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Jean Paulhan (1884-1968)

 

Haï-kaïs
»La Nouvelle Revue Française«, a. VII. n. 84, 1° septembre 1920.

Les haï-kaïs sont des poèmes japonaise de trois vers, le premier vers a cinq pieds, le second sept, le troisième cinq. Il est difficile d'écrire plus court; l'on dira: moins oratoire. La poésie japonaise de treize siècles tient, a peu près, dans ces miettes.

Basil Hall Chamberlain les appelles épigrammes lyriques. »Lucarne ouverte un instant«, dit-il, ou »soupire interrompu avant qu'on l'entendre«. De toute manière, se sont des poésies sans explication.

Paul-Louis Couchoud a su les traduire.

* * *

Le haï-kaï est pittoresque, ou bien mystique.

Voici le canard sauvage:

Il a l'air tout fier
D'avoir vu le fond de l'eau
Le petit canard.

Le bon poète embarassé:

De ma baignoire
O
ù jeter l'eau bouillante?
Partout des cris d'insectes

Voici cependant l'écoulement des apparences:

Elles s'épanouissent, alors
Ont les regarde. - alors les fleurs
flétrissent, - alors...

* * *

Dix faiseurs de haï-kaïs, qui se découvrent ici réunis autour de Couchoud, tâchent à mettre au point un instrument d'analyse. Ils ne savent pas quelles aventures, ils supposent la plupart que des aventures attendent le haï-kaï français - (qui pourrait trouver par exemple la sorte de succès qui vint en d'autres temps au madrigal, ou bien au sonnet; et par là former un goût commun: ce goût justement qui passe pour préparer la venue d'oeuvres plus décisives).

Jean Paulhan

 

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[SIX HAIKU, 1920]
»La Nouvelle Revue Française«, a. VII. n. 84, 1° septembre 1920.

 

La fumée s'envole au Nord
Le papillon blanc vers l'Est
Vent frivole

La rivière coule nue
Les jeunes arbres vont vivre
Dans les bois

Qui te parles en souriant?
Non, c'est le ruisseau qui roule
Quelques fleurs

La fille étonnée recherche
Les instincts bêtes féroces
Du sermon

Le costaud pourtant est mort
Même sa fièvre allait bien
Dit le faible

La mère au fond du jardin
Ce n'est pas goût pour la lune
L'enfant crie

 

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[TREIZE HAIKU, 1969]
»La Nouvelle Revue Française«, a. XVII, n. 197, 1° mai 1969.

 

»Ces billets de vingt, de cinq cents, de mille.
Je ne les chiffonnerais pas comme lui«,
Se dit le pas riche.

Le cocher laisse monter la montée.
Il oublie que le cheval déçu
Espérait ici son coup de fouet.

Quand son mari a dit: »Vacharde«
Elle trouve la force de finir la vaisselle.
Les pauvres s'aident comme ils peuvent.

Monsieur Loir est surpris que le mendiant
A qui il donnait un sou chaque jour,
Ait assassiné quelque femme.

Monsieur Pène boutonne sa veste
Avant de passer le carrefour:
Il veut être écrasé soigneux.

Napoléon jeune sur l'image.
»Pauvre, disent-elles,
Tout ce qu'il a encore à faire!«

Si tout le monde une seconde est resté sage.
»Maintenant, ne bougeons plus!«
Crie le moraliste.

Le beau costume n'y fait rien
Il faut sentir au dedans
Que tu es bien celui qui porte le beau costume.

Cette idée venue toute seule
T'a fait dépêcher,
Pourtant tu es sorti pour ton plaisir.

Quand l'enfant a suivi la grille
Qui fait le tour du bassin,
Il se croit enfermé.

Si je les prends à côté, elle les reconnaîtra,
Si je les achète déjà,
Meme les fleurs sont un paquet.

»La première à gauche, la deuxième à droite,
La toisième rue jusqu'au bout...«
- Va, laisse-moi, je trouverai un autre aimable.

Georges aux paquets voit sur le mur:
»Merde pour qui le lira.«
Les complaisants sont partout punis.

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cf.
Jean Paulhan
HAIKU
a cura di Renato Turci
Longo Editore, Ravenna, 1992, 96 p.