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Grand
Almanach Poétique Japonais
Traduction et adaptation par Alain KERVERN
Alain Kervern est né a Saïgon (Viêt-Nam) le 14 janvier 1945. Diplômé de lEcole Nationale des Langues Orientales Vivantes, et de luniversité de Paris VII, il revient définitivement en Bretagne en 1973, à Brest, où il enseigne le Japonais. Il découvre fortuitement lalmanach poétique japonais (Saïjiki), un trésor de la sensibilité poétique japonaise inconnu en Occident, qui lui inspire un essai sur la permanence du haiku intitulé Malgré le givre (Folle avoine, 1987) et dont il fait une adaptation en français sous le titre général du Grand Almanach Poétique Japonais en 5 volumes parus entre 1988 et 1994 (Folle avoine). Avec Makoto Kemmoku, il a traduit plusieurs poetes des traditions classique et moderne du haiku. A travers ses livres, Alain Kervern tente dacclimater les techniques du haiku a la sensibilité occidentale et bretonne. Louvrage collectif intitulé Tro Breizh, en notre faim, notre commencement (Skol Vreizh, 2001) a reçu le Ginyù Haiku Prize en 2004.
Dans le souci de transmettre les valeurs pédagogiques attachées a lapprentissage des techniques du haiku, il a traduit le manuel dun instituteur japonais initiant les enfants a la pratique de ce genre poétique, dans une version en breton : Koroll an haiku (Skol Vreizh, 1999), et en français : La ronde des haiku (Ubapar édition, 2004). Il organise des stages et des animations sur le haiku dans un esprit déducation populaire.
http://pages.infinit.net/haiku/kervern.htm
LE NOUVEL AN
Grand Almanach Poétique Japonais (Livre I) : Matin de neige (Folle avoine,
1988)
MATIN DE NEIGE
Cimes
du nouvel an
Que j'ai beau regarder
Rien que neige sur neige
Muro Saisei
Un
aigle descend
Sur les plaines blanches
De l'année qui monte
Yamaguchi Sodo
Dernier
achat du nouvel an
L'instant
Où fleurit la lune
Wanatabe Suiha
Sitôt
fêté le nouvel an
Au loin
Repartent les thoniers
Matsumoto Takashi
Premier
de l'an
Devant les mêmes vagues blanches
Ces deux vieux époux
Katsura Nobuko
Soleil
du premier de l'an
Si faible dehors
Sur les langes qui sèchent
Yamaguchi Seishi
Deux
heures dit le printemps
Elles ont sonné
Dans l'auberge de l'île
Kawabata Bosha
Cette
année encore
Le bon à rien que je suis
Dans sa hutte d'herbe
Issa
Lumineuse
Une
année toute neuve
Sur la neige
Ito Shou
La
lumière soudain
Et l'an neuf ruisselle
Sur le poème et sa stèle
Wada Dampo
Une
année l'autre
Comme enfilées
Sur la même perche
Takahama Kyoshi
Sur
les feuilles des choux
De temps en temps
La neige de l'an passé
Okamoto Shohin
Bateaux
de pêche
Font relâche
Une année part une autre arrive
Awano Seiho
Matin
du nouvel an
L'an passé brûle encore
Dans le poêle
Hino Sojo
Le
soleil du troisième jour
A traversé
Ciel et mer
Mizuhara Shuoshi
Sur
mon bureau l'agenda
Encore vierge
Les trois jours de l'an
Yoshiya Nobuko
Sur
la pointe des pieds
Elle met les chaussettes à sécher
La ménagère
du cinquième jour
Otaka Mitsuo
Dans
les champs de montagne
On allume des feux
Au septième jour de l'an
Omine Akira
Premières
lueurs de l'an neuf
Les jeunes pins allumés
Par les pins plus âgés
Karube Utoshi
Vers
le premier soleil
Sur mon tatami trottinant
Un moineau
Ensa
Premier
ciel du jour de l'an
Qu'une étoile traverse
Faiblement
Noha
Par
le trou du mur
Le ciel du nouvel an
Est aussi beau
Issa
Clartés
du premier jour
Dans la nuit du porche
Sur la tâte du Bouddha
Otani Kubutsu
Brouillards
de l'an nouveau
En mer
Les bateaux se sont tus
Ishihara Shugetsu
Du
bord du toit
Au pin suspendu
Le premier moineau
Tomiyasu Fusei
Premier
moineau de l'an
Echappé
De l'ombre immense du Bouddha
Iida Ryuta
Premier
moineau de l'an
Tout seul est venu jouer
Avec cet arbre vert
Hasegawa Shunso
Corbeau
de l'an neuf
Plus haute la vague
Plus haut l'envol
Suzuki Masajo
Dans
le filet
Ballet cruel
Des langoustes et des mains
Ushiro Boseki
Dame
souris
Trotte sur les armes
Et tombe la poussiere
Hisaoka Gekko
La
lumière des fougères
Reflet
Du monde des dieux
Nomura Hakugetsu
LE PRINTEMPS
Grand Almanach Poétique Japonais (Livre II) : Le réveil de la
route (Folle avoine, 1990)
LE REVEIL DE
LA LOUTRE
Aux
branches mortes
Perles d'une pluie de printemps
Rondeur du jour
Takahama Kyoshi
La
lumière des arbres
Sur les talus de février
Si fragile
Kato Shuson
Au
bord du chemin
Nouvel an classique
Des gens qui se saluent
Nakamura Kusato
Fin
des grands froids
Les couleurs de la montagne
Bougent
Aoki Getto
Sur
des socques de bois
Dépareillées
Le printemps est arrivé
Issa
Sur
les voyageurs
Tandis que tombe la pluie
Le printemps est arrivé
Ikegami Kosanjin
Timide
le printemps
Fait le tour du jardin
Sans franchir la porte
Takahama Kyoshi
Sur
l'incarnat
Du prunier
Le retour du grand froid
Takahama Kyoshi
Prémices
du printemps
Pour traverser les eaux
Un seul héron
Kawahigashi Hekigodo
Dans
l'éclat de ma serpe
Le ciel toujours bleu
Des froids persistants
Komatsusaki Sosei
Même
à Kamakura
Qui l'eût cru
Perdure l'hiver
Takahama Kyoshi
Les
portes glissent
Avec un autre bruit
Les matins de printemps
Tsutsui Rika
Remontée
des poissons
C'est tout ce que j'attends
Sur une pierre assis
Kusama Tokihiko
Si
les pigeons de mars volent
C'est d'abord
Grâce aux plumes couleur
châtaigne
Ishida Hakyo
Des
insectes réveillés
La petite voix
Sous les pierres que je
foule
Nishitani Takashi
Mi-printemps
Sur
le toboggan
Un gamin a lunettes
Sakurai Hakudo
Ce
qui me fait sourire
A nouveau le printemps
Sous un ciel de voyage
Basho
Pour
voir le printemps
La rivière d'Asakusa
J'ai traversée
Seishi
Aurore
printanière
Conduites d'eau jumelles
Qui font le même bruit
Masuda Ryuu
En
haut des cocotiers
Aurore de printemps
Où mon coeur voyage
Oguma Kazunda
Point
du jour au printemps
Dans le grand monastère
Le point le plus pâle
d'une veilleuse
Awano Seisho
Journées
de printemps
Comme les gens âgés
J'observe ciel et nuages
Maeda Fura
Journées
printanières
Elle a perdu ses charmes
La bouteille thermos
Azumi Atsushi
Au
loin l'océan
Sous les voiles enseveli
Soir de printemps
Tairo
A
l'octroi du pont
On a fait les comptes
Soir de printemps
Shoha
Du
koto abandonné
Une souris sort et s'en va
Crépuscule de printemps
Mitsuhashi Toshio
Nuit
de printemps
Les cerisiers se sont ouverts
Pour de bon
Basho
Nuits
de printemps
On court les filles
Mème la mienne
Enomoto Kikaku
Poulets
d'accourir
Plus un cheval dans l'écurie
Douceur du printemps
Kato Shuson
Sérénité
Sur
une ligne
Six ou sept grues
Etsujin
Paix
Sanctuaire
du silence
Dont j'ai fait le tour
Taigi
Les
jours allongent
Il ne fait que dormir
Ce chien aveugle
Murakami Kijo
Dans
ce jardin le couchant
Sur les pierres s'attarde
A jamais
Takahama Kyoshi
De
l'auvent descendu
Un moineau dans la lumière
Le soleil s'attarde
Komatsusaki Sosei
Le
soir tarde a venir
Sur l'ombre des herbes et des arbres
J'ai marché
Ikasaki Kokyo
Saison
des cerisiers
Sur la terre comme au ciel
Et moi je tousse comme un damné
Nomiyama Asuka
C'est
la fin du printemps
Dans les sous-bois d'argent
Un arbre nu
Takada Kiso
De
la seconde lune
A la suivante
La vie a peine entrevue
Katsura Nobuko
Jusqu'au
bout des doigts
J'enfonce mes gants
Froid sur les cerisiers
Tanabe Kayoko
Le
printemps se creuse
Avec des inconnus
Je monte a bord
Kaneko Hiroshi
Terre
de mon village
Que je foule sur ce chemin
Tiédeur du printemps
Iida Dakotsu
Mort
tranquille du printemps
En contrebas du vieux château
La maison d'un
ami
Iida Dakotsu
Le
printemps s'en va
Regardant la mer
Les petits du corbeau
Shokyuni
Sur
une chaise
Traces de pattes du chat
Avril s'efface
Yoshiba Etsuko
Nuit
de lune sur les champs de thé
Brusquement
L'été tout
près
Komaki Zujo
L'ETE
Grand
Almanach Poétique Japonais (Livre III) : La tisserande et le Bouvier (Folle
avoine, 1992)
LA TISSERANDE ET LE BOUVIER
Lune
et soleil
Vent blond des roseaux fleuris
Au long du ciel des chemins
Murozumi Shoshun
Alourdie
de nuages
La brise aux pousses de bambous
Latrines du temple Zen
Iida Dakotsu
Premiere
ondée de la mousson
C'est l'ancien nom sur la porte
Qui d'abord prend
la pluie
Kobayashi Seinosuke
Rien
ne bouge
Que le ciel d'été
Lichen sur les pins
Kato Shuson
Ils
ont aimé le ciel d'été
Jusqu'à s'y rassembler
Les Bouddhas
Hirose Naoto
Même
les sommets d'antan
Je ne les reconnais plus
Grand ciel d'été
Saito Gen
Nuages
d'été
Dix lieues en contrebas
Une plage
Kosugi Yoshi
Tous
les boufs
A l'ombre des noisetiers
Nuages d'été
Sudo Gojo
Sur
le batelier tout nu
Un chapeau de bambou
Cimes des nuages
Enomoto Kikaku
Sérénité
Au
fond des eaux du lac
Des crêtes de nuages
Issa
Quittant
la moustiquaire
Encore un mur de papier
Me sépare de la lune d'été
Joso
Chiens
et chats
Chacun court quelque part
Chaude lune d'été
Ameyama Minoru
Captifs
au fond d'un pot
Une pieuvre et ses rêves
Lune d'été
Matsuo Basho
De
sa poussette il montre
Dans le ciel de l'été
Les parents et
les enfants étoiles
Nakamura Kusatao
Feuilles
de tournesol
Que survole une mouche
Passe le vent du sud
Iida Dakotsu
Vent
du sud
Sous mon chapeau sa force
Fait froncer mes sourcils
Fujita Shoshi
Vent
du sud
Majestueuse nuit
Pas une branche n'est immobile
Kinoshita Yuji
Grand
vent du sud
Dont se nourrissent
Les corbeaux sur les toits
Iida Dakotsu
Le
vent bleu
A rôdé sur les cimes
Autour d'une cloche de temple
Ozaki Koyo
Epaisse
encre de Chine
Si prompte à sécher
Au vent du sud
Hashimoto Takao
Pluie
d'été
Quand elle n'est plus qu'un souvenir
Le soleil tape
Matsuse Seisei
Ondée
brutale
Sur la ville miséreuse
A grandes lessivées
Matsuse Seisei
Les
petits du poisson-globe
Vers l'ondée soudaine
La bouche ouverte
Goto Shichiro
Mains
jointes sous l'ondée
Du village on entend
Trois heures sonner au
temple
Kato Shuson
Ceux
qui sont venus
Voir l'arc-en-ciel
Ont le visage blanc
Hoshino Tatsuko
Tonnerre
lointain
Endormie
Elle semble si jeune
Nakamura Teijo
A
cause du tonnerre
Une aubergine
Est tombée par terre
Ryoto
Ciel
de la mousson
Tantôt une ombre, tantôt deux ailes
Le papillon
Tagaki Haruko
A
l'endroit où était
La lune de printemps
La lune des moussons
Takano Suju
Dans
mon jardin
Il fait nuit sous le chêne
Lune des moussons
Yamaguchi Seison
Dans
la toile d'araignée
Pleine lune de la mousson
Captive
Yamazaki Fumiko
Le
professeur des cours du soir
Et son grand parapluie noir
A la saison des
pluies
Hosomi Ayako
Dans
chaque pièce
Nul Bruit
Ainsi va la saison des pluies
Sampu
Ciel
et terre
Ne font plus qu'un
Pluies de la cinquieme lune
Sampu
Dans
l'eau s'enfonce
La corde d'amarrage
Ténèbres du cinquième mois
Kusume Tokoshi
Raconte-moi
La
fraîcheur des chemins
Vent d'est des moissons
Raizan
Le
vent souffle chaud
Tout de noir enveloppée
Une nonne
Nakajima Takeo
Trève
du soir
Mes dévotions au Bouddha
Complètement nu
Miyabe Sunao
Cloche
sonnée
Le moine ouvre son parapluie
Saison des pluies sur le départ
Mori Sumio
Hormis
les poteaux Electriques
Sous la pluie bienheureuse
Tout revit
Togo Saiu
Mer
des nuages
Un vrai soleil se lève
Sur un monde sublime
Kono Tanfu
Matin
vaporeux d'été
La terre devant sa tombe
Toute humectée
Iida Dakotsu
Matin
bouché
S'ouvre soudain
Sur les pivoines et les aiguilles de pin
Miyake Seizaburo
A
coté d'un pigeon
Aux feux de l'aube un moineau
Que c'est petit
Ishida Hakyo
L'incendie
du couchant
S'envole a la rencontre
De l'immense montagne
Oikawa Tei
Soleil
au zénith
A l'endroit de sa sieste
Le chien est revenu
Shimamura Hajime
Riz
d'offrande au Bouddha
Deux baguettes plantées
A l'heure la plus torride
Takaha Shugyo
Les
motifs du rideau
Transfigurés
Au soleil du Ponant
Takahama Kyoshi
Chaleur
huileuse
Un chat dresse l'oreille
Un chien s'assoupit
Shimizu Motoyoshi
Sous
l'auvent du toit
Cheval attaché
Du coté de l'ombre
Takaham Kyoshi
Ombres
profondes
Trop nombreux sur le chêne
Les moineaux sous l'auvent
Ishida Hakyo
Pénombre
Sorti
d'une fenêtre
Un bras
Shimomura Kaita
Elle
arrive en bus
L'épouse que j'attends
Dans une flaque d'ombre
Kawakami Rioku
Tourné
vers moi
Blanc ce moineau
Brouillard d'aube
Nakamura Kusatao
L'AUTOMNE
Grand
Almanach Poétique Japonais (Livre IV) : A louest blanchit la lune
(Folle avoine, 1992)
A L'OUEST BLANCHIT LA LUNE
Dans
la froidure
Par les manches entre le jour
Montagne d'automne
Issa
Que
je donne de la voix
Et tout devient bruit
Automne en montagne
Ono Mokofu
Par
les champs d'automne
Je vais
Une cage à grillon à la main
Matsunaga Teitoku
Plaine
d'automne
Une clochette
On ne voit pas celui qui passe
Kawabata Yasunari
Sur
cette route
Nul ne vient
Déclin de l'automne
Basho
Branches
et ramilles mortes
Jonchent le haut plateau
Qu'une seule route dessert
Ushio Deichu
Dans
les mouvements
Des carpes géantes
Couleurs de montagne
Mori Sumio
Malade
De mon jardin d'automne
Je tiens la chronique
Masaoka Shiki
Jardin
d'automne
La solitude
Affûte mon ouïe
Tsunoda Doppo
Dans
le jardin aux fleurs
Je vois que l'on puise de l'eau
Avant mon opération
Ishida Hakyo
Au
levant
Le soleil se noie
Dans les terres fleuries
Takahama Kyoshi
Rizière
d'automne
Blanc héron
Tout près des moissonneurs
Yamaguchi Seison
N'en
pouvant plus d'attendre
Les oies redescendent
Au-dessus des rizières moissonnées
Issa
Au
fil des eaux d'automne
Debout comme un bouquet
Des plantes aquatiques
Tomiyasu Fusei
Vers
les eaux d'automne
Du coeur du feu si rouge
La fumée s'envole
Nakamura Kusatao
Les
eaux de l'automne
Sur la tombe d'Issa
S'infiltrent dans la terre
Takahashi Shigeko
Lac
d'automne
Le traverser me sépare
D'un ami Aïnou
Ikenouchi Yujiro
Au
soleil couchant
J'ai lavé mon cheval
Dans la mer d'automne
Masaoka Shiki
Marée
d'automne
Chez les pêcheuses de coquillages
Des chansons de pêcheuses
Gosho Heinosuke
Avis
de raz-de-marée
Au milieu des conseils de prudence
Je fais cuire
du riz
Izuma Shunka
Grève
d'automne
A chaque coup d'oil en arrière
Un chien a distance
Yamaguchi Seishi
Après
ces milliers de pas
Les miens solitaires
Grève d'automne
Mitsuhashi Takajo
Lueurs
inconnues sur la mer
Pour les voir
On se hâte dans le noir
Ito Michiaki
Ciel
pur d'automne
De la porte on peut voir
Le feu dans un fourneau
Hara Sekitei
Devant
la lune
Cette fumée qui monte
Ciel des villes
Kawahigashi Hekigodo
Pleine
lune
J'ai fait toute la nuit
Le tour de l'étang
Basho
La
pleine lune
Donnez-la-moi
Pleure un petit garçon
Issa
On
dirait un homme
Le singe qui joint les mains
Dans le vent d'automne
Chinseki
Solitaire
j'étreins
Mes genoux et le vent
Toujours, le vent d'automne
Kusumoto Kenkishi
Elle
secoue la porte
Elle fait tomber les stores de bambous
La première bourrasque
Hasegawa Kanajo
Petit
poulain
Quitte sa ferme natale
Pluies d'automne
Issa
Goutte
de rosée
Toute ronde
Panique chez les fourmis
Kawabata Bosha
L'HIVER
Grand
Almanach Poétique Japonais (Livre V) : Le vent du nord (Folle avoine, 1994)
LE VENT DU NORD
Gros
ventre
Bouche ouverte
Un bar au fond du bateau
Takii Kosaku
Jusque
dans les yeux
De la mante religieuse
Les couleurs de l'herbe fanée
Yamaguchi Seishi
Se
glissant dans mon kimono
Le puceron des neiges
Doit se sentir bien seul
Murakoshi Kaseki
Tant
qu'il avait des forces
Il chantait
Le grillon d'hiver
Takeuchi Bujo
Sauterlle
d'hiver
En d'ultimes efforts
A fait un petit bond
Udo Moppoji
Flétan
des grands froids
Qu'avec mes baguettes
Miette par miette j'ai dévoré
Kusama Tokihiko
Flanquée
de ses petits
Allant d'un pas bonhomme
Une ourse j'ai vue
Sato Yojin
Une
antilope laineuse
Dans la neige enfonce des pas
Qui s'en vont vers les cimes
Shinoda Teijiro
J'aperçois
un renard
Un jour c'est moi qui de lui
Serai vu
Kato Shushon
Nuits
pleines d'écureuils volants
Les histoires de mon père
En mon coeur
enfouies
Sato Onifusa
Ecureuils
volants
La nuit a fait grandir
Les montagnes
Mitsuhashi Toshio
La
voix des loups
A l'unisson
Soir de neige
Joso
Marais
asséchés
Qu'un loup traverse
Une nuit de lune
Murakami Kijo
Départ
pour le front
Dans la neige profonde
Il n'y a qu'un chien assis
Nakamura Kusatao
Concentré
de soleil
Que je partage avec
Un gros chat endormi
Kusamura Motoko
Débouchant
sur la mer
Ruisselant d'azur
Un faucon bleu
Mori Sumio
A
la vue d'un faucon
Je trépigne
Moi qui suis encore au lit
Kimura Bujo
L'orfraie
Serres
grandes ouvertes
A vouloir tout arracher
Kato Shushon
Plaine
enneigée
A l'ombre de laquelle
Un aigle descend
Yamaguchi Sodo
Allons
boire un coup
Piaillent à l'envi
Les oiseaux transis
Saimaro
Une
oie sauvage
En retard
Quatre dans le ciel
Nozawa Setsuko
De
ses ailes blanches
Embrassant l'aube rouge garance
Un héron d'hiver
Kotaka Kiryushi
Gazouillis
d'oiseaux
Neige et lampe qu'on allume
Au temple du Todaiji
Nakagawa Soen
Je
coupe des roseaux
Elle se déplace en protestant
L'alouette d'hiver
Shiotani Hatsue
Si
le roitelet
Est toujours en vie
Moi aussi ça va
Matsuse Seisei
Le
cri d'un colvert
Et j'abandonne arc et flèches
Pour au moins dix ans
Kyorai
Avec
l'air d'être allé voir
Le fond des eaux
Une jeune sarcelle
Joso
Marée
haute
Pour aller voir la ville
Les mouettes sont parties
Iida Dakotsu
Mouettes
d'hiver
Ni toit pour la vie
Ni tombe pour la mort
Kato Shushon
Encore
un passant
Qui devant la grue transie
Se plante
Yoshioka Zenjido
Une
baleine mugit
Elle s'approche du village
La tempête
Ono Shachiku
Pêcheurs
d'allonger
Un requin
Dans la neige
Kato Shuson
Grosses
prises de thons
On prend son temps
Pour les vendre a la criée
Fukumoto Geiyo
Lune
pâle
Morue toute blanche
Au fond de mon bol
Matsume Toyojo
Brochet
des mers glacées
Dont les yeux louchent
Sur le feu
Suzuki Ontei
J'ai
saisi ce mulet d'hiver
Et de la même main
Je le tiens suspendu
Ishida Akiko
Les
yeux rivés sur le trou
Sans fin je guette
Les poissons sous la glace
Saito Gen
Je
n'ai pêché
Qu'un poisson-globe
A l'ouest de l'île solitaire
Takashima Shigeru
Il
tapote la cendre
D'une sardine grillée
Boncho
La
transparence des flammes
Lui donne des couleurs
Sardine grillée
Hino Sojo
Lac
d'ômi
Nuit glacée poisson de rien
Sur un petit plat
Tanaka Kikotsu
Au
fond de l'eau
Restée invendue
Une bêche de mer
Takada Fujinshi
Une
huître
C'est la petite auberge
D'une bête qui vit dans les algues
Ichu
Aux
feuilles qui tombent encore
Il se heurte
Le papillon d'hiver
Kito
Papillon
d'hiver
On le voit s'envoler
Qu'il est déjà tombé
Shimomura Umeko
Sur
les signes et le sens des mots
Promenade indifférente
D'une mouche
d'hiver
Nakamura Kusatao
Ce
coup de sabre
L'ai-je vraiment rêvé
Morsure de puce
Kikaku
Les
moineaux transis
Du temple du Grand Bouddha
Ont fait leur maison
Yamaguchi Seishi
Corbeau
d'hiver
Sur son ombre
S'est posé
Shiba Fukio
Qu'est-ce
qu'un cygne
Une grosse fleur blanche
Posée sur les eaux
Nakamura Kusatao
Carpe
des temps froids
Que déserte
La vigueur
Takahama Kyoshi
Au
bout du rocher
Seiches d'hiver pêchées
Au feu des torches
Yoshida Toyo