser le bilan des «aventures» gui sont arrivées au haïkaï français. On trouvera ici d'abord une bibliographie - certainement fort incomplète - de ce qui a été publié en France sur le haïkaï, oeuvres et critique. D'autre part on trouvera aussi un choix de haïkaï français, dont la plupart sont inédits.

Ces haïkaï sont aussi divers que possible et de forme bien irrégulière, de forme si libre qu'elle ne paraît suivre aucune règle. Pourtant nous n'avons pas oublié l'avertissement que Jules Romains nous donnait dans l'Humanité:

«Les parrains du haïkaï français semblent avoir commis, dès le principe, une erreur assez grave, qui est de nature à compromettre leur entreprise, s'ils n'en reviennent pas à temps. Ils paraissent n'avoir pas senti que la vertu du haïkaï, comme de tout poème à forme fixe, est liée à la fixité même de la forme, à la rigueur des règles qui la déterminent. Ceux qui transplantèrent jadis le sonnet en France n'eurent pas l'idée d'en faire un poème à forme libre. Les sonnets dits «libertins» qu'on essaya par la suite ne prennent avec les règles que des libertés fort peu étendues et encore sont-ils considérés, à juste titre, comme des fantaisies d'un aloi douteux. Plus le poème est court, plus cette fermeté de la structure est indispensable. Or les introducteurs du haïkaï conservent bien la règle japonaise des trois vers, mais ils n'assignent à chaque vers aucune longueur déterminée et ne prévoient aucun rapport de sonorités entre les finales des trois vers. Ils obtiendront ainsi une série de notes de carnets, plus ou moins piquantes, mais rien qui ait la vigueur, la vibration, la portée du haïkaï japonais. Cette erreur eut été assez naturelle au temps du verlibrisme; elle est singulière aujourd'hui que les efforts de toute une génération de poètes ont enfin réussi à asseoir une technique nouvelle, plus variée que l'ancienne mais pareillement soumise à des lois. A moins que nos jeunes haïjin ne se soient pas encore aperçus, en lisant leurs aînés, que la prosodie moderne avait cessé d'être «libre», et ne prennent les effets d'une technique savante pour d'aimables hasards de l'inspiration? Ce serait fâcheux, mais possible, tant les études poétiques sont faibles présentement.

«Pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à ce qu'on gasdât en français la règle japonaise des dix-sept syllabes: cinq, sept, cinq. Mais il faudrait convenir d'une ou plusieurs règles quant aux rapports de sonorités. La versification traditionnelle ne fournirait à ce égard que des ressources très médiocres à des effets très monotones. C'est aux moyens de la versification contemporaine qu'il y aurait lieu de recourir.»

D'accord. Mais nous ne pouvons d'une part employer les règles de la poésie japonaise, les deux langues n'ayant vraiment aucun rapport. Dans ces conditions, même la règle des dix-sept syllabes n'aurait qu'une valeur conventionnelle ou, si l'on veut, historique. En second-lieu, la «versification traditionnelle» n'est en effet guère utilisable; on jugera par quelques exemples du présent choix de haïkaï, des ressources et des limites de la rime pour ce genre nouveau. Enfin nous sommes tout prêts à utiliser les règles de la versification moderne; mats pour nous en servir il nous faut les connaître. Et nous venons à peine d'en recevoir un exposé complet et précis. Aussi le traité de versification que viennent de publier Jules Romains et Georges Chennevière est-il le bienvenu parmi nous. Puissent ses règles mettre un peu d'ordre dans l'anarchie qui effraie tant Romains!

Pour le moment, le lecteur devra se contenter de ces «notes de carnets, plus ou moins piquantes.» Il pourra s'amuser à comparer les petits poèmes de chaque auteur, et à chercher par quelles règles personnelles de rythme ou de sonorité chacun s'est efforcé de discipliner son inspiration.

Surtout que le lecteur n'oublie pas, en parcourant ce cahier, que la plupart des oeuvres qui le remplissent ne sont que travaux d'amateurs: pour deux ou trois qui ont fait leurs preuves de poètes et de romanciers, tous les autres ne sont que des hommes cultivés, professeurs, étudiants, lycéens. Ainsi commence a se réaliser, dans un cercle encore restreint, cette éducation poétique qui est au Japon répandue à travers tout le peuple. Au Japon, écrit Louis Aubert, «chacun se sent capable d'écrire sa tanka ou son hokku (haïkaï), comme de faire sa petite esquisse... Depuis le Mikado jusqu'au plus modeste paysan, en passant par le boutiquier de Tôkiô, il n'est pas un Japonais qui n'ait écrit ses trente et une ou ses dix-sept syllabes sur la lune, la neige, les fleurs. Pendant les loisirs que laisse la culture du riz, le paysan dessine; lorsque les pruniers ou les cerisiers sont en fleurs, les gens de toute classe, sous la neige des pétales que détache le vent aigre du printemps, composent des vers qu'ils suspendent aux branches.»

Nous n'en sommes pas là, et le peuple français n'est pas à ce point un peuple artiste. On remarquera pourtant, dans les petits poèmes de ce recueil, qu'à plusieurs reprises nos auteurs se sont rencontrés - sans d'ailleurs se connaître - pour exprimer une même sensation, suggérer une même idée. Ainsi tendent à se constituer chez nous des thèmes de haïkaï: thèmes d'ailleurs bien occidentaux et qui ne se confondent pas avec les thèmes japonais. (Ce n'est ni le cerisier fleuri ni la lune de printemps, mais le noyer sans feuilles, le rève ou le réveil, ou l'amour nouveau s'allumant dans les cendres.)

Si ce mouvement peut se transmettre et s'élargir, si un nombre de plus en plus grand d'amateurs avisés s'amusent à composer les trois vers d'un haïkaï, on peut en attendre, non certes un renouvellement complet de notre poésie, mais d'une part une anthologie de petites oeuvres délicates, d'autre part une élévation et un affinement du goût public. Sur ce point je n'ai rien à ajouter à ce que j'écrivais en juillet 1920: «Nous souhaitons que tout homme cultivé, chez nous, s'exerce à cet effort, comme au Japon, ou le paysan même et l'ouvrier se piquent autant que le lettré de savoir tourner leur haïkaï. Dans les pays et aux époques de grande vitalité littéraire, il existe des genres populaires que chaque amateur est capable de pratiquer lui-même; telle était l'épigramme dans la Grèce antique; tels furent, dans les salons français du xvii. ou du xviii. siècles, le sonnet, le madrigal, le portrait ou la maxime; tel est au Japon le haïkaï; tel il pourrait être demain, en France, si l'on voulait bien nous suivre. Car la littérature d'un peuple n'est pas faite seulement de la production de quelques écrivains de métier; elle est d'autant plus forte et vivante que plus d'hommes y collaborent d'un effort unanime. Ou, pour mieux dire, les hommes de génie, qui le plus souvent sont des professionnels, n'apparaissent que dans un milieu de culture favorable, dans l'atmosphère d'une société polie, où la pratique des petits genres a répandu le talent et le goût... Tel est surtout le service que nous attendons du haïkaï pour les lettres françaises. Il n'est pas un homme, qui, à une heure de sa vie, ne rencontre une émotion, une image, un élan qui l'élève au-dessus de lui-même... Dans un pays ou le haïkaï serait familier à tous, ces mille inspirations anonymes ne seraient plus toutes perdues pour l'art».

 

Bibliographie

Cette bibliographie ne peut prétendre a être complète. J'y ai mêlé, en les rangeant par ordre chronologique, trois sortes de publications: d'abord les ouvrages écrits ou traduits en français qui firent connaître chez nous le haïkaï japonais; en second lieu les essais de haïkaï français; enfin, les articles critiques qu'inspira cette tentative pour acclimater en France le lyrisme de l'Extrême-Orient. Je serai reconnaissant à tout lecteur qui m'aidera à combler les lacunes de cette bibliographie sommaire.

1. On trouvera la bibliographie de tous les ouvrages parus en français sur le Japon, jusqu'en 1804, dans les deux, ouvrages suivants:

LÉON PAGES. - Bibliographie japonaise. 1 vol. in-4° de 68 pages. - Paris, Benjamin Duprat, 1859. - Ce livre cite 658 ouvrages sur le Japon, parus du xv. Siècle à 1859.
FRAISSINET et MALTE-BRUN. - Le Japon. Histoire et description, moeurs, coutumes et religions, par M. ED. FRAISSINET. Nouvelle édition augmentée de 3 chapitres nouveaux par V.-A. MALTE-BRUN. 2 vol. in-12. - Paris, Arthus Bertrand 1864.
Le tome II (pages 547-555) contient, sous forme d'appendice, la bibliographie des ouvrages sur le Japon parus entre 1859 et 1864.

2. LÉON DE ROSNY. - Si ka zen yo. - Anthologie japonaise, poésies anciennes et tnodernes des insulaires du Nippon, traduites en français et publiées avec le texte original par Léon de Rosny. 1 vol. in-8, Paris, 1870.
Ce sont, je crois, les premières traductions de poèmes japonais parues en français.
Du même auteur, La civilisation japonaise (Paris, 1883) et Feuilles de Momidzi, études sur l'histoire, la littérature, les sciences et les arts des Japonais. (1902).
Quelques années avant l'Anthologie de Léon de Rosny, des tanka (les Pièces de Vers des Cent Poètes) avalent été traduites en anglais dans l'ouvrage suivant:
Hyaku-vin is-shiu, or Stanzas by a century of poets-being Japanese Lyrical Odes - translated into English, by F. V. DICKINS. London. 1866, in-8.

3. W. G. ASTON. - Littérature japonaise. Traduction de HENRY-D. DAVRAY. Armand Collin, 1902, in-16. - XXI-396 pages.
L'ouvrage de W. G. ASTON parut en anglais en 1899. L'édition française contient, de la page 278 à la page 285, une étude sommaire du haïkaï, agrémentée d'anecdotes. Si l'auteur n'accorde qu'une valeur relative au haïkaï, il le défend pourtant contre un auteur japonais qui l'appelle une "chose stupide".

4. CL. E. MAITRE. - Compte rendu de l'article de BASIL HALL CHAMBERLAIN, Bashô and the Japanese poetical Epigram. - Dans le Bulletin de l'Ecole Française d'Extrême-Orient, t. III. 1903, p. 723-729.
L'article de CHAMBERLAIN, qui est la première étude de quelque envergure publiée en Europe sur le haïkaï, avait paru en 1902, en anglais, dans les Compte rendus de la Société asiatique du Japon. Le compte rendu approfondi qu'en donna CL. B. MAITRE, alors pensionnaire de l'Ecole Française d'Extrême-Orient (dont il devint plus tard le directeur) contient les premières traductions françaises de haïkaï dignes des modèles japonais. Ces traductions, simples et évocatrices, sont en même temps d'une extrême exactitude - venant du seul Français peut-être qui sache à fond la langue japonaise. L'auteur y ajoute une conclusion pénétrante et neuve sur l'originalité de l'art japonais.

5. [PAUL-LOUIS COUCHOUD]. - Au fil de l'eau. Juillet 1905.
Une mince plaquette de 15 pages, sans nom d'auteur, tirée à 30 exemplaires hors commerce. Elle contient 72 haïkaï, tercets irréguliers et sans rimes, composés par P.-L. COUCHOUD et deux de ses amis, parmi lesquels ALBERT PONCIN, au cours d'une navigation en chaland qu'ils firent, en 1905, sur les canaux de France.
Ce sont, sans conteste, les premiers haïkaï français qui aient été écrits.

6. NOËL PÉRIL. - Au Japon. Fleurs de cerisiers, dans la Revue de Paris du 1er Septembre 1905, pages 91-116.
C'est la traduction d'un grand nombre de tanka et de haïkaï (l'auteur les appelle, d'un autre de leurs noms, des hokku) inspirés aux Japonais par la guerre contre les Russes. La traduction est à la fois précise et savoureuse, le commentaire éclaire très utilement les nuances et les doubles sens du texte japonais.

7. LOUIS AUBERT. - Sur le paysage japonais, dans la Revue de Paris du 15 Septembre 1905, pages 225-250.
L'auteur cite dans cet article neuf haïkaï (qu'il appelle des hokku) empruntés à l'article de B.-H. CHAMBERLAIN que j'ai cité plus haut.
Il traduit plusieurs de ces haïkaï en distiques (non rimes) - ce qui me semble en déformer le rythme. La traduction est d'ailleurs élégante, et les considérations de l'auteur sur l'art japonais sont extrêmement ingénieuses et fines.
A signaler particulièrement une jolie page (page 239) sur le caractère populaire et non professionnel du haïkaï (Cf. page 242, note 3).
Cette étude a été réimprimée dans l'ouvrage de Louis AUBERT: Paix Japonaise. Paris, A. Colin, 1906, p. 231-273.

8. PAUL-LOUIS COUCHOUD. - Les Epigrammes lyriques du Japon, dans les Lettres d'Avril 1906.
Article écrit au retour d'un voyage au Japon, et publié en 1906 par la revue les Lettres, dirigée par FERNAND GREGH. L'auteur avait déjà, comme on vient de le voir, essayé d'adapter le haïkaï à la poésie française, dans la plaquette citée plus haut.
PAUL-LOUIS COUCHOUD choisit entre les trois mots japonais (hokku, haiku, haïkaï) qui désignent le poème de dix-sept syllabes, le nom de haïkaï qui s'est imposé depuis en France.

9. FERNAND GREGH. - Quatrains à la façon des haïkaï japonais, dans la Revue de Paris du 1er Novembre 1906, pages 183-185.
Portant pour épigraphes deux haïkaï de MORITAKE et de BUSON, et quelques phrases de P.-L. COUCHOUD, ce sont douze beaux quatrains rimés, qui contiennent certes infiniment plus de mots et d'images qu'un haïkaï, mais qui conservent pourtant, en l'adaptant à la versification française traditionnelle, quelque chose de l'esprit japonais.
Ces quatrains ont été réimprimés dans le recueil de poèmes de FERNAND GREGH.- La Chaîne éternelle. (1910).

10. MARQUIS DE LA MAZELIERE. - Le Japon. Histoire et Civilisation. Plon-Nourrit, 1907. 3 vol. in-16.
Au tome III de cet important ouvrage, l'auteur consacre deux pages (pages 362-363) au haïkaï. Il donne quelques traductions, d'ailleurs assez médiocres, car elles ne cherchent aucunement à rendre le rythme des trois vers, et se bornent à une ligne de prose.

11. MICHEL REVON. - Anthologie de la littérature japonaise, des Origines au XXe Siècle. Paris, Ch. Delagrave, 1910, petit in-12, 476 pages.
Ce remarquable ouvrage contient des études documentées et précises sur tous les genres de la littérature japonaise, ainsi que des traductions fidèles, sinon élégantes.
On y trouvera une étude sur la tanka (pages 82-83, cf. page 234) et une autre-sur le haïkaï (p. 381). Des traductions de haïkaï sont données aux pages 381 à 399; 404 et 453.

12. JULES ARNOUX, agrégé des lettres. - Le Peuple japonais. Marcel Rivière, 1912, petit in-8, 510 pages.
Je ne cite ce gros livre que pour donner un exemple de la complète incompréhension que les Européens ont souvent de la poésie Japonaise. Les courtes lignes que l'auteur consacre au haïkaï (p. 192-193) prouvent manifestement qu'il n'y a rien compris. Elles commencent par ces mots: "La décadence s'aggrave... Une pièce aussi courte ne prête pas à l'inspiration" et se terminent ainsi: "Le poète Matsoura Baço (Bashô) a été un vrai chef d'école en ce genre et a connu la popularité. Il donne parfois une fugitive impression d'art... Les Japonais goûtent chez lui la menue perfection du détail."

13. LÉO LARGUIER. - La Vie en Bleu. Rois artiste. Haïkaï, dans la Revue Bleue du 21 Décembre 1912, pages 797-798.
Une chronique sur les rois artistes donne à l'auteur de cet article l'occasion de parler du Mikado, et, à la faveur de cette transition, du haïkaï. Trois haïkaï japonais sont cités sans nom d'auteur ni de traducteur. Les auteurs "ont KIKIN, CHIYO et ISSA, le traducteur P.-L. COUCHOUD.

14. JULIEN VOCANCE. - Cent Visions de Guerre, dans la Grande Revue de Mai 1916 (pages 424-435).
Le titre que l'auteur désirait donner à ces beaux haïkaï, par analogie avec de célèbres recueils d'estampes japonaises, était Les Cent Vues de la Guerre.
Plusieurs furent reproduits par des journaux et revues de France, et de l'étranger, notamment par:

Paris-Midi, du 30 Mai 1916.
Le Siècle et l'Action, du 31 Mai 1916.
L'Atlanto (Journal grec de New-York) du 6 Juin 1916, sous le titre: "è nea tcchnè".
La France, du 7 Juin 1916.
De Telegraaf du 17 Juin 1916.
Die Vossische Zeitung du 24 Juin 1916, sous le titre : "eine neue franzosische Dichtkunst".
Le Mercure de France du 1er Juillet 1916 (page 125), avec une note élogieuse de CHARLES-HENRY HIRSCH.

Ils inspirèrent de plus l'important article suivant:

15. V. (EMILE VUILLERMOZ). - Une leçon, dans le Temps du 28 Mai 1916.
Analysant les Cent Visions de Guerre de JULIEN VOCANCE, l'auteur insistait sur la sincérité de ce témoignage d'un combattant et opposait la concision dramatique de ces petits poèmes aux élucubrations des bavards de l'arrière.
L'article fut reproduit par divers journaux, notamment l'Express de Lyon du 29 Mai 1916, sous le titre: "La littérature de demain et la guerre", la Razon du 18 Juin 1916 sous le titre: "En una libreta de combatiente" et la Croix de Saône-et-Loire du 4 Juillet 1916.
J'en ai cité les phrases les plus caractéristiques dans mes articles cités plus loin: Le haïkaï français (dans la Grande Revue de Février 1923, page 611 et de Mars 1923, page 76).

16. GEORGES LIGES. - Les Japonais amis de la France, dans la Presse du 1 Janvier 1917.
Essai sur l'âme japonaise et la guerre, qui prend pour conclusion deux haïkaï comparés, l'un du grand poète japonais BASHÔ, l'autre de JULIEN VOCANCE (extrait des Cent Visions de Guerre).

17. PAUL-LOUIS COUCHOUD. - Sages et Poètes a'Asie. Calmann-Lévy, 1917, in-16, 299 pages.
Le second des essais qui composent ce délicieux ouvrage (pages 51 a 137) s'intitule: Les Epigrammes lyriques du Japon. Il reproduit l'article signalé plus haut et paru sous le même titre dans les Lettres en 1906. Il y ajoute seulement une conclusion nouvelle où sont reproduites et commentées quelques-unes des Cent Visions de Guerre de JULIEN VOCANCE.
On lira aussi, avec intérêt, dans la Préface, (pages 6-9), le passage où l'auteur dégage l'essence de la poésie japonaise, en l'opposant à l'éloquence lyrique des Occidentaux et en l'assimilant à ce que STÉPHANE MALLARMÉ nommait l'orphisme.

18. JEAN PAULHAN. - Les haïkaï japonais, dans la Vie de Février 1917 (10, rue du Cardinal-Lemoine, Paris, 5e).
Pénétrante étude sur le haïkaï, d'après le livre cité de PAUL-LOUIS COUCHOUD.

19. JULIEN VOCANCE. - Fantômes d'hier et d'aujourd'hui, dans la Grande Revue de Mai 1917 (pages 475-484).
90 haikai sur des sujets très divers:
I. Hier. Sous le titre: L'Epopée, 40 haïkaï de guerre.
Deux autres, censurés, n'ont pu être publiés à l'époque. Je les ai cités dans la Grande Revue de Mars 1923: ce sont les deux derniers au bas de la page 78.
II. Aujourd'hui. 9 haikai sur les Faubourgs, 15 notes de voyage en Vivarais, 20 intérieurs, haïkaï amoureux et familiaux; enfin, en une suite de 6 haïkaï, une Courte biographie.
Ces poèmes furent signalés notamment:
dans la Revue de Hollande (La Haye) de Juin 1917, sous la rubrique: "Les Revues françaises";
dans la France du 25 Juin 1917, sous la signature d'HENRIETTE CHARASSON;
dans le Mercure de France du 1 Juillet 1917, au Memento des Revues.
CH.-H. HIRSCH y mentionnait les haïkaï "de M. Julien Vocance, un des plus originaux poètes qui soient aujourd'hui, l'un des plus réellement maîtres de la langue et du rythme, un authentique ciseleur et qui pense, voit, est sensible, mérite déjà la gloire d'un maître, et la conquerra, parce qu'il est sincère." (Page 144).

20. GEORGES SABIRON. - Poussière de poème, dans la Vie de Mars 1918.
GEORGES SABIRON, soldat au 149e d'Infanterie, lut et apprécia Sages et Poètes d'Asie et les Cent Visions de Guerre. Il écrivit ces haïkaï dans les tranchées où quelques mois après, il fut tué.
Ses haïkaï, par l'originalité de leur pensée et de leur vision, par la sureté de leur rythme, comptent parmi les meilleurs qu'on ait écrits en français.

21. NOZIERE. - Scènes et Coulisses. Lettres et arts, dans Oui du 6 Août 1918.
La chronique porte en sous-titre: Propos de théâtre. Poésie et théâtre japonais. Elle est consacrée à une séance du groupe "Art et Liberté", où M. CARLOS LARRONDE et Mme LARA parlèrent du haïkaï, en se réclamant de PAUL-LOUIS COUCHOUD et de MICHEL REVON. L'auteur analyse avec subtilité l'art du haïkaï, "impressionnisme synthétiques". Il signale les haïkaï mis en musique par le compositeur CAROL-BÉRARD.

22. RENÉ MAUBLANC. - Haï-kaï dans la Gerbe de Juin 1919 (pages 259-261). (Directeur: Alb. Gavy-Bélédin, 30, rue Jean-Jaurès, à Nantes.)
Dix-sept haïkaï précédés d'une courte introduction, appelant les "esprits curieux" à essayer ce nouveau genre poétique.

23. GILBERT DE VOISINS. - Fantasques. Petits poèmes de propos divers, in-8,. 303 pages. Paris, Georges Crès, 1920.
Ce livre de poèmes contient en tout 29 haïkaï en tercets rimés, réunis par petits groupes, en différents endroits, sous le même titre: Quelques haïkaï japonais.
Les références exactes sont:
CX - page 57 - 4 haïkaï.
CCII - page 104 - 5 haïkaï.
CCCXIV - page 159 - 5 haïkaï.
CDXIII - page 206 -- 5 haïkaï.
DXIV - page 255 - 5 haïkaï.
DLXXXII - page 290 - 5 haïkaï.
Il serait aisé de trouver une influence japonaise dans beaucoup d'autres poèmes du recueil, notamment dans des quatrains.

24. JOSEP-MARIA JUNOY. - Amour et paysage, traduit du catalan. Barcelone, chez Dalman. Paris, chez Emile-Paul. Petit in-8, 1920.
Cette plaquette de 39 pages, luxueusement éditée et tirée seulement à 300 exemplaires contient 30 haïkaï de forme très irréguliere et d'une vive originalité. Cinq sont en catalan, les vingt-cinq autres sont traduits en français.

25. DIVERS. - Haï-kaïs, dans la Nouvelle Revue Française du 1er Septembre 1920 (pages 329-345).
Précédé d'un bref manifeste de JEAN PAULHAN, c'est un choix de haïkaï français:

11 de PAUL-LOUIS COUCHOUD, tirés de sa plaquette: Au fil de l'eau (et datés par erreur de 1903).
11 de JULIEN VOCANCE, datés de Mai 1916, et portant le titre : Au Cirque.
5 de GEORGES SABIRON, tirés de Poussière de Poème (publié par la Vie).
5 de PIERRE-ALBERT BIROT, sous le titre Poèmes sur Mesure.
11 de JEAN-RICHARD BLOCH, sous le titre Maison en Poitou.
6 de JEAN BRETON (pseudonyme littéraire du philosophe C. BOUGLÉ).
11 de PAUL ELUARD, sous le titre Pour vivre ici.
2 de MAURICE GOBIN.
1 de HENRI LEFEBVRE.
2 d'ALBERT PONCIN.
11 de RENÉ MAUBLANC, dont 4 publiés antérieurement dans la Gerbe.
6 de JEAN PAULHAN. Cet article fut signalé de divers côtés, notamment par Excelsior le 1er Septembre 1920 et par le Mercure de France du 15 Octobre 1920, dans son Memento des Revues, où est notée à juste titre l'influence de JULES RENARD.

26. OLIVIER RÉALTOR. - Haïkaïs, dans Pour le plaisir (42, boulevard Aug. Blauqui, Paris), du 15 Septembre 1920.
Le même auteur a publié, paraît-il, plusieurs séries de haïkaï dans de jeunes revues littéraires, en 1917 et 1918.
Ces haïkaï ont été réunis en un volume: Dans les Jardins d'Utopie.
Je regrette de n'avoir pu retrouver aucun de ces textes, qui ne sont même pas à la Bibliothèque nationale.

27. RENÉ MAUBLANC. - Sur le haï-kaï français, dans la Gerbe, d'Octobre 1920 (pages 1 à 5).
Etude critique sur les origines du haïkaï japonais et du haïkaï français, les divers genres de haïkaï: pittoresque, mystique, sentimental, les règles techniques du haïkaï, sa valeur poétique; le haïkaï est considéré surtout comme un art d'amateur.

28. DIVERS. - Quelques exemples, dans la Gerbe d'Octobre 1920 (pages 6-9).
Comme suite à l'article précédent, 29 haïkaï (dont trois empruntés à la Nouvelle Revue Française):

5 de JEAN BRETON (pseudonyme littéraire du philosophe C. BOUGLÉ).
3 d'ANDRÉ CUISENIER.
2 de BERNARD DESCLOZEAUX
5 de MAURICE GOBIN.
1 d'HENRI LEFEBVRE.
3 de JEANNE BÉLÉDIN-DESTRANGES.
10 de RENÉ MAUBLANC.

29. D... - Le Haïkaï dans l'Ere Nouvelle du 10 Novembre 1920.
Intéressant et sympathique résumé des tendances du haïkaï français. L'auteur insiste sur la concision du haïkaï et son mépris de l'éloquence, distingue, à la façon de l'article précédent, les divers genres de haïkaï et cite quatre exemples (de J. R. BLOCH, MAURICE GOBIN, JEAN PAULHAN et RENÉ MAUBLANC) empruntés à l'article cité de la Nouvelle Revue Française.

30. JULES ROMAINS. - Chronique, Poésie, dans l'Humanité du 16 Novembre 1920.
Ce très important article discute la tentative de fonder le haïkaï français, à propos des articles cités de la Nouvelle Revue Française et de la Gerbe. Il insiste sur la question, soulevée dans la Gerbe, d'un art d'amateur, affirme la nécessité d'une règle poétique et cite quelques haïkaïs de GEORGES SABIRON, ANDRÉ CUISENIER, JEAN PAULHAN, RENÉ MAUBLANC.
L'article à été reproduit dans la Gerbe de Janvier 1921 (pages 98-103) sous le titre: A propos du haïkaï.
J'en ai reproduit des extraits dans mon article cité plus loin: Le haïkaï français (dans la Grande Revue de février 1923, pages 617-618 et 622-623).

31. J. V.-B. - Les Lettres, dans Comoedia du 26 Novembre 1920.
L'auteur, à propos de l'article de la Nouvelle Revue Française, rappelle les imitations du haïkaï japonais faites par FERNAND GREGH et cite deux de ses quatrains japonisants publiés en 1910 dans la Chaîne éternelle.

32. JULES ROMAINS. - Chronique, Poésie, dans l'Humanité du Décembre 1920.
Ayant reçu, à la suite de sa chronique précédente, un certain nombre de haïkaï des lecteurs de l'Humanité, JULES ROMAINS en publie huit: deux de deux anonymes différents un de HENENSAI, cinq (excellents) de JEAN BAUCOMONT.

33. LILIAL TRIST. - Haïkaïs macabres, dans Pour le Plaisir du 15 Décembre 1920.
Seize haïkaï, dont il vaut mieux, à mon avis, ne rien dire.

34. JULES ROMANS. - Chronique, Poésie, dans l'Humanité du 3 Janvier 1921.
A la fin de sa chronique et "pour nous rafraîchir l'humeur", Jules Romains nous cite deux haïkaï reçus d'un jeune amateur rémois - que je voudrais bien connaître.

35. GEORGES-ARMAND MASSON. - L'haïkaï, dans la Renaissance (10, rue Royale, Paris) du 22 janvier 1921.
L'auteur essaie d'établir que le créateur du haïkaï français n'est pas P.-L. COUCHOUD, non plus que JULIEN VOCANCE, mais OLIVIEB RÉALTOR, dont il cite quelques poèmes.
La comparaison de deux dates suffit à combattre cette prétention: les premiers haïkaïs d'OLIVIER RÉALTOR ont paru dans des revues littéraires aux environs de 1914, le recueil de P.-L. COUCHOUD, Au fil de l'eau, est de 1905.

36. JACQUES BOULENGER. - Divers poètes, dans l'Opinion du Samedi 29 Janvier 1921, pages 122-124.
Après avoir analysé le haïkaï japonais d'après les traductions de P.-L. COUCHOUD et M. REVON, l'auteur compare cette forme de poésie avec les oeuvres de plusieurs poètes français contemporains: ANDRÉ SPIRE, PHILIPPE SOUPAULT. Il s'arrète sur le livre cité de GILBERT DE VOISINS: Fantasques. Il note que l'emploi de la rime dans les tercets de GILBERT DE VOISINS enlève à ces poèmes imités du japonais une partie du charme, avant tout visuel, de l'original.

37. RENÉ DRUART. - Vingt-quatre haïkaï, dans la Gerbe de Janvier 1921, pages 108-111.
Haïkaï réguliers ou irréguliers (distiques ou quatrains) de l'excellent poète rémois, aujourd'hui directeur du Pampre.

38. JULIEN VOCANCE. - Art poétique, dans la Connaissance de Juin 1921, (pages 489-491).
34 haïkaï qui développent la doctrine du poète: simplicité, sincérité, haine de l'éloquence et de la littérature, recherche de la sensation brute, et recherche aussi des sonorités et des allitérations.
J'ai commenté cet Art poétique dans mon article: le Haïkaï français (Grande Revue de février 1923, pages 614-616).

39. DOETTE YLSÉE. - Tandis que fume le thé japonais, dans l'Expansion de juin 1921.
Je cite cet article sans l'avoir eu sous les yeux.

40. DANIEL ESSERTIER. - Réflexions sur la pensée contemporaine. - Psychologie et littérature. - II, dans Foi et Vie du 1er Octobre 1921.
Intéressante étude motivée par l'Art poétique de JULIEN VOCANCE, Le haïkaï est rapproché d'autres manifestations de la littérature contemporaine, notamment des poèmes de VILDRAC, G. DUHAMEL, G. CHENNEVIERE et des romans de MARCEL PROUST. Toutes ces ouvres sont considérées, par la haine des mots et de l'éloquence, comme un effort vers la sincérité de la sensation brute, de l'intuition immédiate et comme une application, en quelque mesure, de la psychologie bergsonienne. Mais l'auteur reproche au haïkaï d'immobiliser et par là de tuer l'état de conscience, au lieu de le reproduire dans sa continuité vivante.

41. JEAN-RICHARD BLOCH. - Variations sur un thème intérieur, dans les Cahiers Idéalistes de décembre 1921, pages 232-234.
C'est une série de seize "tankas", poèmes de cinq vers non rimés, dont le premier, le troisième et le cinquième sont plus longs que les deux autres. Comme dans la tanka japonaise, les trois premiers vers se distinguent le plus souvent avec netteté des deux derniers, qui proposent un contraste, donnent une réponse ou une explication.
Les meilleurs de ces petits poèmes sont, à mon sens, ceux où l'auteur s'est astreint à un nombre régulier de syllabes (notamment 8, 5, 8, 5, 8 ou 8, 6, 8, 6, 8).

42. PAUL ELUARD. - Les Nécessités de la Vie et les Conséquences des Rêves, précédé d'exemples. Paris, au Sans Pareil, 1921, in-16, 74 pages.
Dans les exemples qui précedent le volume et en remplissent d'ailleurs 48 pages sur 74, on trouve 4 haïkaï, aux pages 21, 30, 32, 34. Les trois premiers ont été-publiés déjà dans la Nouvelle Revue Française (1 septembre 1920): Tous sont également mystérieux: et hermétiques.

43. ALBERT DE NEUVILLE. - Epigrammes à la japonaise. Paris, Ch. Bosse, 1921, in-12, 74 pages.
Ce sont 249 quatrains rimés, dont 31 sont imités directement soit de haïkaï japonais, soit de poèmes hindous et persans, soit d'épigrammes italiennes et espagnoles, soit des Histoires naturelles de JULES RENARD. Les trente et un modèles, sont cités en appendice.
Dans les poèmes originaux, l'influence de JULES RENARD est souvent très visible.

44. MAURICE BETZ. - Scaferlati pour troupes, poèmes. A. Messein, Paris, 1921,
in-16, 127 pages.
Dans cet intéressant et original recueil de poèmes écrits par un combattant, la Petite suite guerrière (pages 22-25) se compose de 18 haïkaï.

45. NICO-D. HORIGOUTCHI. - Tankas. Editions du Fauconnier, Paris, s. d. [décembre 1921], in-16, 119 pages.
Ce sont des tankas écrites en japonais par un japonais, (le titre de l'ouvrage japonais est: A travers le Monde) et traduites par lui-même en français, sans rimes, en tercets ou en quatrains, plus rarement en distiques ou en strophes de cinq vers.
Ces poèmes trahissent les influences tantôt de la vieille poésie japonaise, tantôt de la poésie européenne et particulierement d'HENRI HEINE.
A noter particulièrement, comme les séries les mieux venues, Impressions, Tristesse, La Femme et la Mer, Feuilles Mortes et Sacrilège Amour.
Le recueil est précédé d'une préface délicate et nuancée de PAUL FORT.

46. RENÉ MORAND. - Poèmes. Marcel Seheur, 1922, 49 pages.
Ce recueil contient neuf haïkaï, en trois séries de trois, aux pages 16, 26 et 36. Deux de ces haïkaï ont été cités par RENÉ KERDYK dans sa chronique du Crapouillot: "La poésie et les poètes". (1 juillet 1922, page 6).

47. RENÉ MAUBLANC. - Un mouvement japonisant dans la littérature contemporaine: le haïkaï français, dans la Grande Revue de février 1923 (pages 604-625) et mars 1923 (pages 68-85).
Cette étude développe une conférence faite au Musée Guimet le samedi 11 mars 1922, sous les auspices de l'Association française des Amis de l'Orient, Après quelques pages d'introduction sur le haïkaï japonais, l'auteur fait l'historique de l'influence japonisante en France, discute les principes, les tendances et la technique -du haïkaï français et cite un grand nombre de haïkaï, dont beaucoup d'inédits, classés selon leur sujet (animaux, figures et scènes de genre, paysages, paysages sentimentaux, tableaux de guerre, haïkaï psychologiques, haïkaï symboliques).
Ces articles ont été signalés notamment dans Paris-Midi du 3 Avril (qui cite 8 haïkaï de JEAN BRETON, RENÉ DRUART, RENÉ GEORGIN, JULIEN VOCANCE, GEORGES SABIRON et B. M.), l'Intransigeant du 7 avril (qui cite 2 haïkaï de RENÉ DRUART et GEORGES SABIBON; article reproduit dans le Soleil de Marseille du 16 avril, le Radical, le Rappel et la Lanterne du 8 avril (qui citent des pages entières des articles de la Grande Revue, avec 16 haïkaï), le Populaire (de Paris) du 11 avril (qui cite 2 haïkaï de Nico HORIGOUTCHI et 4 haïkaï japonais anciens) et le même Populaire du 25 avril. L'Echo National du 9 mai, citant et discutant la conclusion de l'article, croit que les haïjin français ne recherchent que le plaisir superficiel de l'image piquante et répudient la profondeur. Dans Les Hommes du jour du 21 avril (page 13) A. DU BIEF propose à notre imitation, au lieu des haïkaï, de courte poèmes chinois, qu'il cite dans les traductions de CHARLES LAURENT. Dans le Crapouillot du 16 Juillet (page 12). ALPHONSE MÉTÉRIÉ cite un haïkaï de R. M. et une phrase de MAX JACOB, extraits tous deux du même article.

48. JEAN BACH-SISLEY. - Essai de Haïkaï, dans la Gazette des Sept Arts (12, rue du Quatre-Septembre, Paris, 2e) du 10 mai 1923, page 7.
Sept haikai excellents.

49. Parmi les haïkaï inédits que leurs auteurs se promettent de publier prochainement, je peur citer:

JULIEN VOCANCE. - Paysage parisien.

RENÉ DRUART. - L'épingleur de haïkaï (1917-1923), recueil de huit sériée de haïkaï, parmi lesquelles: Paysages dévastés (1919) et Voyage en Italie (1923), suivi d'un poème de vingt-quatre haïkaï en vers de six pieds: Marais sous la lune (1922).

HENRI DRUART. - Quatorze séries de douze haïkaï, notamment: Les Soucis des bêtes. Les douze fruits de la journée, Neurasthénie et joie des Champ, Drelan d'artistes et d'artisans ou Fins ivoires du vieux Japon. Le train passe et le Sage pense, Cloche qui tinte en bel avril. Le ruisseau court au village, Chants d'alouettes dans les labours.

RENÉ MAUBLANC. - Cent haïkaï (à paraître aux éditions du Mouton blanc).

50. A côté des poésies directement inspirées du haïkaï, il y a dada la littérature contemporaine beaucoup d'oeuvres - en vers ou en prose - qui révèlent une inspiration fort analogue. C'est ainsi qu'on trouvera dans les pages suivantes, melés à nos haïkaï, des oeuvres des trois auteurs suivants:

FRÉDÉRIC NIETZSCHE. - Ecce Homo, suivi des Poésies, traduit par HENRI ALBERT, Mercure de France, 1909. Il s'agit de tercets tirés des Maximes et Chants de Zarathoustra (1882-1888).

JULES RENARD. - Histoires Naturelles. (1e édition, 1896; 2e édition, 1904). Du même, Nos frères farouches. Ragotte, 1907.

MAX JACOB. - Le Cornet à dés, publié en 1917, mais écrit à partir de 1906.

R. M.

 

 

DEUX CENT QUATRE-VINGT-TROIS
HAIKAI CHOISIS

I
ART POÉTIQUE

Trois vers et très peu de mots
Pour vous décrire cent choses...
La Nature en bibelots.
Gilbert de Voisins - 1920.

Le Poète japonais
Essuie son couteau:
Cette fois l'éloquence est morte.
Julien Vocance - 1921.

Evoque, suggère. En trois lignes
Montre-moi ce masque impassible,
Mais toute la douleur par-dessous.
Julien Vocance - 1921.


II
ANIMAUX ET FLEURS

LA PIE
Il lui reste toujours,
Du dernier hiver,
Un peu de neige.
Jules Renard

Roides sur les pierres blanches
Les corbeaux célébraient
Leur victoire aux échecs.
René Druart - 1920.

Au passage d'une hirondelle
Les ailes de ses soeurs
Se soulèvent...
René Druart - 1923.

Flaque d'eau sans un pli.
Le coq qui boit et son image
Se prennent par le bec.
René Sabiron - 1918.

Perchée sur la roue,
La Poule
Pose pour la Fortune.
Albert Poncin - 1920.

Nous voilà donc,
Sous la tonnelle parfumée,
Seuls, ô ma bien aimée!
Pardon, dit la guèpe, pardon.
Albert de Neuville - 1921.

D'un tas inerte de crottin
L'auto rapide
Fait jaillir deux hirondelles.
René Druart - 1923.

Deux liserons énormes,
Embouchures de phonographes
Dissimulées dans la verdure.
René Druart - 1923.

Au paysage réduit des mottes d'herbes
Serpente comme un train de wagons
Le noir staphylin.
René Druart - 1923.

Droite sur sa tige,
La tulipe au hennin rouge.
Où est donc son page?
Rita del Noiram - 1923.

L'ESCARGOT.
Casanier dans la saison des rhumes,
Son cou de girafe rentré,
L'escargot bout comme un nez plein.
Jules Renard

Il se promène dès les beaux jours,
Mais il ne sait marcher
Que sur la langue.
Jules Renard

On trouve un rêve partout:
Sous le ventre des limaces
Et dans le sein vert des choux.
Gilbert de Voisins - 1920.

LE PAPILLON.
Ce billet doux
Plié en deux
Cherche une adresse de fleurs.
Jules Renard

Oh! le beau papillon de nuit!
Il va se brûler les ailes...
Vite, je souffle sur la bougie!
Victor Goloubeff - 1921.
Siemreap, la nuit, sur la vérandah de notre bungalow.

Nacrée comme un canif
Perdu dans l'herbe,
Une ablette morte.
René Druart - 1923.

Tu es trop petit, chaton, pour savoir.
Ne mords pas là-dedans:
C'est ta queue.
René Maublanc- 20 Juillet 1917.

Loin du bouc inconstant
La chèvre égrène l'alphabet morse de ses plaintes,
De ses crottes.
Albert Poncin - 1920.

Sur sa mule pomponnée,
Que vient faire à Montargis
Ce nain de Velasquez?
P.-L. Couchoud - 1905.

La vache repue
Ne voit que le pied
Du saule argenté.
P.-L. Couchoud - 1905.

Sons le joug bien attaché
Les boeufs béats
Bavent.
Albert Poncin - 1920.

Bien attachés an sol par un filet de bave.
Pas de danger qu'ils bougent,
Les boeufs.
Albert Poncin - 1920.

Habillée en cheval.
Elle ne sait pas se servir du mors,
La vache.
Albert Poncin - 1920.

Précautionneusement,
Elle pose le pied
Au milieu de sa bouse.
Albert Poncin - 1920.

Sur le chemin de halage,
En bonnets de fous,
Deux bourricots.
P.-L. Couchoud - 1905.

Cris de singe, cris de paons...
Deux charbons ardents dans un essaim de lucioles...
Enfermez le chien! Une panthère rôde;
Victor Goloubeff - 1921.
Dans la brousse Cambodgienne.


III
SUR DES BIBELOTS JAPONAIS

DU MUSEE D'ART DE NEW-YORK.
De son marteau
Le tonnelier
Va fendre la terre.
Henri Druart - 7 Octobre 1922.

La bonne ménagère
Lave son enfant
Dans l'eau de lessive.
Henri Druart - 7 Octobre 1922.

Achetez mes pommes.
Dans un instant
J'aurai tout mangé!
Henri Druart - 7 Octobre 1922.

Vrai! les Japonais,
Gens pressés, qui vont
Sur des dos de vaches!
Henri Druart - 12 Octobre 1922.

Joie de vivre
Avec un ventre
Qui sert de coussin.
Henri Druart - 7 Octobre 1922.


IV
INTÉRIEURS

Marmites, bouquins
Voisinent en bons rapports!
Sagesse ou folie?
B. Hirami - 1923.

La pipe. La théière.
Une fleur. Un paravent.
Toute une vie.
Olivier Realtor

Crotte de papier par ci,
Crotte de papier par là:
Tiens! mon mari est rentré!
Jean Breton - 1920.

Penchant l'un vers l'autre leurs courbes,
Les rideaux esquissent des dames
Qui se saluent.
René Georgin - Février 1922.

Le ventre bombé de l'horloge
Digère - bourgeois des dimanches. -
Le balancier.
René Georgin - Février 1922.

Les tableaux, aux bout des cordons,
N'apprennent-ils pas à marcher?
Le mur les tient.
René Georgin - Février 1922.

Maison fermée.
Craquement de meubles.
Dialogues des morts.
Jean Breton - 1920.

Dans ma chambre de malade
La grande glace me regarde,
Avec les yeux glacials du destin.
Nico D. Horigoutchi - 1921.

Mon pouls et la pendule
Ne marchent plus au pas:
Trente-sept neuf.
Albert Poncin - 1920.

Au pied du mur, l'armoire à glace,
C'est lu guillotine:
On y voit nos deux têtes pécheresses.
Max Jacob - 1917.

Quand ils s'assemblent
Des absents sont là
Et des morts renaissent.
André Cuisenier - Mai 1920.

Le piano chante.
Un violon vibre.
L'unanime s'écoute.
Bernard Desclozeaux - Avril 1920.

An piano:
Quatre mains.
Un seul coeur.
René Maublanc - Septembre 1922.


V
FETES

Oie grasse truffée,
Marrons, boudins, saucisses:
Coliques demain.
B. Hirami - 1922.

Des cris et des râles...
Qui égorge-t-on?
Le cochon d'Auguste.
B. Hirami - 1923.

Deux cardinaux
Partagent une pomme
Dans la sacristie du village.
Albert Poncin - 1920.

Sous la pluie, des voiles blancs.
Les communiantes...
A quoi pense-t-il, le Bon Dieu?
Georges Garreta - Avril 1923.

Dans l'antique église
Sous les chapiteaux obscènes
Un Sacré-Coeur de sucre.
P.-L. Couchoud - 1905.

Gente villageoise à confesse.
Gros pieds s'agitent tout confus.
Péché d'amour passe.
Violette - 1923.

Le Pasteur
A pris pour petite bonne
Une jolie catholique.
P.-L. Couchoud.- 1905.

Vous qui passez dans l'ombre
Le long des peupliers
Etes-vous des amants?
P.-L. Couchoud - 1905.

Sous le clair de l'une
Des silhouettes noires
Comptent les heures qui sonnent.
Bernard Desclozeaux - Avril 1920.

Deux silhouettes sous la lune;
A chaque coup qui sonne,
Un baiser sur les lèvres.
René Maublanc - Mai 1920.

Deux jeunes filles causent.
Un couple flirte et rit.
Joie du philosophe attentif.
Anonyme - Mai 1923.

«Et homo factus est»
Chante en souriant
La fille-mère de l'année.
Albert Poncin - 1920.

Un ours qui dansait
Quitta la place du village
Et alla pisser contre un mur.
Max Jacob - 1917.

La foire bat son plein.
Devant la foule ébahie
Chante «L'Armée du Salut».
B. Hirami - 1923.

L'acrobate
Ne peut plus
Dégager sa vertèbre.
Julien Vocance - Mai 1916.

Après le «tour»
Son visage se crispe:
II sourit.
Julien Vocance - Mai 1916.


VI
ENFANTS

La petite figure rose
Rougit et noircit de colère,
Puis elle crève comme un orage.
René Maublanc - 13 Juin 1917.

L'une peut dire «Papa»,
L'autre ne sait pas.
Ma nièce ou sa poupée?
Albert Poncin - 1920.

Le bobo
Du bébé
A remué cinq étages.
Julien Vocance - 1917.

Ma fille, tu dors,
Mais moi j'écoute la vie
Qui frappe
à ta tempe.
Madame Lesage - Mai 1921.


VII
SOMMEIL

Tu dors.
J'écoute ton souffle,
liais nul n'entend le mien.
Jeanne Bélédin-Destranges - Octobre 1920.

Lu paupière fermée,
Oh! sur mes yeux
Le soleil du printemps!
Roger Vailland - Avril 1928.

Scintillement d'or et de pierreries
Dans un pays enchanté.
Soleil du matin
à travers mes paupières.
André Bocquet - Avril 1923.

Je dors: de l'or.
Je me réveille:
Du plomb.
Georges Long - Mars 1923.

Couché dans l'herbe,
Sur ma paupi
ère
Oh! la fraîcheur de mon bras nu!
Roger Vailland - Avril 1923.


VIII
QUATRAINS A LA FAÇON DES HAIKAI JAPONAIS

SUR UN ARBRE NAIN DU JAPON:
Massif, il semble grand dans son vieux pot de marbre.
La leçon qu'il nous donne, exquise, est grande aussi:
C'est de faire tenir la for
êt dans un arbre!
Partout l'art, au Japon fabuleux comme ici.
Fernand Gregh - 1906.

CHENE.
Seul parmi l'hiver nu des autres, tout en or,
Un grand ch
êne massif, là-bas, se dresse encor.
Comme si, peu
à peu, d'arbre en arbre effeuillé,
Tout l'automne s'était en lui réfugié.
Fernand Gregh - 1906.

CHIENS.
Hiver. Le vent qui siffle, aigre, au trou des serrures.
La ti
èdeur de la chambre où flambe un feu de bois;
Et soudain, par la porte ouverte
à leurs abois,
Les bons chiens apportant le froid dans leurs fourrures.
Fernand Gregh - 1906.


IX
PAYSAGES

La récompense du travail,
C'est le regard sur la nature.
L'oeil du paresseux ne voit rien.
Jules Renard - 1907.

La branche de marronniers
Avec ses grappes de mains
Plates, molles, noires.
Roger Lecomte - Juillet 1923.

Au mur de la colline
On accroche un village
- Mais sans cadre.
René Druart - 1920.

Comme une breloque blanche
Sur un grand gilet vert:
Le village sur la colline.
Georges Long - Mars 1928.

Sur la toile tendue du ciel,
La locomotive écrase
Un tube de blanc.
René Druart - 1923.

Le vent
Hésitant
Roule une cigarette d'air.
Paul Eluard - 1920.

Dans l'éclaircie de l'allée d'arbres,
Subite joie blanche
De deux fillettes.
René Druart - 1923.

D'une main elle bat le linge
Et de l'autre rajuste
Ses cheveux sur son front.
P.-L. Couchoud - 1905.

Un gros tas de feuilles vertes
Passe sur la route
Avec des jambes d'homme.
René Maublanc - 14 Juin 1917.

De la pluie pour une heure.
Rapprochez-vous, maisons,
Vous serez moins mouillées!
René Druart - 1923.

Un trait de soleil
S'aiguise
à travers la pluie:
Sourire avivé de larmes.
Rita del Noiram - 1923.

Un rayon de soleil
Joue sur le mur blanc:
Un sabre d'or.
Georges Long - Mars 1923.

Des paquets de mer ont franchi la digue:
Par-dessus le mur
Le lierre déborde.
Julien Vocance

Sur le cercle d'horizon blanc
Vingt petits nuages blancs
Ronds comme des ballons captifs.
René Druart - 1923.

Horizons:
Dômes de nuages
Et les peupliers minarets.
Julien Vocance

L'épaule brumeuse des monts
Sous les écharpes du soleil
Frissonne encore:
René Georgin - Février 1922.

Sur le ciel gris,
Balancement des branches noires.
Indécision.
André Cuisenier

De ton coffre de brume,
Impuissant soleil,
Enfin sortiras-tu?
Henri Druart - 1923.

La vallée est un golfe,
O
ù la ville se noie,
En sonnant les cloches.
René Maublanc - Bar-le-Duc, mars 1920.

D'une chétive cabane
S'él
ève une fumée
Chaude comme un coeur.
René Druart - Reims, 1922.

Une plume donne au chapeau
Un air de légereté:
La cheminée fume.
Paul Eluard - 1920.

Une borne sur la route,
Un mot dit par un passant.
Et c'est l'exil.
Marianne Fock - Mai 1923.

Mais en exil
A quoi bon cette fleur, cet insecte,
Ce nuage?
J.-M. Junoy - 1920.

Un souffle me frôle.
O baiser d'amant!
«C'est moi» dit le vent
Henensal - Décembre 1920.

Je me tais. J'écoute
Un pas qui vient sur la route
Et mon coeur qui bat.
Anonyme - Décembre 1920.


X
PRINTEMPS

Des points blancs dans un buisson noir.
Est-ce encore de la neige,
Ou déj
à des fleurs?
René Maublanc - 23 Février 1919.

Avril!
Tiens, il a encore neigé cette nuit?
Non! une haie d'aubépine en fleurs.
Jean Bach-Sisley - Mai 1923.

Dans la liesse des fleurs
Le noyer rébarbatif
Perpétue un gerçant hiver.
Henri Druart - 1 Mai 1923.

Tous ces verts marronniers pansus
Se moquent entre eux du noyer
Qui n'a pas encore de feuilles.
Roger Lecomte - Avril I923.

Vent de printemps.
Bourgeons cassés.
Espoir déçus.
René Maublanc - 26 Février 1922.

Mon sorbier brandit vers le ciel,
Pour le repeindre en bleu et blanc,
Cent petits pinceaux vert-pomme.
Jean Breton - Mars 1921

Hideur de la prison.
Le criminel a souri
An pissenlit de la lucarne.
Henri Druart - 1 Mai 1923.

La fleur bien aimée s'effeuille...
D'autres fleuriront,
Tu les cueilleras.
Pierre Desclozeaux - 1920.

Des gouttes de sang
Sont tombées du ciel
Pour s'accrocher au cerisier.
Bernard Desclozeaux - Juin 1920.


XI
ÉTÉ

Les joncs même tombent de sommeil.
Je rôtis délicieusement
Midi.
P.-L. Couchoud - 1905.

Le train sur son chemin géométrique
Traverse le mois de Juin.
Les coquelicots font la haie.
P.-A. Birot - 1920.

En plein jour dans la prairie
La voie lactée.
Marguerites des pr
ès.
Julien Vocance

Dans le soir brûlant
Nous cherchons une auberge.
O ces capucines!
P.-L. Couchoud - 1905.

Avec sa petite faucille,
Comment pourra-t-elle
Faucher tout le champ ?
P.-L. Couchoud - 1905.

Les blés versés...
L'orage a détruit la moisson
Dans mon cour aussi...
René Maublanc - 24 Juillet 1923.


XII
AUTOMNE

Sous la treille
Nous avons go
ûté des fruits du pays ensemble
Pr
ès de la route ensoleillée.
J.-M. Junoy - 1920.

Vers le ciel indigo
Le pommier vend son étalage
De porcelaines écarlates.
Jean Breton - Septembre 1920.

En la maisonnette chère,
R
êvons d'un automne
Fleuri d'amis et de roses.
B. Hirami - 1923.

Le banc de bois est humide,
Le banc de pierre est glacé:
Rendez-vous d'automne.
Albert Poncin - 1920.

Le vent d'automne
S'écorche aux branches mortes.
Oh! ses sanglots!
Roger Lecomte - Juillet 1923.

Le dos rond et la tête basse,
Quand il balaie deux feuilles mortes,
Quatre tombent autour de lui.
René Maublanc - Octobre 1919.


XIII
HIVER


Les feuilles sont tombées...
Pauvres arbres tout nus
Pour passer l'hiver!
René Maublanc - Novembre 1917.

Faute de feuilles,
Le marronnier, dans la nuit claire de Février,
Prend des étoiles.
Jean Breton - Février 1922.

Nuit d'hiver, campagne,
Braise rouge dans la cheminée,
Fit mes amis loin.
Jean-Richard Bloch - 1920.

Veillée solitaire:
L'heure o
ù les chenets renoncent
A nous consoler.
Jean-Richard Bloch - 1920.

La neige est trop blanche:
Les chats gris sont noirs,
Et les blancs, jaunes.
René Maublanc - Février 1919.

Une semelle et un écu
Cheminent dans la neige:
Piste du braconnier unijambiste.
Albert Poncin - 1920.

Le coeur à ce qu'elle chante,
Elle fait fondre la neige,
La nourrice des oiseaux.
Paul Eluard - 1920.

L'hiver meurtrier...
Une rose résiste en mon coeur,
Mon triste amour.
Jean Bach-Sisley - Mai 1923.


XIV
LA NUIT

Il reste écrit sur le couchant
Que le vent chassa le soleil
A coups de balai.
Jean Breton - Avril 1922.

Les monts figés qui s'assombrissent,
Au loin des maisons qui s'éclairent:
Sérénité.
René Georgin - Février 1922.

La nuit. L'ombre du grand noyer
Est une tache d'encre aplatie
Au velours bleu du ciel.
Roger Lecomte - Janvier 1923.

Caïmans de la route,
Gueule ouverte dans l'ombre,
Des troncs de noyers.
Julien Vocance

Plateau d'argent
Qui qu
ête des étoiles:
La lune.
Georges Long - Mars 1923.

Des nuages noirs immobiles.
Derri
ère fuit éperdue
La pleine lune.
René Maublanc - 24 Septembre 1918.

La lune moqueuse
D'un petit air indulgent
Lorgne le rideau.
B. Hirami - 1923.

Nuit d'Août. Les crêtes des montagnes
Avec les étoiles filantes
Jouent
à la balle.
René Georgin - Février 1922.

L'étoile
Pique de petits coups d'argent
Dans le crépuscule mauve.
Roger Lecomte - Juillet 1923.

Trémolos de brise.
La lune sur les tilleuls.
Ta main dans ma main.
Rita del Noiram - 1923.

Sous le bleu clair de lune,
Des aboiements lointains.
Les jeunes gens r
êvent d'amour.
Roger Vailland - Février 1923.
(Adapté du hova)

Vie d'un instant...
J'ai vu s'éteindre dans la nuit
L'éternité d'une étoile.
Roger Lecomte - Janvier 1923.

La lune citron
Rit en baignant de rayons
Tous les cimeti
ères.
Anonyme - Décembre 1920.

Clouée dans la plaine
Comme un monstre de feu,
La ville nocturne.
René Druart - 1923.

Sur la ville morte
Minuit douze fols proclame
Une pensée d'homme.
André Cuisenier - 1921.

Dans la campagne endormie
Douze coups lointains.
C'est le temps qui veille et qui passe.
André Bocquet - Avril 1923.

Dans le ciel de cendre.
Comme un dernier tison,
La petite étoile.
Roger Lecomte - Avril 1923.


XV
LA MONTAGNE

Dans le cirque des montagnes
Dieu a posé son secret,
Qu'a scellé la lune.
Henri Druart - Saint-Nectaire, Juin 1922.

A la cloche de la messe
Fid
èles répondent
Mille clochettes de troupeaux.
Henri Druart - Saint-Nectaire, Juin 1922.

Le puy,
Gomme l'épaule d'un géant
Couché sur la Limagne.
Roger Vailland - Avril 1928.

Les puys,
Je voudrais les pétrir,
Bras nus.
Roger Vailland - Février 1923.

Le torrent est despote.
Si large vallée
Pour un filet d'eau!
Henri Druart - Saint-Nectaire, Juin 1922.

Souples, les collines
Ondulent l'échine
Sous les cumuli.
Henri Druart - Saint-Nectaire, Juin 1922.

Les rochers blancs en tas,
Et l'alpiniste de ces nuages,
L'aérostat.
Max Jacob - 1917.


XVI
VOYAGES

Dans le silence de la nuit,
Le sifflement des trains.
Oh! tr
ès, très loin, ces monts, ces mers et ces soleils!
Roger Vailland - Février 1923.

Le train arrivait;
J'avais un baiser tout pr
êt;
Le train est parti
Jean Baucomont - Décembre 1920.

Je m'éveille la nuit.
La lune baigne la route:
Désir de voyage.
Jean Richard Bloch - 1920.

Des relents d'huile cuite,
Des parfums de jasmin:
Un patio.
Maurice Gobin - Cordoue, 1917.

Vers la tulipe des clochers
Des jouets marchant, blanc, jaune et rouge.
Dimanche en Croatie.
Jean Breton - Mars 1923.

Un gros ventre rose
Sur un petit âne:
Vers la mosquée.
Maurice Gobin - Eyoub, 1917.

D'un tas de linge sale qui chemine
On voit a l'arri
ère émerger
Un crâne de bébé noiraud qui dodeline.
Jean Breton - Avril 1922.

Sur un monceau d'épais tapis
Trois moricauds de bronze trônent:
Et sous le tout un ânon trotte.
Jean Breton - Avril 1922.

Noirs esclaves des sultanes,
Lies ifs montent la garde
Autour des orangers.
Jean Breton - Avril 1922.

Tout petit sur son chameau blanc,
Derradji, fils du désert,
Siffle le quadrille des Lanciers.
René Maublanc - 24 Février 1922.

Criblés d'ombres par les nuées,
Les monts fauves d'El-Kantara
Sont des léopards assoupis.
Jean Breton - Avril 1922.

Pour gifler les enfants pas sages
Les figuiers-nains tendent leurs mains tordues
De grands-m
ères rhumatisantes.
Jean Breton - Avril 1922.

Dans la lande mauve et safran
Brille l'oiseau vert-émeraude:
Fa
ïence de mosquée sur un tapis de Fez.
Jean Breton - Avril 1922.

Pour vêtir la plaine brûlée
Le train va lançant des écharpes blanches,
Mais qui s'effilochent.
Jean Breton - Avril 1922.

J'ai fini mon beau voyage,
Je r
êve dans les bureaux gris
De méduses et de cormorans.
Henri Druart - Aout 1921.


XVII
L'EAU


Elle hâle le bateau.
Quand l'épaule est meurtrie,
Elle tire avec le ventre.
P.-L. Couchoud - 1905.

La mare est déployée
Comme un calque d'architecte
Avec, pour presse-papier, les canards.
René Druart - 1922.

Saut de poisson dans le silence.
Tout l'étang semble tressaillir
D'une seule goutte de pluie.
Jean Breton - Septembre 1922.

Au fil de l'eau, rapprochés, séparés,
Ce bouquet de roses fanées
Et cette lettre déchirée.
Jean Breton - 1920.

Qui te parle en souriant?
Non, c'est le ruisseau qui roule
Quelques fleurs.
Paul Paulhan - 1920.

Son regard brillant,
La rivi
ère le voile
D'un jonc souple comme des cils.
René Druart - 1923.

Les herbes à la godille
Pour remonter le courant:
Le vieux pont roussi les regarde.
Julien Vocance

Toc et toc, mes pas ferrés
Au son mat sur le pont de bois
Scandant le chant du ruisselet.
Henri Druart - 1er Mai 1923.

Pour qu'elle passe le pont qui tremble,
J'ai pris sa main,
Et c'est elle qui m'a soutenu.
Jean Breton - 1920.

Dans l'ample courbe du vallon,
Un blanc filet hypocrite
Joint deux villages en brouille.
Henri Druart - 1923.

Quel pacha prévu
Pour que tant de branches.
Fassent parasol?
Henri Druart - 12 Octobre 1922.

La rivière coule nue.
Les jeunes arbres vont vivre
Dans les bois.
Paul Paulhan - 1920.

L'eau s'affole à la cascade:
De peur elle écume;
Sauvée...
Henri Druart - 1923.

Les molécules de la rivière
Gardent-elles le souvenir
Des ombres d'arbres caressées?
Henri Druart - 12 Octobre 1922.

O sept écluses dans les pins!
De quel tombeau surhumain
Etes-vous l'escalier?
P.-L. Couchoud - Rogny, 1905.


XVIII
LA MER

Au soleil levant les ombres des villas,
Comme autant de cols de chameaux,
S'allongent jusqu'
à la mer.
Jean Breton - Juillet 1920.

Calme plat.
Le ciel s'inverse dans la mer,
Miroir laiteux.
René Maublanc - 22 Août 1917.

Que va-t-on penser,
En voyant la trace
De nos pas sur le sable?
Nico D. Horigoutchi - 1921.

Le petit port est endormi.
Soudain, dans te silence gris,
Le bout des m
âts s'éclaire!
Maurice Gobin - Septembre 1918.

Le reflet du mât est l'épingle
Qui fixe sur l'écran du fleuve
La silhouette de la barque.
Jean Breton - Septembre 1922.

La résille des vagues brille
Au flanc vert du yacht immobile:
Marbre aux veines dansantes.
Jean Breton - Août 1922.

Bateaux à voiles brunes
Quittant le chenal en file,
Défilé d'orphelines.
Henri Druart - Quiberon, Août 1921.

Bateaux sardiniers au couchant.
Les uns ventres dorés encore,
D'autres déj
à ombres chinoises.
Jean Breton - Août 1922.

Un voilier blanc qui s'éloigne vers l'inconnu
Et mon coeur gisant sur le sable
Gomme un coquillage vide.
J.-M. Junoy - 1920.

Brouillard sur la mer: ouate
Dont l'aube entoure le navire
Pour qu'il ne se fasse pas mal.
Roger Lecomte - Juillet 1923.

A la godille, dans la nuit,
Le sillage de notre barque
Est comme un tourbillon d'étoiles.
Jean Breton - Août 1922.

Des sabots tinquetoquent
En minuit pluvieux
Sur le m
ôle d'où l'on part.
Henri Druart - Quiberon. - Août 1021.

Le phare tourne et dit:
A quoi bon te cacher?
Je te vois.
René Maublanc - Phare d'Ailly, 24 Septembre 1917.

La mer n'est qu'une écume
O
ù vague après vague se lève
Et roule son dos vert.
Fernand Gregh - Belle-Ile, 13 Août 1917.

Ma petite maison,
Vent du Nord,
Ne l'emporte pas!
Maurice Gobin - 1918.

Comme un bras de désespoir,
Parfois dans les vagues rageuses
Une épave se l
ève.
René Maublanc - 23 Septembre 1918.

Vieille barque à la côte,
Pour mol, plus de voile au vent.
Pourtant, je sens la mer qui monte
Jean Breton - 1920.


XIX
TANKA


Pénombres des secondes loges;
Douze bras nus de femmes
Pressent deux par deux l'édifice
De leurs colonnes courtes
Comme une géométrie blanche.
Jean-Richard Bloch - 1921.

Une tranche de nuit en mouvement
Eclipse et démasque
Les feux de la rive en face;
- C'est un cargo noir
Et muet qui remonte le fleuve.
Jean-Richard Bloch - 1921.

Si la photo est manquée
Qu'est-ce qu'il va rester
De la tendre et ch
ère figure?
- Un trait sur le sable,
Une image dans la mémoire.
Jean-Richard Bloch - 1921.


XX
LA GUERRE

Dans un trou du sol, la nuit,
En face d'une armée immense,
Deux hommes.
Julien Vocance - 1916.

Une mitrailleuse ensanglantée,
Avant de mourir, a déployé
Son éventail de cadavres.
Julien Vocance - 1917.

Trou d'obus où cinq cadavres
Unis par les pieds rayonnent,
Lugubre étoile de mer.
René Sabiron - 1918.

Un trou d'obus
Dans son eau
A gardé tout le ciel.
Maurice Betz - 1921.

A un nuage qui bougeait au fond d'une mare
J'ai crié: Qui va la?
Il était loin déj
à.
Maurice Betz - 1921.

L'obus en éclat
Fait jaillir du bouquet d'arbres
Un cercle d'oiseaux.
René Sabiron - 1918.

Des arrivages de chair,
Bien fraîche, toute préparée,
Pour cette nuit sont signalés.
Julien Vocance - 1917.

Enterré par l'obus,
Entendre, loin, crier:
Il est mort !
Maurice Gobin - 1917.

Je l'ai reçu dans la fesse,
Toi dans l'oeil.
Tu es un héros, moi gu
ère.
Julien Vocance - 1916.

On le ramasse, mourant,
Et le major dit: «Foutu!»
Ses paupi
ères s'ouvrent!
Maurice Gobin - 1917.

Hier sifflant aux oreilles,
Aujourd'hui dans le képi,
Demain dans la t
ête.
Julien Vocance - 1916.

Montmartre, tes lumières, tes femmes
Aux jambes ti
èdes et douces...
Depuis hier la pluie crépite sur la tente!
Maurice Betz - 1921.

Le jour de la victoire!
Un défilé de veuves et de bambins en noir,
Et la foule étouffant sous les airs triomphant...
Julien Vocance - 1917.

Tout le jour tu te lamentes, tu gémis...
De grâce, tais-toi?
On ne te demande pas de donner ta vie...
Julien Vocance - 1917.


XXI
VINCENNES, 14 JUILLET 1917

Porteurs de Messieurs sanglés,
Daumonts et landaux
Ont rapidement gagné les emplacements marqués.

Béquiliant ci, tortillant l
à,
Voici venir, écume et lie,
Les émincés, les raccourcis, dans des v
êtements gris.

Faces fauchées, mufles exsangues,
Chair horrifique et pitoyable,
Que jamais plus des mains de femmes n'aimeront.

Hier: Les clairons aux ardents appels...
Puis les roulements fun
èbres des tambours...
Race qui dresses ta face aux trompettes de Josaphat!

Ta hampe, ô drapeau, cravatée de sang!...
Une angoisse étreint nos coeurs et les rompt...
Quels cris va pousser ce peuple oppressé?...

L'écoulement des ba
ïonnettes, pluie d'orage,
Et la foule tourbillonnant sur leur passage
Comme des feuilles dans le vent.

Je croyais voir défiler des fantômes.
Ombres de ceux qui ne sont plus,
Tous ils portaient au front le sceau fatal...

Dans les grands chars automobiles
Chantant, chantant
à pleins couplets,
Est-ce de vin, ou de fatigue, ou de gloire qu'ils sont grises?

Puis vous repartirez plus légers vers la mort;
Car il te faut encore saigner par tous leurs corps,
O France, ô mon pays saignant par les cinq plaies.
Julien Vocance - 1917.


XXII
LES RUINES

Il avait quatre-vingt seize ans.
On a d
û le ligoter
A la charrette, pour partir.
René Druart - Chenay, 1922.

Quand les hommes reviendront,
Le vieil orme qui est resté
Sera mort.
René Druart - Les Maretz. Trois-Fontaines, 1922.

Passant de Fleury,
Prie pour mes rues et mes arbres
Sur ma place vide.
André Cuisenier - 1921.

Ils étaient six dans la cave.
Ils y sont encore.
Mais o
ù est la cave?
René Druart - Berry-au-Bac. 1922.

L'oiseau grelottant,
Boule emplumée sur le toit,
R
êve au nid défunt.
B. Hirami - 1923.

Rampe en fer émergeant du talus,
Je te reconnais. Tu témoignes
Qu'ici fut notre maison.
René Druart - Berry-au-Bac, 1922.

Il neige encore, - encore un haïkaï!
La terre a recouvert les corps.
La neige veut recouvrir les ruines.
Un Jeune Amateur Rémois - Décembre 1920.

La nature a jeté
Sur les ruines humaines
La pitié de la neige.
René Maublanc - 19 Février 1919.

Derrière le cimeticre
Un moulin
à vent
Penche sa grande croix.
René Druart - Chemin-des-Dames, 1922.

La cathédrale dans les brumes:
Un sphynx
à deux têtes, accroupi
Dans une jungle de r
êve.
Roger Lecomte - Janvier 1923.

Clair de lune à Reims.
Un spectre de cathédrale
L
ève ses bras blancs.
René Maublanc - 28 Mars 1922.

Sur l'écoutille d'une péniche
Sombrée dans le petit port,
Un pinson chante.
René Druart - La Neuvillette, 1922.

Dans les arbres fracassés,
Miracle!
Un alléluia d'oiseaux.
René Druart - Sillery, 1922.

En place des cloches,
Deux douilles de cuivre,
Pauvre voix du dimanche.
René Druart - Saint-Gilles, près Fismes, 1922.

Miséricorde d'Avril!
Les buissons de barbelés
Se couvrent d'églantines.
René Druart - Prouilly-Pévy, 1922.

Côte a côte l'hiver
Deux buissons de fils barbelés;
En mai, l'un fleurit d'aubépine.
Henri Druart - 1er Mai 1923.


XXIII
TERCETS PHILOSOPHIQUES


Sa pitié est dure,
Son étreinte écrase.
Ne donnez pas la main
à un géant
Frédéric Nietzsche

«L'homme est mauvais»
Ainsi parl
èrent toujours les plus sages,
Pour ma consolation.
Frédéric Nietzsche

Sois une plaque en or.
Alors les choses s'inscriront sur toi,
En lettres d'or.
Frédéric Nietzsche

Etes-vous des femmes.
Pour vouloir souffrir
De ce que vous aimez ?
Frédéric Nietzsche

Ce sont des écrevisses, je suis sans pitié pour eux:
Si tu les saisis, ils te pincent;
Si tu les laisses aller, ils vont en arri
ère.
Frédéric Nietzsche - 1882-1888.


XXIV
LE COEUR

Ton poignet contre ma joue
Toque doucement,
Tendre oiseau soumis.
Jean Baucomont - Décembre 1920.

Douce voix
Qui glisses sur mon coeur
Comme le reflet de la lune sur un lac sombre.
J.-M. Junoy - 1920.

Les entrelacs sur ton visage
De mes innombrables baisers,
Moi seul les vois, ô cher amour!
René Druart - 1923.

Mon regard comme une abeille
Voltige tout, pr
ès de vos lèvres.
Prenez garde de le chasser.
René Druart - 1928.

Tu ouvriras ma lettre...
Le parfum de mon âme
Te grisera soudain...
René Druart - 1923.

Au feu la vieille lettre!
Ah! dans la cendre, des mots ont brillé.
Comme pour survivre...
Jean Breton - 1920.

Des soirs que j'aimais
Une robe de l'an passé
M'a rendu l'odeur.
Madame Lesage - Mai 1921.

Elle a dit: «Oui».
Mais elle a répondu trop vite.
J'ai compris : «Non».
René Sabiron - 1918.

Elle a dit : «Non».
Mais elle a répondu trop vite.
J'ai demandé: «Combien?»
Un Jeune Amateur Rémois - Décembre 1920.

Elle croit que je ne le sais pas.
Je sais qu'elle le croit.
Chut.
Jean Breton - 1920.

Nous avons seize ans tous les deux,
Mais quand elle en aura dix-huit,
Je n'en aurai que dix-huit.
Henri Lefebvre - 1918.

Le plus triste souvenir de mes vingt ans:
C'est de n'en avoir aucun
Qui me fasse pleurer.
Nico D. Horigoutchi - 1921.

Mon ami veillit,
Mais chaque ride est pour moi
Un sillon de tendresse neuve.
Marianne Fock - Mai 1923.

Sous mon cou, j'aperçois comme un lichen grisâtre.
Son rire reste cristallin.
Je vieillis... Si nous vieillissons!
Julien Vocance - 1917.

Sous les cendres refroidies,
Une braise rougeoie encore:
Souvenir cuisant...
Marianne Fock - Mai 1923.

A la moindre brise,
Sous les cendres de mon coeur,
Une braise flambe.
René Maublanc - 3 Août 1922.

La tristesse en amour,
Est-ce quand on est loin?
Est-ce quand on est pr
ès?
Nico D. Horigoutchi - 1921.

On ne doit pas me voir souffrir;
Ma douleur est un trésor,
Non une enseigne.
Marianne Fock - Mai 1923.

J'ai mis à mon coeur une serrure
Que seule la souffrance
Peut encore ouvrir.
Marianne Fock - Mai 1923.

Ne me parle pas d' «affinités secrètes»:
L'amour n'est pas une alliance,
C'est un combat.
Pierre de Palma - Mai 1923.

Un sentiment est une robe à traîne.
Il est bien malaisé d'emp
êcher
Qu'on ne marche dessus.
P.-A. Birot - 1920.

Un regard qu'ils ont échangé...
Quelle morsure dans mon coeur...
Je l'aime donc tant?
René Maublanc - 1er Septembre 1922.

Quand elle est gentille avec moi,
Est-ce pour m'encourager,
Ou pour vexer l'Autre ?
René Maublanc - Avril 1923.

Regarde mûrir le beau fruit,
Mais détourne tes l
èvres goulues:
Tu sais bien qu'il n'est pas pour toi.
René Maublanc - 19 Février 1922.

Je veux bien la voir,
Son fiancé aussi,
Mais pas ensemble.
René Maublanc - 22 Juin 1919.

Encore des larmes
Et peu de sourires.
Je suis un mauvais semeur.
Jean Baucomont - Décembre 1920.

Pas une herbe n'est triste,
Et le ciel te sourit.
Pourquoi pleures-tu?
René Druart - 1923.

Tu te trompes, mon bon ange,
Pourquoi ces paroles de consolation?
Je pleurais de joie.
Max Jacob - 1917.

Je pleurais dans le fauteuil d'osier;
Elle m'a dit: «Consolez-vous»
Et s'est mise
à pleurer.
René Maublanc - 13 Juin 1917.

Ne me demande pas : «Qu'as-tu?»
Si tu ne le devines,
Tu ne pourras me consoler.
Marianne Fock - Mai 1923.

Entre deux amis,
Sous la tonnelle fleurie,
Je me suis guéri de l'amour.
P.-L. Couchoud - 1905.

Tendre lierre,
Grimpant tardif autour de mon coeur
Délabre!
J.-M. Junoy - 1920.

Tresse la couronne
Avec le remous des hommes
Et les cris des trains.
André Cuisenier - 1921.

Nuit de deuil.
Le bruit des vagues
A la voix de mon père...
René Maublanc - 9 Décembre 1920.

La flamme était haute
De celui que j'ai perdu:
Je m'y chauffe encore.
André Cuisenier - 1921.

Mes amis sont morts.
Je m'en suis fait d'autres.
Pardon...
René Maublanc - 19-20 Juillet 1917.

Le doux bambin qu'on nous avait prê
Ne jouera plus, sur le sable du jardin,
Il est remonté au pays des rêves...
Julien Vocance


TABLE DES AUTEURS

ANONYME: 1 haïkaï publié dans l'Humanité et reproduit dans la Grande Revue.

ANONYME: 1 haïkaï publié dans l'Humanité.

ANONYME: 1 haïkaï inédit.

JEAN BACH-SISLEY: 2 haïkaï extraits de la Gazette des Sept Arts.

JEAN BAUCOMONT: 8 haïkaï publiés dans l'Humanité. 2 ont été reproduits dans la Grande Revue.

JEANNE BÉLÉDIN-DESTRANGES: 1 haïkaï tiré de la Gerbe.

MAURICE BETZ: 3 haïkaï tirés du volume de vers: Scaferlati pour troupes. L'un d'eux a été reproduit dans la Grande Revue.

PIERRE-ALBERT BIROT: 2 haïkaï publiés dans la Nouvelle Revue Française.

JEAN-RICHARD BLOCH: 3 haikai tirés de la Nouvelle Revue Française. (2 ont été reproduits dans la Grande Revue) et 3 tanka publiés dans les Cahiers Idéalistes.

ANDRÉ BOCQUET: 2 haïkaï inédits.

JEAN BRETON (pseudonyme littéraire du philosophe C. BOUGLÉ): 25 haïkaï, dont 16 inédite. Les 9 autres ont été publiés dans la Gerbe, la N. R. F., la Grande Revue.

PAUL-LOUIS COUCHOUD: 13 haïkaï extraits de la plaquette : Au fil de l'eau. 6 ont été reproduits dans la N. R. F. ou dans la Grande Revue. J'ai noté les 7 autres comme inédits, puisqu'ils n'ont jamais été offerts au public.

ANDRÉ CUISENIER: 5 haïkaï, dont 1 inédit. Les 4 autres sont tirés de la Gerbe et de la Grande Revue.

ALBERT DE NEUVILLE: 1 quatrain rimé, extrait du volume de vers: Epigrammes à la Japonaise.

PIERRE DE PALMA: 1 haïkaï inédit.

GILBERT DE VOISINS: 2 haïkaï extraits du volume de vers: Fantasque. 1 a été reproduit dans la Grande Revue.

RITA DEL NOIRAM: 3 haïkaï inédits.

BERNARD DESCLOZEAUX: 3 haïkaï inédits.

PIERRE DESCLOZEAUX: 1 haïkaï inédit.

HENRI DRUART: 21 haïkaï, tous inédits.

RENÉ DRUART: 28 haïkaï, dont 25 inédits; les 3 autres ont paru dans la Gerbe et la Grande Revue.

PAUL ELUARD: 3 haïkaï publiés par la N. R. F.

MARIANNE FOCK: 6 haïkaï inédit.

GEORGES GARRETA: 1 haïkaï inédit.

RENÉ GEORGIN: 6 haïkaï, dont 4 sont inédits; les 2 autres sont tirés de la Grande Revue.

MAURICE GOBIN: 6 haïkaï, dont 4 inédits; les 2 autres ont pars dans la Gerbe et la N. R. F.; le second a été reproduit dans la Grande Revue.

VICTOR GOLOUBEFF: 2 haïkaï, dont 1 tiré de la Grande Revue; l'autre est inédit.

FERNAND GREGH: 3 quatrains rimés, publiés d'abord dans la Revue de Paris, puis dans le volume La Chaîne Eternelle. L'un d'eux a été reproduit dans la Grande Revue.

HENENSAL: 1 haïkaï publié dans l'Humanité.

B. HIRAMI: 7 haïkaï inédits.

NICO D. HORIGOUTCHI: 4 haikai extraits du volume: Tankas et reproduits dans la Grande Revue.

MAX JACOB: 4 phrases extraites du Cornet à Dés et découpées en trois. Elles ont été reproduites dans la Grande Revue.

JOSEP-MARIA JUNOY: 5 haïkaï tirés de la plaquette: Amour et Paysage. 3 ont été reproduits dans la Grande Revue.

ROGER LECOMTE: 8 haïkaï inédits.

HENRI LEFEBVRE: 1 haïkaï publié dans la Gerbe, la N. R. F., la Grande Revue.

Madame LESAGE: 2 haïkaï inédits.

GEORGES LONG: 4 haïkaï inédits.

RENÉ MAUBLANC: 28 haïkaï, dont 10 ont paru dans la Gerbe, la N. R. F., la Grande Revue; les 18 autres sont inédits.

FRÉDÉRIC NIETZSCHE: 5 tercets extraits des Maximes et Chants de Zarathoustra.

PAUL PAULHAN: 2 haïkaï publiés par la N. R. F.

ALBERT PONCIN: 12 haïkaï, dont 11 inédits; l'autre a paru dans la N. R. F. et a été reproduit dans la Grande Revue.

JULES RENARD: 5 phrases tirées des Histoires Naturelles (4) et de Ragotte (1) et découpées en trois; l'une d'elles a été reproduite dans la Grande Revue.

OLIVIER REALTOR: 2 haïkaï reproduits dans un article de la Renaissance; l'un d'eux a été reproduit aussi dans la Grande Revue.

RENÉ SABIRON : 4 haïkaï publiés dans la Vie, reproduits dans la N. R. F. et la Grande Revue.

UN JEUNE AMATEUR RÉMOIS: 2 haïkaï publiée dans l'Humanité.

ROGER VAILLAND: 6 haïkaï inédits.

JULIEN VOCANCE: 28 haïkaï, dont 8 extraits de la Grande Revue, la N. R. F. et la Connaissance. Les autres sont inédits.

VIOLETTE: 1 haïkaï inédit.

 

Au total: 283 haikai, dont 173 inédits, de 48 auteurs.