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Les étapes
de la transformation alchimique
par Rolande Biès (1919-2012)
Source: http://www.cgjung.net/alchimie/,
lettres de décembre 1995 à octobre 1996
Biographie de Rolande Biès: http://www.jeanbies.org/rolande-bies-biographie
Etape 1
décembre 1995
L'Art de domestiquer la Vache (en dix étapes)."Seule la persévérance fait que le lent
progrès ne se perd pas dans les sables".
Yi King (hexagramme no 53).
Durant ce mois de décembre qui nous rapproche de Noël (la naissance du Christ, le Nouveau Soleil, nous-même en tant que porteur de l'étincelle divine), nous explorerons en dix étapes notre prise de conscience à partir de l' Art de domestiquer la Vache.
Au fur et à mesure du processus d'individuation nous verrons les différentes parties du corps de la vache (correspondant aux différents plans de conscience) s'éclaircir les uns après les autres.
Le Bouddhisme, - qui est philosophie, mode de vie plus que religion, - nous montrera d'abord dans cet ouvrage la disparition graduelle de la couleur noire de la vache, qui représente la fausse vision du moi conscient uniquement rationnel, puis la disparition même de l'animal, qui signifiera l'abdication du "moi" et du mental.
Première image . Le Bouddhisme Chan, ou Zen, nous dit : "Il recherche la vache, les sens se jouent de nous". Cette situation correspond à la description du premier palier de la réalisation. La vache, tout entière de couleur noire, représente les possibilités de prises de conscience dont dispose l'être humain, son moi, sa nature ignorante, son être potentiel. Dans la mesure où l'être humain ne le voit qu'obscurément, ou dans ses seules apparences extérieures, la vache est noire. Elle n'est pas totalement sauvage cependant, puisqu'elle a déjà une attache au museau. C'est dire le désir de l'être humain d'évoluer. Les nuages, également noirs dans le ciel, soulignent l'idée (fausse) que, dans l'imaginaire, on voit "tout noir plus noir que le noir". Tel est le commencement du travail sur soi où alterneront douceur et rigueur, comme l'attestent dans les mains du personnage - l'être humain - l'herbe agréable (la carotte !) et le bâton.
De son côté, et semblablement saint Jean de la Croix écrit en termes chrétiens : "L'âme, par amour pour Dieu, meurt au péché et à tout ce qui n'est pas Dieu". Comme notre texte, il débute par la mort des sens et du mental. Mû par la même humilité, nous entendons Lao-tseu dire : "Tous les êtres sont clairs, moi seul suis trouble" C.G. Jung leur fait écho, parlant de lui-même : "Je ne suis tout à fait sûr en rien".
Etape 2
janvier 1996
Le passage de la "nature" à la "culture" n'est pas aisé."L'individu est malade de n'avoir pas développé certaines
parties de sa personnalité qui demandent à l'être".
C.G. Jung (Cahiers no 78).
Les étapes de la transformation feront disparaître la couleur noire de la vache, puis la vache elle-même. Nous verrons s'éclaircir peu à peu les différentes parties de son corps, correspondant aux différents plans de conscience. Nous n'en sommes encore qu'au début : dans cette seconde image, le bouvier brandit encore le fouet et tire sur la longe ; la vache veut encore s'échapper, attirée par les faux plaisirs d'une soi-disant liberté.
De son côté, à son deuxième échelon, Jean de la Croix nous dit : "L'âme ne cesse plus de chercher Dieu". Encore faut-il que le chercheur connaisse d'abord sa propre nature obscure, représentée ici par la vache ; autrement, il n'aborderait qu'une partie de l'ensemble de son être. Capturée, la vache demeure rétive ; sans doute, le museau commence à blanchir (maîtrise du goût et de la parole), la tête se retourne vers la bonne direction, la longe s'est assouplie, les nuages ont disparu ; mais le soleil reste absent.
Il convient toujours de rechercher le vrai "moi" par opposition au "moi" apparent. Il est juste non pas de se complaire dans ce que nous sommes, dans notre suffisance, mais de nous transformer un peu chaque jour, afin de nous dégager des aspects éphémères pour atteindre une première certitude, seule porteuse de joie. Il ne s'agit pas d'entités différentes, mais d'un "moi" qui emprisonne le Soi. Ce "moi" doit être sacrifié par l'adhésion à l'inconscient. L'homme qui ne vit qu'au niveau du conscient reste séparé de ses racines, de sa "terre", comme semblent l'indiquer les pattes antérieures de l'animal.
Le passage de la "nature" à la "culture" n'est pas aisé. La vache est de nature vile. Mais par la lecture des enseignements de nos rêves, nous commençons à distinguer le correct du pervers, le vrai du faux, à passer du plomb à l'or.
Le deuxième échelon de st. Jean de la Croix est déjà très élevé ("l'âme ne cesse plus de chercher Dieu") par rapport à la deuxième étape du Dressage de la Vache ; mais à terme, nous le verrons, malgré certains déséquilibres entre les deux démarches, fin et commencement ne feront qu'un.
Etape 3
février 1996
La conscience cherche à se dégager de l'inconscience."Pénétrons plus avant dans la profondeur".
St. Jean de la Croix (Cantique spirituel -35).
Sur la troisième image , nous constatons que la vache a la tête blanche. La couleur noire représentait l'obscurité de l'esprit. Il nous faudra donc tendre vers un accroissement de lucidité. La vache, docile, suit son bouvier. Elle cesse de gambader ; mais l'homme tient toujours le licou - plus souple -, et veille sans cesse en la regardant. Il tient aussi la branche en cas de nécessité. Il devient spectateur de l'animal qui habite en lui. Celui-ci n'est plus vicieux, car, bien "tenu", il ne se sent plus coupable d'exister. Ainsi nous n'irons plus brouter l'herbe des autres : nous mangerons le monde, certes, (la terre nourrit ses enfants), mais pas plus que ce dont notre corps a besoin.
Le soleil est là, encore entouré de nuages : la conscience cherche à se dégager de l'inconscience. Sans oublier que l'inconscient contient aussi les sources sombres de l'instinct, - celui de conservation englobe tous les autres, - et de l'intuition.
Il n'est pas pour autant question de refouler l'"animal" qui vit en nous : il donne une certaine valeur à la vie. Il ne doit être que domestiqué, habile à RELIER raison et non-raison, conscient et inconscient.
Que nous dit, de son côté, le troisième échelon de st. Jean de la Croix ? "On fait agir l'âme, et l'on met en elle ce feu" (la conscience éveillée) "pour l'empêcher de tomber" ; de tomber dans ces passions que sont ignorance, méchanceté, intempérance, injustice, envie, ruse, colère, et même tristesse ! Ce "feu" n'est pas sans rappeler le soleil de l'image ; de même que le ruisseau qu'on voit en bas, cette "eau limpide coulant de la colline", comme dit encore st. Jean de la Croix.
Etape 4
mars 1996
La prise de conscience de l'ombre est douloureuse.
La première image nous a montré à quel point l'homme vit à l'écart de lui-même, de son corps, de ses instincts ; la deuxième, combien il discerne peu le vrai du faux, le bien du mal ; la troisième, l'importance de l'animal en lui. La quatrième image le montre encore attiré par tout ce qui est extérieur, mais des transformations se font jour. Le bouvier lie la vache à un arbre afin de pouvoir se rendre ailleurs sans elle. Il demande à la Nature (l'arbre) de l'aider au lieu de se retourner contre lui ; il apprend à la vaincre à l'intérieur de lui. Moment difficile à maîtriser à cause du monde objectif qui l'accable, lui offre mille et un sujet de "distraction" pour l'obliger à vivre des expériences concrètes.
La tête de l'animal est tournée sur le côté, ce qui indique une douloureuse prise de conscience de l'ombre - nos défauts, - symboliquement située derrière nous. N'oublions pas que l'ombre consiste en particulier à utiliser le sentiment en introduisant, par perversion, un désir inconscient de pouvoir sur l'autre.
Au cours de la montée du quatrième échelon de saint Jean de la Croix l'âme éprouve de même pour le Bien-Aimé une souffrance. C'est que la prise de conscience de l'ombre est douloureuse ; elle est la mort du vieil homme ; mais comme toute mort, elle précède une résurrection. C'est l'"oeuvre au blanc" des alchimistes, que nous suggère aussi l'image. Le devant de l'animal est maintenant assoupli, quelque peu dompté, déjà blanc. Momentanément, le ciel est sans nuages, le fouet a disparu. Cette souffrance n'est pas fatigue, l'âme ne désire aucun pouvoir, ni dans la famille, ni dans la société.
Mais pour accéder à ce genre d'état, la référence aux données de l'Être est indispensable. Comme nous le rappelle Mircea Eliade, "la compréhension des valeurs religieuses traditionnelles est le premier pas vers le réveil spirituel".
Etape 5
avril 1996
Ici commence l'Alchimie spirituelle.
Nous voici parvenus à la cinquième image . Elle montre la fin de la lutte contre la part de nous-même que nous nommons l' ombre , puisqu'en effet, la vache suit docilement son maître ; en d'autres termes, le "moi" éclairé, le "moi" qui a pris conscience de lui-même, le "moi" vrai .
Seule reste noire la partie postérieure du corps de l'animal.
Même les cornes ont blanchi, ces cornes que l'on retrouve dans le symbolisme judéo-chrétien en tant que "cornes de lumière" ornant la tête de Moïse après qu'il a reçu les Tables de la Loi. (Rappelons que la racine du mot corne est KRN, que l'on trouve dans CRâne, CouRoNe, CRoix, saCRement, saCRé, saCRifice).
Cependant, longe et baguette sont toujours dans les mains du bouvier, celui-ci demeure attentif.
Pour Saint Jean de la Croix, le cinquième échelon est ainsi décrit "L'âme désire et recherche Dieu avec une sainte impatience ; elle voit ce qu'elle aime, ou elle meurt". C'est à peu près, dans le langage de son temps, la même idée.
Toujours d'une extrême mobilité (le Mercure alchimique), l'âme ne peut se fixer tant qu'elle n'a pas fait le tour de ses expériences, heureuses et malheureuses. L'image montre que, pour le moment , le bouvier et l'animal ne sont encore reliés que par le regard. L'homme ne voit pas la montagne, encore moins son sommet. Il est beaucoup trop préoccupé par ses petites affaires, ces affaires dites "courantes" (et Dieu sait si elles courent vite), ces espèces d'inconsistances qui sont entre lui et lui.
En ce temps de Pâques, souhaitons que chacun de nous puisse au moins entrevoir le haut de la montagne en acceptant de faire le sacrifice du petit "moi", qui permet l'émergence du Soi : ici commence l'Alchimie spirituelle.
Etape 6
mai 1996
Là réside notre épanouissement.
Plus de fouet, plus de licol sur cette sixième image : l'homme tient la vache sous sa domination par son calme, et la charme par la joie que donne la flûte. L'arbre est couvert de feuilles, de fleurs peut-être. Le sommet de la montagne est visible. La vache, maintenant paisiblement couchée, regarde vers son maître. Seuls l'arrière-train et la queue sont encore noirs : l'élément sexuel n'a pas été dompté en toute sécurité.
Les nuages symbolisent les tourbillons d'idées qui toujours nous habitent. Nous sommes troublés par et pour des vétilles qui, en elles-mêmes, ne sont rien, mais qui font de nous des pantins. Notre "travail" sera de ne pas intellectualiser le quotidien afin que notre pensée ne devienne pas obsessionnelle, ni surtout ces évènements du passé qui nous torturent comme si nous pouvions l'annuler ou le revivre autrement.
Le sixième échelon de st. Jean de la Croix fait allusion à "l'âme qui court d'un pas léger vers Dieu et L'atteint souvent de ses touches". Ce pas léger, ces touches ne sont pas sans évoquer le chant de la flûte du bouvier, expression même de l'âme. Celle-ci représente le lien entre le corps et l'Esprit. Dès que l'Esprit prend conscience des forces de la nature qui possèdent parfois le corps, il les maîtrise tout en les laissant vivre. C'est ce que veut signifier la vache qui a dominé ces forces, n'est plus vraiment possédée par elles mais les maîtrise, les intègre en les laissant encore "respirer".
L'être humain, de même, devient léger quand il se sent unifié et non dispersé. Il connaît alors sa valeur tout en restant au-dessous d'elle au nom de l'humilité. Il met sa vie concrète en harmonie avec les suggestions venues de l'intérieur ou fournies par les signes que sont les évènements du dehors.
Là réside notre épanouissement, car c'est en nous que résident la terre et le ciel, le corps et l'Esprit. C'est bien ce que veut nous apprendre cette vache, qui, de folle qu'elle était, est devenue sage !
Etape 7
juin 1996
La solitude ne sied pas à ce "charbon ardent" qu'est l'âme.
Sur la septième image le soleil est sorti une nouvelle fois des nuages ; la dure montagne s'est éloignée. A l'ombre d'un arbre feuillu l'homme reste paisible. Le bouvier est calme, maître de lui, de son corps, de ses pulsions ; il pourra voir l'autre, les autres, et les aimer tels qu'ils sont. Sa position assise, et non couchée, signifie qu'il dort (les yeux sont fermés) tout en restant éveillé. Il n'a plus besoin de charmer ni d'attacher la vache, qui ne le regarde pas. Celle qui mange quand elle a faim, boit quand elle a soif : chaque chose en son temps. Seule l'extrémité de sa queue est encore noire : ultime vestige de l'instinct. Chasser les mouches lui reste nécessaire, mais elle n'y fait guère attention. Sa démarche est légère, elle semble danser la vie. Son regard n'est plus tourné vers le bouvier mais vers quiconque la regarde. Le ruisseau coule clair.
A propos du septième échelon , saint Jean de la Croix nous dit : "l'âme est animée d'une sainte audace. Elle ne peut s'y maintenir que par humilité". Dès que l'homme a vaincu les épreuves instinctuelles, il acquiert l'audace d'avancer (intérieurement) sur le chemin d'union des opposés (corps-esprit) par l'intermédiaire de l'âme. L'humilité l'aide à ne se vanter de quoi que ce soit, car tout être humain est fragile. L'audace consistera à ne pas rester isolé, - c'est ce qu'il fera plus loin -, car la solitude ne sied pas à ce "charbon ardent" qu'est l'âme. Seule, celle-ci perd sa chaleur au lieu de l'augmenter grâce à la chaleur des autres. Le tête-à-tête permettra d'exprimer la vérité profonde qui est le sel de notre vie (1).
(1) En alchimie, SEL se lie S.A.L. ; latin, Solus Altiora Laboro : "Seul, je travaille dans les profondeurs".
Etape 8
juillet 1996
Chaque jour offre son sourire, ses synchronicités ...
Le moi apparent s'oppose au Moi vrai . L'être humain dispose de bien des possibilités pour atteindre sa propre réalité. C'est pourquoi, jusqu'à cette huitième image , la vache restait noire, du moins en partie. Ici, elle est blanche et foule des nuages blancs. La lune, blanche, brille au-dessus. La terre a disparu : la liberté est acquise. Immobile le bouvier regarde au loin en se croisant les bras. L'œuvre est accomplie. Il n'a plus peur de lâcher l'animal ni de "prendre" ou de "posséder" quoi que ce soit. Il ne se retournera plus en arrière : son cœur est plein d'une joie inconnue, au-delà des sens. Quelles que soient les séductions, il ne s'y attardera plus. Il flotte dans les airs. La vache et lui ont disparu : l'homme individuel devient invisible aux yeux du monde. Seule règne la sérénité.
Au huitième échelon , st. Jean de la Croix nous dit que l'âme est attachée et unie d'une manière indissoluble au Bien-Aimé. La gloire de la terre ne vient plus ensevelir l'homme et son âme.
Il s'agit là de ces moments privilégiés au cours desquels l'être réalisé comprend que rien ne peut l'atteindre au plus profond de lui-même, et que les émotions ne sont que petites vagues sur la mer des sentiments, que la poussière reste posée sur la terre qui est notre corps, que le feu ne brûle plus dans notre pensée, et que l'air est porteur de paix au dehors et au dedans.
Chaque jour offre son sourire, ses synchronicités ... Nous sommes prêts désormais à accepter l'inconnu, l'inattendu, l'imprévisible, afin de donner vie à toutes nos possibilités et de préparer le trône sur lequel viendra s'asseoir l'être mystérieux qui vit en nous et que nous ignorons. Ce trône est la pierre philosophale, qui n'est autre que la réussite d'une incarnation humaine.
Etape 9
septembre 1996
L'homme a atteint la sérénité parce qu'en lui s'est évanoui le sens du moi.
Sur la neuvième image , la vache a disparu, et pour la première fois, apparaît le sommet de la montagne. Le bouvier est calme ; il semble battre des mains, s'émerveille. Ne chante-t-il pas maintenant qu'il est revenu sur terre où tout est en ordre, comme au ciel où peu d'étoiles brillaient précédemment alors qu'ici, le Soleil et la Grande Ourse sont réunis, que jour et nuit sont mariés ?
L'homme a atteint la sérénité parce qu'en lui s'est évanoui le sens du moi. Il a reconnu la part indomptée qui habitait en lui - la vache - ; il en a capté, intégré l'énergie. Son inconscience s'est faite conscience. Les divers plans se sont éclairés peu à peu en commençant par le haut, la tête, où sont situés le goût, la pensée, les émotions, et en terminant par le bas, l'élément sexuel ; un ordre inverse à celui de l'éveil de la kundalini .
Le bouvier ne réside plus que dans l'immuable non-affirmation du petit moi. Il observe ; ciel bleu, prairie verte. Rien de moins, rien de plus. Il est lui-même cosmos. Calme, joie, douceur. Juste milieu. "La vie est là, simple et tranquille" ...
Le neuvième échelon de saint Jean de la Croix dit que "l'âme est embrasée par Dieu d'un amour suave" (1). Rien n'a plus vraiment d'importance si nous restons RELIES à la fois aux grandes forces de Notre Dame la Nature (nos frères, l'air et le feu, nos sœurs, la terre et l'eau, pour reprendre François d'Assise) ; et, de façon plus juste, au Soi.
Écoutons à ce sujet Marie-Louise von Franz : "Si le moi s'identifie au Soi, il subit une inflation (2) ; s'il est trop éloigné du Soi, il se réduit aux souhaits, craintes, désirs, et se perd dans le monde".
(1) Lorsque Jean de la Croix parle de l'âme, il entend ce qui relie le moi à l'inconscient. A partir de ce moment, l'âme n'est plus projetée dans les illusions qui enlacent l'être humain et l'étouffent.
(2) N'oublions pas que les qualités paradoxales du concept du Soi sont conformes au fait que la totalité se compose de l'homme conscient, d'une part, et de l'homme inconscient, d'autre part. Le Christ est bien l'archétype du Soi.
Etape 10
octobre 1996
L'Alchimiste insiste sur la nécessité de se concentrer sur l'oeuvre.
L'homme et la vache ont disparu dans le Soi. Toute dualité s'est éteinte, la conscience individuelle n'est plus. Néanmoins la perfection totale serait néant : le cercle conserve quelques pointillés : des imperfections ... Ce qui EST se contemple et seul demeure.
L'Alchimiste insiste sur la nécessité de se concentrer sur l'œuvre. Nous avons tendance à fuir cette concentration. (Ce n'est pas nous qui fuyons, mais la substance transformante, l'esprit. On le nomme le cerf fugitif, cervus fugitivus ). Dès que le conscient et l'inconscient se rencontrent, les contraires entrent en mouvement. Alors la conscience est astreinte à supporter une certaine tension ... ; d'où les imperfections du cercle.
Partout où passe le bouvier, ses mains répandent des bénédictions : c'est le printemps ; son sourire et sa joie profonde font des miracles : les âmes revivent.
"L'âme s'assimile totalement à Dieu", nous dit de son côté saint Jean de la Croix. Le processus inconscient ne peut être vécu qu'au plus profond de l'âme et ne doit atteindre en aucun point la surface visible de la vie : si les fleurs sont cueillies, il est facile de comprendre que nul fruit n'en peut sortir. Voilà pourquoi la précipitation ne convient pas à l'Oeuvre.
Voici un rêve de transformation : « Devant moi, un sage avec un turban noir et blanc. Il s'approche et dit : "Je vais t'embrasser sur le cou". Il dépose alors, de la droite vers la gauche, un chapelet de baisers espacés, six en tout. A la place de chaque baiser, une très grosse perle fine ».
Interprétation : les couleurs noire et blanche sont reliées : le sage, incarnation du Soi, plein d'amour, donc d'assentiment envers la façon d'être de la rêveuse, lui donne six baisers (le six étant le mariage du feu et de l'eau). Ces baisers sont déposés sur le cou : lieu de la parole, lien du bas et du haut. Ils se transforment en perles, extraites de la mer, symbole de l'inconscient.
Ici s'achève le Dressage de la Vache : dans l'Ouroboros, tout est Un. Comme le dit l'alchimiste Basile Valentin : "Il ne me convient pas de t'exposer davantage ce que sont toutes choses en toutes choses, car toutes choses sont comprises en toutes choses".