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Pierre Tanguy
Haïku


Haïku du chemin en Bretagne intérieure
Rennes : Ed. La Part Commune, 2002, 86p. [181 haïku]

L’épaule blanche
Des jeunes filles
Premiers jours d’avril

Soleil hésitant
Le lézard tergiverse
Sur la pierre du pont

Seul sur le chemin
Le frémissement des peupliers
Le chant de la roue

Même le pécheur ventru
A ôté son maillot de corps
Canicule

La fin du repas dans l’auberge
La cuiller que l’on tourne
Dans la tasse de café

Des feuilles mortes
Sous la roue du vélo
Bruit de mitraillette

Branche nue et froide
Balcon chargé de grains
La navette des moineaux

Tohu-bohu des poubelles
L'oiseau de six heures
A suspendu son chant

Marquées d'une croix
Les cochettes que les gros porcs
Doivent saillir

Bras tendus
Vers les griottes trempées
La douche sous les branches

Le soir après la pluie
En haut des murs de pierre
L'ivresse des glycines

Poussée par le vent
L'odeur des grillades
Traverse l'étang

Sur la page de mon carnet
Ouvert dans les herbes
Une fourmi bien affolée

L'ombre du pommier
Palpite sur mon livre
Ah ! la lecture charmante

Sur le balcon ensoleillé
Elle arrose ses fleurs
Vue plongeante sur les tombes

Carré blanc sur la couverture
La lune ronde
A traversé la vitre

Mains écarlates
Taches au pantalon
Après la cueillette des baies

Les jeunes kayakistes
Derrière leur moniteur
Petits canards sur l'eau

Des mouches sur les mûres
Et l'odeur des feuilles mortes
L'automne à tâtons

Bâches noires
Sur les fourrages
Le deuil autour des fermes

Sentier en pente
Les bogues des châtaigniers
Roulent vers la rivière

Jeunes feuilles du houx
Elles ne piquent pas encore
Disent les enfants

Petits fruits
Du néflier sauvage
Que tout le monde ignore

Feuilles mortes
Rejets de chênes
Le domaine des fourmis

Des grilles autour du verger
Défense d'entrer
Les pommes pourrissent

Tombées dans la rivière
Les pommes rouges
Dansent sur l'eau

Rigoles de purin
Dans les champs dénudés
L'hiver noir

Renard écrasé sur la route
des voitures passent
indifférentes

On les pousse violemment
Dans l'abattoir
Les vaches silencieuses

Mousses des sous-bois
Arrachées au talus
Pour décorer la crèche de Noël

Goutte de pluie
Sur la ranche du bouleau
Tarde à quitter le siècle

Mêmes vélos
Mêmes reflets dans l'eau
Le premier janvier

Quand il gèle dehors
Ah ! la main chaude
De la boulangère

Giboulées et vent frais
Les vieux lisent au chaud
Dans leur véranda

Flambée de buches
Au milieu des jonquilles
Une tache de sang dans la prairie

Au pied de l'immeuble
Elle vend en grelottant
Ses lilas blancs

Partout des pâquerettes
Là où l’été ne connaît
Que l’herbe sèche

Fleurs des marronniers
Soufflées par le vent
Neige de mai

Premiers chahuts dans l’eau
Pantalons mouillés
Le cri des mères

Elle pique-nique, la vieille
Devant la chapelle
Mois de Marie

Lilas qui se fane
Trop vite
Le cœur se serre

Herbe grasse après la pluie
Elle s’étonne la vache
Qu’on la regarde brouter

Trèfle incarnat, bleuets et coquelicots
Ces fleurs venues de rien
Que la tondeuse broiera

Petites billes rouges meurtries
Picorées par les merles
Les griottes du chemin

Fougères et herbes folles
La digitale sur le talus
Pointe son nez rose

Pois de senteur
S’échappant des grillages
Les cueillir en cachette

Pétales de cerisier
Sur les capots de voitures
Plus tard les feuilles mortes

Bouffées de vent frais
L’herbe frissonne
Dans un linceul de pâquerettes

Jacinthes dans les sous-bois
Mai s’annonce
A grands coups de clochettes

 

Haïku du sentier de montagne
Rennes : Ed. La Part Commune, 2007. 128p.

Les grands sapins
Ont leurs épaules lourdes
Il neige

Torrent hurlant
Sous le pont
Trop plein d’avril

Voile de nuages
Percé par le soleil
Le marcheur regonflé

Pin parasol
Sur un chaos
Bonzaï dans l’immensité

La neige fraîche
Sur les rochers moussus
Crème de pâtisserie

Gros flocons
Sur les bourgeons d’avril
Champs de coton

Pas de fardeau
Sur les épaules
Simplement le poids de la neige

Flocon au bout du doigt
Un monde à découvrir
Au sein des cristaux

Bras en croix
Sur cette litière blanche
Le corps s’allège

Regard brouillé
La neige tombe
Sur mes cils

Soudain dans la neige
Les feuilles d’automne
Changent de saison

Rompue
Par le torrent
La loi du silence

Froissement d’ailes
Au-dessus de nos têtes
Le téléphérique

Derrière les nuages
Un soleil blanc
Comme la lune

Ciel sans faille
Les cailloux du sentier
Commencent à briller

Monde blanc
Aux marches du sentier
L’entrée du paradis

Ombre chinoise
Dans la neige qui brille
La cloche de la chapelle

Horizon blanc
piqué de sapins noirs
Loin le refuge ?

................... Haut Couserans

Si colorés dans le torrent
Si fades sur la berge
Les cailloux du torrent

Méditant
à flanc de montagne
Deux chevaux noirs

Partout
Le grand calme
Et la paix des étangs

Évaluer les distances
Au bêlement
Des troupeaux d’estive

Belle cascade vue de loin
Arrivé à ses pieds
Uniquement son fracas

Si fort le bruit du torrent
Si affaibli
Quand le sentier s’écarte

Bénédiction des buis
Après les prairies de fauche
Troménie des montagnes

Ils découvrent un univers
Tous ces enfants
Au sein d’une fourmilière

Dans l’impatience
Des plats chauds
Le froid qui nous saisit

Dissipé le brouillard
Le sommet attaqué
Dans l’haleine fraîche du matin

Faisan des neiges
Claquant des ailes
Tu effarouches la petite gentiane