Terebess Asia Online (TAO)
Index

Home

Jean-Aubert Loranger (1896-1942)

Sur le mode d’anciens poèmes chinois.
Haïkaïs & outas

XII

La lampe casquée
Pose un rond sur l’écritoire.
- Une assiette blanche.

 

XIII

Et j’attends l’aurore
Du premier jour de sa mort.
Déjá! Se peut-il?

 

XIV

L'aube éveille les coqs
Et tous les coqs, à leur tour,
Réveillent le bedeau.

 

XV

L’aube prend la lampe,
Au pavé des pas pressés,
- La première messe.

 

POÈMES / Jean-Aubert Loranger. Montréal : L. Ad. Morissette, 1922. 112 p.
http://jydupuis.apinc.org/pdf/loranger2.pdf

 

"Montréalais, Jean-Aubert Loranger a vécu de 1896 a 1942; il a surtout été reconnu comme journaliste et conteur. Ce poète qu’on disait mineur, marginal, et qui n’a publié que deux recueils (Les Atmosphères en 1920 et Poèmes en 1922) est depuis quelques années considéré comme un des pères de la poésie québécoise moderne; ses deux recueils ont connu trois rééditions québécoises (1970, 2001 et 2005) et une française (1992).

Loranger a composé et publié, dans la section «Moments» du recueil Poèmes (1922), 19 «anciens poèmes chinois haikais et outas», soit 4 haikus et 15 tankas sur le mode japonais. Il est plutôt difficile de savoir pourquoi le haiku a exercé une telle fascination alors que le tanka (poème japonais de 5/7/5/7/7 syllabes) est resté presque totalement inexploré malgré les efforts déployés en ce sens, des 1921, par Jean-Richard Bloch et ses amis!

Ce jeune homme était au courant des formes poétiques orientales et du mouvement japoniste en Europe. Il a été membre du groupe/revue avant-gardiste Le Nigog (1918) et a eu entre autres collègues, Guy Delahaye (le psychiatre de Nelligan), Paul Morin et Robert de Roquebrune (son cousin). De retour à Montréal après des études à Paris et en Europe, ces poètes ont fustigé les partisans du régionalisme et de tous les «repaires de vieilleries». Ce fut la lutte entre eux (les Exotiques) et les écrivains du terroir (les Régionalistes). On notera que le haiku a été à la fois une tentative d’ouverture sur l’Orient et un outil révolutionnaire, ou poème-laboratoire, pour les poètes surréalistes des années 1920, pour des poètes français et les poètes Beat américains des années 1950.

La bibliothèque de Loranger était française. Il suivait l’actualité littéraire et ses divers courants, notamment en lisant les «Chroniques» que Jules Romains faisait paraître dans L’Humanité, et en lisant même certaines des oeuvres dont parlait le chroniqueur. Jules Romains, activement favorable à la propagation du haiku, présentait et commentait ce qui se publiait, en livre et en revue, tant dans les revues de province tels Le Pampre de Reims et La Gerbe de Nantes, que dans celles de Paris: la revue Les Lettres de Fernand Gregh, La Revue Franco-nipponne, La Grande Revue, et bien sur La Nouvelle Revue Française où Jean Paulhan a publié une anthologie représentative du haiku français, cela en septembre 1920."

André Duhaime. "Début du haiku en Amérique" / Haïkaï / le 31 mars 2006
http://www.webzinemaker.com/admi/exec/print.php3?ident=millepoetes&rubr=3&id=296001