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Philippe Jaccottet
AIRS

poèmes 1961-1964

 

Je marche
Dans un jardin de braises fraîches
sous leur abri de feuilles

un charbon ardent sur la bouche

...

Ce qui brûle déchirant l'air
rose ou par brusque arrachement
ou par constantéloignement

En grandissant la nuit
la montagne sur ses deux pentes
nourrit deux sources de pleurs

...

Tout à la fin de la nuit
quand ce souffle s'est élevé
une bougie d'abord
a défailli

Avant les premiers oiseaux
qui peut encore veiller?
Le vent le sait, qui traverse les fleuves

Cette flamme, ou larme inversée:
une obole pour le passeur

...

Le souci de la tourterelle
c'est le premier pas du jour

rompant ce que la nuit lie

...

La terre tout entière visible
mesurable
pleine de temps

suspendue à une plume qui monte
de plus en plus lumineuse

...

Pommes éparses
sur l'aire du pommier

Vite!
Que la peau s'empourpre
avant l'hiver!

...

Il y aura toujours dans mon œil cependant
une invisible rose de regret
comme quand au-dessus d'un lac
a passé l'ombre d'un oiseau

...

Et des nauges très haut dans l'air bleu
qui sont des boucles de glace

la buée de la voix
que l'on écoute à jamais tue

...

Fleurs couleur bleue
bouches endormies
sommeil des profondeurs

Voux pervenches
en foule
parlant d'absence au passant

...

Sérénité

L'ombre qui est dans la lumière
pareille à une fumée bleue

...

Accepter ne se peut
comprendre ne se peut
on ne peut pas vouloir accepter ni comprende

On avance peu à peu
comme un colporteur
d'une aube à l'autre

...

Monde né d'une déchirure
apparu pour être fumée!

Néanmoins la lampe allumée
sur l'interminable lecture

...

Ce mouvement presque invisible
sous la brume
comme si là-bas
s'envolaient des oiseaux

...